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Cette promesse faite, de Guiche fit prier Malicorne de passer chez lui sans retard, s’il était possible.

Malicorne se rendit à l’invitation avec une vivacité qui était le premier résultat de sa conversation avec Montalais.

Plus de Guiche, qui se croyait couvert, questionna Malicorne, plus celui-ci, qui travaillait à l’ombre, devina son interrogateur.

Il s’ensuivit que, après un quart d’heure de conversation, pendant lequel de Guiche crut découvrir toute la vérité sur La Vallière et sur le roi, il n’apprit absolument rien que ce qu’il avait vu de ses yeux; tandis que Malicorne apprit ou devina, comme on voudra, que Raoul avait de la défiance à distance et que de Guiche allait veiller sur le trésor des Hespérides.

Malicorne accepta d’être le dragon.

De Guiche crut avoir tout fait pour son ami et ne s’occupa plus que de soi.

On annonça le lendemain au soir le retour de de Wardes, et sa première apparition chez le roi.

Après sa visite, le convalescent devait se rendre chez Monsieur.

De Guiche se rendit chez Monsieur avant l’heure.

Chapitre CLI – Comment de Wardes fut reçu à la cour

Monsieur avait accueilli de Wardes avec cette faveur insigne que le rafraîchissement de l’esprit conseille à tout caractère léger pour la nouveauté qui arrive.

De Wardes, qu’en effet on n’avait pas vu depuis un mois, était du fruit nouveau. Le caresser, c’était d’abord une infidélité à faire aux anciens, et une infidélité a toujours son charme; c’était, de plus, une réparation à lui faire, à lui. Monsieur le traita donc on ne peut plus favorablement.

M. le chevalier de Lorraine, qui craignait fort ce rival, mais qui respectait cette seconde nature, en tout semblable à la sienne, plus le courage, M. le chevalier de Lorraine eut pour de Wardes des caresses plus douces encore que n’en avait eu Monsieur.

De Guiche était là, comme nous l’avons dit, mais se tenait un peu à l’écart, attendant patiemment que toutes ces embrassades fussent terminées.

De Wardes, tout en parlant aux autres, et même à Monsieur, n’avait pas perdu de Guiche de vue; son instinct lui disait qu’il était là pour lui.

Aussi alla-t-il à de Guiche aussitôt qu’il en eut fini avec les autres.

Tous deux échangèrent les compliments les plus courtois; après quoi, de Wardes revint à Monsieur et aux autres gentilshommes.

Au milieu de toutes ces félicitations de bon retour on annonça Madame.

Madame avait appris l’arrivée de de Wardes. Elle savait tous les détails de son voyage et de son duel avec Buckingham. Elle n’était pas fâchée d’être là aux premières paroles qui devaient être prononcées par celui qu’elle savait son ennemi.

Elle avait deux ou trois dames d’honneur avec elle.

De Wardes fit à Madame les plus gracieux saluts, et annonça tout d’abord, pour commencer les hostilités, qu’il était prêt à donner des nouvelles de M. de Buckingham à ses amis.

C’était une réponse directe à la froideur avec laquelle Madame l’avait accueilli.

L’attaque était vive, Madame sentit le coup sans paraître l’avoir reçu. Elle jeta rapidement les yeux sur Monsieur et sur de Guiche.

Monsieur rougit, de Guiche pâlit.

Madame seule ne changea point de physionomie; mais, comprenant combien cet ennemi pouvait lui susciter de désagréments près des deux personnes qui l’écoutaient, elle se pencha en souriant du côté du voyageur.

Le voyageur parlait d’autre chose.

Madame était brave, imprudente même: toute retraite la jetait en avant. Après le premier serrement de cœur, elle revint au feu.

– Avez-vous beaucoup souffert de vos blessures, monsieur de Wardes? demanda-t-elle; car nous avons appris que vous aviez eu la mauvaise chance d’être blessé.

Ce fut au tour de de Wardes de tressaillir; il se pinça les lèvres.

– Non, madame, dit-il, presque pas.

– Cependant, par cette horrible chaleur…

– L’air de la mer est frais, madame, et puis j’avais une consolation.

– Oh! tant mieux!… Laquelle?

– Celle de savoir que mon adversaire souffrait plus que moi.

– Ah! il a été blessé plus grièvement que vous? J’ignorais cela, dit la princesse avec une complète insensibilité.

– Oh! madame, vous vous trompez, ou plutôt vous faites semblant de vous tromper à mes paroles. Je ne dis pas que son corps ait plus souffert que moi; mais son cœur était atteint.

De Guiche comprit où tendait la lutte; il hasarda un signe à Madame; ce signe la suppliait d’abandonner la partie.

Mais elle, sans répondre à de Guiche, sans faire semblant de le voir, et toujours souriante:

– Eh! quoi! demanda-t-elle, M. de Buckingham avait-il donc été touché au cœur? Je ne croyais pas, moi, jusqu’à présent, qu’une blessure au cœur se pût guérir.

– Hélas! madame, répondit gracieusement de Wardes, les femmes croient toutes cela, et c’est ce qui leur donne sur nous la supériorité de la confiance.

– Ma mie, vous comprenez mal, fit le prince impatient. M. de Wardes veut dire que le duc de Buckingham avait été touché au cœur par autre chose que par une épée.

– Ah! bien! bien! s’écria Madame. Ah! c’est une plaisanterie de M. de Wardes; fort bien; seulement je voudrais savoir si M. de Buckingham goûterait cette plaisanterie. En vérité, c’est bien dommage qu’il ne soit point là, monsieur de Wardes.

Un éclair passa dans les yeux du jeune homme.

– Oh! dit-il les dents serrées, je le voudrais aussi, moi.

De Guiche ne bougea pas.

Madame semblait attendre qu’il vînt à son secours.

Monsieur hésitait.

Le chevalier de Lorraine s’avança et prit la parole.

– Madame, dit-il, de Wardes sait bien que, pour un Buckingham, être touché au cœur n’est pas chose nouvelle, et que ce qu’il a dit s’est vu déjà.

– Au lieu d’un allié, deux ennemis, murmura Madame, deux ennemis ligués, acharnés!

Et elle changea la conversation.

Changer de conversation est, on le sait, un droit des princes, que l’étiquette ordonne de respecter.

Le reste de l’entretien fut donc modéré; les principaux acteurs avaient fini leurs rôles.

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