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Филин

Как филин, сердце ухает в груди —
Все ух да ух… Так в крест вбивают гвозди.
Все пыл, все кровь — хоть душу изгвозди.
Любимые, лишь вы меня не бросьте!

Ibis

Qui, j'irai dans l'ombre terreuse
О mort certaine, ainsi soit-il!
Latin mortel, parole affreuse,
Ibis, oiseau des bords du Nil.

Ибис

И я сойду, в тумане зыблясь,
В подземный мир — да будет так!
И на латыни мертвой ибис
Укажет мне мой путь во мрак.

Le boeuf

Ce ch?rubin{21} dit la louange
Du paradis, o?, pr?s des anges,
Nous revivrons, mes chers amis,
Quand le bon Dieu l'aura permis.{22}

Бык

Вот херувим, рожденный бездной:{23}
Друзья, он славит рай небесный,
Где мы сойдемся наконец,
Когда позволит нам Творец.{24}

Alcools

Алкоголи

(1913)

LE PONT MIRABEAU

Sous le pont Mirabeau coule la Seine
Et nos amours
Faut-il qu'il m'en souvienne
La joie venait toujours apr?s la peine
Vienne la nuit sonne l'heure
Les jours s'en vont je demeure
Les mains dans les mains restons face ? face
Tandis que sous
Le pont de nos bras passe
Des ?ternels regards l'onde si lasse
Vienne la nuit sonne l'heure
Les jours s'en vont je demeure
L'amour s'en va comme cette eau courante
L'amour s'en va
Comme la vie est lente
Et comme l'Esp?rance est violente
Vienne la nuit sonne l'heure
Les jours s'en vont je demeure
Passent les jours et passent les semaines
Ni temps pass?
Ni les amours reviennent
Sous le pont Mirabeau coule la Seine
Vienne la nuit sonne l'heure
Les jours s'en vont je demeure

Мост Мирабо

Под мостом Мирабо исчезает Сена
А с нею любовь
Что же грусть неизменна
Уступавшая радостям так смиренно
Тьма спускается полночь бьет
Дни уходят а жизнь идет
Словно мост мы сомкнули руки с тобою
Покуда волна
За волной чередою
Взгляд за взглядом влечет под него с тоскою
Тьма спускается полночь бьет
Дни уходят а жизнь идет
Вот и наша любовь подобна стремнине
И медлят года
Как река на равнине
Но надежда неистова и поныне
Тьма спускается полночь бьет
Дни уходят а жизнь идет
Дни уходят недели тают как пена
И словно любовь
И как жизнь постепенно
Под мостом Мирабо исчезает Сена
Тьма спускается полночь бьет
Дни уходят а жизнь идет

ANNIE

Sur la c?te du Texas
Entre Mobile et Galveston il у a
Un grand jardin tout plein de roses
Il contient aussi une villa
Qui est une grande rose
Une femme se prom?ne souvent
Dans le jardin toute seule
Et quand je passe sur la route bord?e de tilleuls
Nous nous regardons
Comme cette femme est mennonite
Ses rosiers et ses v?tements n'ont pas de boutons
Il en manque deux ? mon veston
La dame et moi suivons presque le m?me rite

АННИ[35]

На побережье Техаса
По дороге из Мобила на Галвестон[36]
В огромном саду где сплошные розы
Дом укромный стоит за кустами он
И сам наподобье огромной розы
Одна недотрога уж я-то знаю
Одиноко гуляет в этом саду
И когда я дорогой под липами мимо иду
Мы глазами встречаемся с нею
Она меннонитка[37] и соблюдает запрет
На пуговицы и я возражать не смею
Я сам две своих с пиджака потерял и вернее
Способа стать одноверцем с ней кажется нет

