On voit que Mariange, dans son imagination, arrangeait les choses à sa façon, mais en somme, qu’elle touchait à la réalité en ce qui concerne Saïzuma. Ayant ainsi combiné son petit plan, elle reprit en toute hâte le chemin de l’abbaye et, y étant parvenue, se présenta aussitôt devant l’abbesse qui venait de recevoir la visite de Belgodère et qui à ce moment même achevait une lettre. Claudine de Beauvilliers écouta attentivement le récit de Mariange, la félicita de sa vigilance et murmura:
– Au fait, voilà une messagère toute trouvée… Sûre et fidèle!…
Alors, à la lettre qu’elle venait d’écrire, elle ajouta un long post-scriptum. Puis ayant plié et cacheté sa missive, elle se tourna vers Mariange et dit:
– C’est un grand service que vous venez de nous rendre, ma sœur. Il faut que vous en soyez récompensée.
Mariange baissa les yeux, c’est-à-dire qu’elle rabattit sur la flamme de cupidité de ses petites prunelles noires le rideau clignotant de ses paupières aux bords rouges et sans cils.
– Prenez donc cette lettre, continua l’abbesse; celle à qui vous allez la porter vous récompensera mieux que je ne pourrais le faire; car je ne vous apprends rien, ma sœur, en vous disant que je suis bien pauvre, hélas! Votre récompense consistera donc à devenir aujourd’hui ma messagère… Seulement prenez garde que si vous perdiez cette missive ou si quelqu’un vous l’enlevait, ce serait un grand malheur pour moi, donc pour l’abbaye, donc pour vous-même.
Mariange prit la lettre, la cacha dans son sein et dit:
– Ici on ne viendra pas la prendre!
– En effet! murmura Claudine avec un sourire.
Et elle se hâta de donner à Mariange les instructions nécessaires pour que la lettre pût parvenir à destination. Sœur Mariange se mit en route aussitôt et, entrant dans Paris, se dirigea par les chemins que l’abbesse lui avait expressément désignés. Nous avons dit qu’elle ne savait pas lire. Mais si elle avait été lettrée au point de pouvoir épeler la suscription de la lettre, voici ce qu’elle aurait lu:
– À Madame la princesse Fausta, en son palais.