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Alors, de ses yeux si doux, si purs, se dégageait une flamme toujours jaillissante dont les rayons allaient chercher le cœur de son royal amant pour le réchauffer d’abord et le dévorer ensuite.

Embrasé par le contact des genoux tremblants, frémissant de bonheur lorsque la main de Louise descendait sur ses cheveux, le roi s’engourdissait dans cette félicité, et s’attendait toujours à voir entrer le peintre ou de Saint Aignan.

Dans cette prévision douloureuse, il s’efforçait parfois de fuir la séduction qui s’infiltrait dans ses veines, il appelait le sommeil du cœur et des sens, il repoussait la réalité toute prête, pour courir après l’ombre.

Mais la porte ne s’ouvrit ni pour de Saint-Aignan, ni pour le peintre; mais les tapisseries ne frissonnèrent même point. Un silence de mystère et de volupté engourdit jusqu’aux oiseaux dans leur cage dorée.

Le roi, vaincu, retourna sa tête et colla sa bouche brûlante dans les deux mains réunies de La Vallière; elle perdit la raison, et serra sur les lèvres de son amant ses deux mains convulsives.

Louis se roula chancelant à genoux, et, comme La Vallière n’avait pas dérangé sa tête, le front du roi se trouva au niveau des lèvres de la jeune femme, qui, dans son extase, effleura d’un furtif et mourant baiser les cheveux parfumés qui lui caressaient les joues.

Le roi la saisit dans ses bras, et, sans qu’elle résistât, ils échangèrent ce premier baiser, ce baiser ardent qui change l’amour en un délire.

Ni le peintre ni de Saint-Aignan ne rentrèrent ce jour-là.

Une sorte d’ivresse pesante et douce, qui rafraîchit les sens et laisse circuler comme un lent poison le sommeil dans les veines, ce sommeil impalpable, languissant comme la vie heureuse, tomba, pareille à un nuage, entre la vie passée et la vie à venir des deux amants.

Au sein de ce sommeil plein de rêves, un bruit continu à l’étage supérieur inquiéta d’abord La Vallière, mais sans la réveiller tout à fait.

Cependant, comme ce bruit continuait, comme il se faisait comprendre, comme il rappelait la réalité à la jeune femme ivre de l’illusion, elle se releva tout effarée, belle de son désordre, en disant:

– Quelqu’un m’attend là-haut. Louis! Louis, n’entendez-vous pas?

– Eh! n’êtes-vous pas celle que j’attends? dit le roi avec tendresse. Que les autres désormais vous attendent.

Mais elle, secouant doucement la tête:

– Bonheur caché!… dit-elle avec deux grosses larmes, pouvoir caché… Mon orgueil doit se taire comme mon cœur.

Le bruit recommença.

– J’entends la voix de Montalais, dit-elle.

Et elle monta précipitamment l’escalier.

Le roi montait avec elle, ne pouvant se décider à la quitter et couvrant de baisers sa main et le bas de sa robe.

– Oui, oui, répéta La Vallière, la moitié du corps déjà passé à travers la trappe, oui, la voix de Montalais qui appelle; il faut qu’il soit arrivé quelque chose d’important.

– Allez donc, cher amour, dit le roi, et revenez vite.

– Oh! pas aujourd’hui. Adieu! adieu!

Et elle s’abaissa encore une fois pour embrasser son amant, puis elle s’échappa.

Montalais attendait en effet, tout agitée, toute pâle.

– Vite, vite, dit-elle, il monte.

– Qui cela? qui est-ce qui monte?

– Lui! Je l’avais bien prévu.

– Mais qui donc, lui? tu me fais mourir!

– Raoul, murmura Montalais.

– Moi, oui, moi, dit une voix joyeuse dans les derniers degrés du grand escalier.

La Vallière poussa un cri terrible et se renversa en arrière.

– Me voici, me voici, chère Louise, dit Raoul en accourant. Oh! je savais bien, moi, que vous m’aimiez toujours.

La Vallière fit un geste d’effroi, un autre geste de malédiction; elle s’efforça de parler et ne put articuler qu’une seule parole:

– Non, non! dit-elle.

Et elle tomba dans les bras de Montalais en murmurant:

– Ne m’approchez pas!

Montalais fit signe à Raoul, qui, pétrifié sur le seuil, ne chercha pas même à faire un pas de plus dans la chambre.

Puis jetant les yeux du côté du paravent:

– Oh! dit-elle, l’imprudente! la trappe n’est pas même fermée!

Et elle s’avança vers l’angle de la chambre pour refermer d’abord le paravent, et puis, derrière le paravent, la trappe.

Mais de cette trappe s’élança le roi, qui avait entendu le cri de La Vallière et qui venait à son secours.

Il s’agenouilla devant elle en accablant de questions Montalais qui commençait à perdre la tête.

Mais, au moment où le roi tombait à genoux, on entendit un cri de douleur sur le carré et le bruit d’un pas dans le corridor. Le roi voulut courir pour voir qui avait poussé ce cri, pour reconnaître qui faisait ce bruit de pas.

Montalais chercha à le retenir, mais ce fut vainement.

Le roi, quittant La Vallière, alla vers la porte; mais Raoul était déjà loin, de sorte que le roi ne vit qu’une espèce d’ombre tournant l’angle du corridor.

Chapitre CLXXIX – Deux vieux amis

Tandis que chacun pensait à ses affaires à la Cour, un homme se rendait mystérieusement derrière la place de Grève, dans une maison qui nous est déjà connue pour l’avoir vue assiégée, un jour d’émeute, par d’Artagnan.

Cette maison avait sa principale entrée par la place Baudoyer.

Assez grande, entourée de jardins, ceinte dans la rue Saint-Jean par des boutiques de taillandiers qui la garantissaient des regards curieux, elle était renfermée dans ce triple rempart de pierres, de bruit et de verdure, comme une momie parfumée dans sa triple boîte.

L’homme dont nous parlons marchait d’un pas assuré, bien qu’il ne fût pas de la première jeunesse. À voir son manteau couleur de muraille et sa longue épée, qui relevait ce manteau, nul n’eût pu reconnaître le chercheur d’aventurer; et si l’on eût bien consulté ce croc de moustaches relevé, cette peau fine et lisse qui apparaissait sous le sombrero, comment ne pas croire que les aventures dussent être galantes?

En effet, à peine le cavalier fut-il entré dans la maison que huit heures sonnèrent à Saint-Gervais.

Et, dix minutes après, une dame, suivie d’un laquais armé, vint frapper à la même porte, qu’une vieille suivante lui ouvrit aussitôt.

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