LA MAISON DES MORTS

A Maurice Raynal

S'?tendant sur les c?t?s du cimeti?re
La maison des morts l'encadrait comme un clo?tre
А l'int?rieur de ses vitrines
Pareilles ? celles des boutiques de modes
Au lieu de sourire debout
Les mannequins grima?aient pour l'?ternit?
Arriv? ? Munich depuis quinze ou vingt jours
J'?tais entr? pour la premi?re fois et par hasard
Dans ce cimeti?re presque d?sert
Et je claquais des dents
Devant toute cette bourgeoisie
Expos?e et v?tue le mieux possible
En attendant la s?pulture
Soudain
Rapide comme ma m?moire
Les yeux se rallum?rent
De cellule vitr?e en cellule vitr?e
Le ciel se peupla d'une apocalypse
Vivace
Et la terre plate ? l'infini
Comme avan'c Galil?e
Se couvrit de mille mythologies immobiles
Un ange en diamant brisa toutes les vitrines
Et les morts m'accost?rent
Avec des mines de l'autre monde
Mais leur visage et leurs attitudes
Devinrent bient?t moins fun?bres
Le ciel et la terre perdirent
Leur aspect fantasmagorique
Les morts se r?jouissaient
De voir leurs corps tr?pass?s entre eux et la lumi?re
Ils riaient de leur ombre et l'observaient
Comme si v?ritablement
C'e?t ?t? leur vie pass?e
Alors je les d?nombrai
Ils ?taient quarante-neuf hommes
Femmes et enfants
Qui embellissaient ? vue d'oeil
Et me regardaient maintenant
Avec tant de cordialit?
Tant de tendresse m?me
Que les prenant en amiti?
Tout ? coup
Je les invitai ? une promenade
Loin des arcades de leur maison
Et tous bras dessus bras dessous
Fredonnant des airs militaires
Oui tous vos p?ch?s sont absous
Nous quitt?mes le cimeti?re
Nous travers?mes la ville
Et rencontrions souvent
Des parents des amis qui se joignaient
A la petite troupe des morts r?cents
Tous ?taient si gais
Si charmants si bien portants
Que bien malin qui aurait pu
Distinguer les morts des vivants
Puis dans la campagne
On s'?parpilla
Deux chevau-l?gers nous joignirent
On leur fit f?te
Ils coup?rent du bois de viorne
Et de sureau
Dont ils firent des sifflets
Qu'ils distribu?rent aux enfants
Plus tard dans un bal champ?tre
Les couples mains sur les ?paules
Dans?rent au son aigre des cithares
Ils n'avaient pas oubli? la danse
Ces morts et ces mortes
On buvait aussi
Et de temps ? autre une cloche
Annon?ait qu'un nouveau tonneau
Allait ?tre mis en perce
Une morte assise sur un banc
Pr?s d'un buisson d'?pine-vinette
Laissait un ?tudiant
Agenouill? ? ses pieds
Lui parler de fian?ailles
Je vous attendrai
Dix ans vingt ans s'il le faut
Votre volont? sera la mienne
Je vous attendrai
Toute votre vie
R?pondait la morte
Des enfants
De ce monde ou bien de l'autre
Chantaient de ces rondes
Aux paroles absurdes et lyriques
Qui sans doute sont les restes
Des plus anciens monuments po?tiques
De l'humanit?
L'?tudiant passa une bague
A l'annulaire de la jeune morte
Voici le gage de mon amour
De nos fian?ailles
Ni le temps ni l'absence
Ne nous feront oublier nos promesses
Et un jour nous aurons une belle noce
Des touffes de myrte
A nos v?tements et dans vos cheveux
Un beau sermon ? l'?glise
De longs discours apr?s le banquet
Et de la musique
De la musique
Nos enfants
Dit la fianc?e
Seront plus beaux plus beaux encore
H?las! la bague ?tait bris?e
Que s'ils ?taient d'argent ou d'or
D'?meraude ou de diamant
Seront plus clairs plus clairs encore
Que les astres du firmament
Que la lumi?re de l'aurore
Que vos regards mon fianc?
Auront meilleure odeur encore
H?las! la bague ?tait bris?e
Que le lilas qui vient d'?clore
Que le thym la rose ou qu'un brin
De lavande ou de romarin
Les musiciens s'en ?tant all?s
Nous continu?mes la promenade
Au bord d'un lac
On s'amusa ? faire des ricochets
Avec des cailloux plats
Sur l'eau qui dansait ? peine
