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– Oh! oui.

– Eh bien! c’est tout… Dis-moi en quoi tu veux que je t’aide; dis-moi pour qui et contre qui. De cette façon nous ne ferons point d’école.

– Mais, d’abord, toi, dit La Vallière en pressant la main de sa compagne, pour qui ou contre qui te déclares-tu?

– Pour toi, si tu es véritablement mon amie…

– N’es-tu pas la confidente de Madame?

– Raison de plus pour t’être utile; si je ne savais rien de ce côté-là, je ne pourrais pas t’aider, et tu ne tirerais, par conséquent, aucun profit de ma connaissance. Les amitiés vivent de ces sortes de bénéfices mutuels.

– Il en résulte que tu resteras en même temps l’amie de Madame?

– Évidemment. T’en plains-tu?

– Non, dit La Vallière rêveuse, car cette franchise cynique lui paraissait une offense faite à la femme et un tort fait à l’amie.

– À la bonne heure, dit Montalais; car, en ce cas, tu serais bien sotte.

– Donc, tu me serviras?

– Avec dévouement, surtout si tu me sers de même.

– On dirait que tu ne connais pas mon cœur, dit La Vallière en regardant Montalais avec de grands yeux étonnés.

– Dame! c’est que, depuis que nous sommes à la Cour, ma chère Louise, nous sommes bien changées.

– Comment, cela!

– C’est bien simple: étais-tu la seconde reine de France, là-bas, à Blois?

La Vallière baissa la tête et se mit à pleurer.

Montalais la regarda d’une façon indéfinissable et on l’entendit murmurer ces mots:

– Pauvre fille!

Puis, se reprenant.

– Pauvre roi! dit-elle.

Elle baisa Louise au front et regagna son appartement, où l’attendait Malicorne.

Chapitre CLXXV – Le portrait

Dans cette maladie qu’on appelle l’amour, les accès se suivent à des intervalles toujours plus rapprochés dès que le mal débute.

Plus tard, les accès s’éloignent les uns des autres, au fur et à mesure que la guérison arrive.

Cela posé, comme axiome en général et comme tête de chapitre en particulier, continuons notre récit.

Le lendemain, jour fixé par le roi pour le premier entretien chez de Saint-Aignan, La Vallière, en ouvrant son paravent, trouva sur le parquet un billet écrit de la main du roi.

Ce billet avait passé de l’étage inférieur au supérieur par la fente du parquet. Nulle main indiscrète, nul regard curieux ne pouvait monter où montait ce simple papier.

C’était une des idées de Malicorne. Voyant combien de Saint-Aignan allait devenir utile au roi par son logement, il n’avait pas voulu que le courtisan devînt encore indispensable comme messager, et il s’était, de son autorité privée, réservé ce dernier poste.

La Vallière lut avidement ce billet qui lui fixait deux heures de l’après-midi pour le moment du rendez-vous, et qui lui indiquait le moyen de lever la plaque parquetée.

– Faites-vous belle, ajoutait le post-scriptum de la lettre.

Ces derniers mots étonnèrent la jeune fille, mais en même temps ils la rassurèrent.

L’heure marchait lentement. Elle finit cependant par arriver.

Aussi ponctuelle que la prêtresse Héro, Louise leva la trappe au dernier coup de deux heures, et trouva sur les premiers degrés le roi, qui l’attendait respectueusement pour lui donner la main.

Cette délicate déférence la toucha sensiblement.

Au bas de l’escalier, les deux amants trouvèrent le comte qui, avec un sourire et une révérence du meilleur goût, fit à La Vallière ses remerciements sur l’honneur qu’il recevait d’elle.

Puis, se tournant vers le roi:

– Sire, dit-il, notre homme est arrivé.

La Vallière, inquiète, regarda Louis.

– Mademoiselle, dit le roi, si je vous ai priée de me faire l’honneur de descendre ici, c’est par intérêt. J’ai fait demander un excellent peintre qui saisit parfaitement les ressemblances, et je désire que vous l’autorisiez à vous peindre. D’ailleurs, si vous l’exigiez absolument, le portrait resterait chez vous.

La Vallière rougit.

– Vous le voyez, lui dit le roi, nous ne serons plus trois seulement: nous voilà quatre. Eh! mon Dieu! du moment que nous ne serons pas seuls, nous serons tant que vous voudrez.

La Vallière serra doucement le bout des doigts de son royal amant.

– Passons dans la chambre voisine, s’il plaît à Votre Majesté, dit de Saint Aignan.

Il ouvrit la porte et fit passer ses hôtes.

Le roi marchait derrière La Vallière et dévorait des yeux son cou blanc comme de la nacre, sur lequel s’enroulaient les anneaux serrés et crépus des cheveux argentés de la jeune fille.

La Vallière était vêtue d’une étoffe de soie épaisse de couleur gris perle glacée de rose; une parure de jais faisait valoir la blancheur de sa peau; ses mains fines et diaphanes froissaient un bouquet de pensées, de roses du Bengale et de clématites au feuillage finement découpé, au-dessus desquelles s’élevait, comme une coupe à verser des parfums, une tulipe de Harlem aux tons gris et violets, pure et merveilleuse espèce, qui avait coûté cinq ans de combinaisons au jardinier et cinq mille livres au roi.

Ce bouquet, Louis l’avait mis dans la main de La Vallière en la saluant.

Dans cette chambre, dont de Saint-Aignan venait d’ouvrir la porte, se tenait un jeune homme vêtu d’un habit de velours léger avec de beaux yeux noirs et de grands cheveux bruns.

C’était le peintre.

Sa toile était toute prête, sa palette faite.

Il s’inclina devant Mlle de La Vallière avec cette grave curiosité de l’artiste qui étudie son modèle, salua le roi discrètement, comme s’il ne le connaissait pas, et comme il eût, par conséquent, salué un autre gentilhomme.

Puis, conduisant Mlle de La Vallière jusqu’au siège préparé pour elle, il l’invita à s’asseoir.

La jeune fille se posa gracieusement et avec abandon, les mains occupées, les jambes étendues sur des coussins, et, pour que ses regards n’eussent rien de vague ou rien d’affecté, le peintre la pria de se choisir une occupation.

Alors Louis XIV, en souriant, vint s’asseoir sur les coussins aux pieds de sa maîtresse.

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