Des barques ?taient amarr?es
Dans un havre
On les d?tacha
Apr?s que toute la troupe se fut embarqu?e
Et quelques morts ramaient
Avec autant de vigueur que les vivants
A l'avant du bateau que je gouvernais
Un mort parlait avec une jeune femme
V?tue d'une robe jaune
D'un corsage noir
Avec des rubans bleus et d'un chapeau gris
Orn? d'une seule petite plume d?fris?e
Je vous aime
Disait-il
Comme le pigeon aime la colombe
Comme l'insecte nocturne
Aime la lumi?re
Trop tard
R?pondait la vivante
Repoussez repoussez cet amour d?fendu
Je suis mari?e
Voyez l'anneau qui brille
Mes mains tremblent
Je pleure et je voudrais mourir
Les barques ?taient arriv?es
A un endroit о? les chevau-l?gers
Savaient qu'un ?cho r?pondait de la rive
On ne se lassait point de l'interroger
Il у eut des questions si extravagantes
Et des r?ponses tellement pleines d'?-propos
Que c'?tait ? mourir de rire
Et le mort disait ? la vivante
Nous serions si heureux ensemble
Sur nous l'еаu se refermera
Mais vous pleurez et vos mains tremblent
Aucun de nous ne reviendra
On reprit terre et ce fut le retour
Les amoureux s'entr'aimaient
Et par couples aux belles bouches
Marchaient ? distances in?gales
Les morts avaient choisi les vivantes
Et les vivants
Des mortes
Un gen?vrier parfois
Faisait l'effet d'un fant?me
Les enfants d?chiraient l'air
En soufflant les joues creuses
Dans leurs sifflets de viorne
Ou de sureau
Tandis que les militaires
Chantaient des tyroliennes
En se r?pondant comme on le fait
Dans la montagne
Dans la ville
Notre troupe diminua peu ? peu
On se disait
Au revoir
A demain
A bient?t
Beaucoup entraient dans les brasseries
Quelques-uns nous quitt?rent
Devant une boucherie canine
Pour у acheter leur repas du soir
Bient?t je restai seul avec ces morts
Qui s'en allaient tout droit
Au cimeti?re
O?
Sous les Arcades
Je les reconnus
Couch?s
Immobiles
Et bien v?tus
Attendant la s?pulture derri?re les vitrines
Ils ne se doutaient pas
De ce qui s '?tait pass?
Mais les vivants en gardaient le souvenir
С'?tait un bonheur inesp?r?
Et si certain
Qu'ils ne craignaient point de le perdre
Ils vivaient si noblement
Que ceux qui la veille encore
Les regardaient comme leurs ?gaux
Ou m?me quelque chose de moins
Admiraient maintenant
Leur puissance leur richesse et leur g?nie
Car у a-t-il rien qui vous ?l?ve
Comme d'avoir aim? un mort ou une morte
On devient si pur qu'on en arrive
Dans les glaciers de la m?moire
A se confondre avec le souvenir
On est fortifi? pour la vie
Et l'on n'a plus besoin de personne
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35

Аполлинер никогда не был в Америке, и это стихотворение — плод поэтического вымысла, рожденного разлукой с Анни Плейден.

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36

Мобил и Галвестон — порты на американском побережье Мексиканского залива. Причем Галвестон находится именно в Техасе, а Мобил — в Алабаме, и их разделяет по прямой почти 700 километров. В этом географическом гротеске — «На побережье Техаса / По дороге из Мобила на Галвестон» — скрыта та же грустная ирония, что разлита и по всему стихотворению.

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37

Она меннонитка… — т.е. последовательница одного из течений в протестантизме (по имени основателя секты Симониса Менно, 1496–1561), на членов которого налагаются значительные религиозные запреты. В оригинале строгость и неприступность Анни подчеркнута семантически: «Ses rosiers et ses v?tements n'ont pas de boutons». Эту игру слов трудно передать при переводе, поскольку французское слово «bouton» означает одновременно и бутон цветка, и пуговицу.

20
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