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– Voulez-vous devenir maréchal de France, pair duc, et posséder un duché d’un million?

– Mais, mon ami, répliqua d’Artagnan, pour obtenir tout cela, que faut-il faire?

– Être l’homme de M. Fouquet.

– Moi, je suis l’homme du roi, cher ami.

– Pas exclusivement, je suppose?

– Oh! d’Artagnan n’est qu’un.

– Vous avez, je le présume, une ambition, comme un grand cœur que vous êtes.

– Mais, oui.

– Eh bien?

– Eh bien! je désire être maréchal de France; mais le roi me fera maréchal, duc, pair; le roi me donnera tout cela.

Aramis attacha sur d’Artagnan son limpide regard.

– Est-ce que le roi n’est pas le maître? dit d’Artagnan.

– Nul ne le conteste; mais Louis XIII était aussi le maître.

– Oh! mais, cher ami, entre Richelieu et Louis XIII il n’y avait pas un M. d’Artagnan, dit tranquillement le mousquetaire.

– Autour du roi, fit Aramis, il est bien des pierres d’achoppement.

– Pas pour le roi?

– Sans doute; mais…

– Tenez, Aramis, je vois que tout le monde pense à soi et jamais à ce petit prince; moi, je me soutiendrai en le soutenant.

– Et l’ingratitude?

– Les faibles en ont peur!

– Vous êtes bien sûr de vous.

– Je crois que oui.

– Mais le roi peut n’avoir plus besoin de vous.

– Au contraire, je crois qu’il en aura plus besoin que jamais; et, tenez, mon cher, s’il fallait arrêter un nouveau Condé, qui l’arrêterait? Ceci… ceci seul en France.

Et d’Artagnan frappa son épée.

– Vous avez raison, dit Aramis en pâlissant.

Et il se leva et serra la main de d’Artagnan.

– Voici le dernier appel du souper, dit le capitaine des mousquetaires; vous permettez…

Aramis passa son bras au cou du mousquetaire, et lui dit:

– Un ami comme vous est le plus beau joyau de la couronne royale.

Puis ils se séparèrent.

«Je le disais bien, pensa d’Artagnan, qu’il y avait quelque chose.»

«Il faut se hâter de mettre le feu aux poudres, dit Aramis; d’Artagnan a éventé la mèche.»

Chapitre CXLIX – Madame et de Guiche

Nous avons vu que le comte de Guiche était sorti de la salle le jour où Louis XIV avait offert avec tant de galanterie à La Vallière les merveilleux bracelets gagnés à la loterie.

Le comte se promena quelque temps hors du palais l’esprit dévoré par mille soupçons et mille inquiétudes.

Puis on le vit guettant sur la terrasse, en face des quinconces, le départ de Madame.

Une grosse demi-heure s’écoula. Seul, à ce moment, le comte ne pouvait avoir de bien divertissantes idées.

Il tira ses tablettes de sa poche, et se décida, après mille hésitations à écrire ces mots:

«Madame, je vous supplie de m’accorder un moment d’entretien. Ne vous alarmez pas de cette demande qui n’a rien d’étranger au profond respect avec lequel je suis, etc., etc.»

Il signait cette singulière supplique pliée en billet d’amour, quand il vit sortir du château plusieurs femmes, puis des hommes, presque tout le cercle de la reine, enfin.

Il vit La Vallière elle-même, puis Montalais causant avec Malicorne.

Il vit jusqu’au dernier des conviés qui tout à l’heure peuplaient le cabinet de la reine mère.

Madame n’était point passée; il fallait cependant qu’elle traversât cette cour pour rentrer chez elle, et, de la terrasse, de Guiche plongeait dans cette cour.

Enfin, il vit Madame sortir avec deux pages qui portaient des flambeaux. Elle marchait vite, et, arrivée à sa porte, elle cria.

– Pages, qu’on aille s’informer de M. le comte de Guiche. Il doit me rendre compte d’une commission. S’il est libre, qu’on le prie de passer chez moi.

De Guiche demeura muet et caché dans son ombre; mais, sitôt que Madame fut rentrée, il s’élança de la terrasse en bas les degrés; il prit l’air le plus indifférent pour se faire rencontrer par les pages, qui couraient déjà vers son logement.

«Ah! Madame me fait chercher!» se dit-il tout ému.

Et il serra son billet, désormais inutile.

– Comte, dit un des pages en l’apercevant, nous sommes heureux de vous rencontrer.

– Qu’y a-t-il, messieurs?

– Un ordre de Madame.

– Un ordre de Madame? fit de Guiche d’un air surpris.

– Oui, comte, Son Altesse Royale vous demande; vous lui devez, nous a-t elle dit, compte d’une commission. Êtes-vous libre?

– Je suis tout entier aux ordres de Son Altesse Royale.

– Veuillez donc nous suivre.

Monté chez la princesse, de Guiche la trouva pâle et agitée.

À la porte se tenait Montalais, un peu inquiète de ce qui se passait dans l’esprit de sa maîtresse.

De Guiche parut.

– Ah! c’est vous, monsieur de Guiche, dit Madame; entrez, je vous prie… Mademoiselle de Montalais, votre service est fini.

Montalais, encore plus intriguée, salua et sortit.

Les deux interlocuteurs restèrent seuls.

Le comte avait tout l’avantage: c’était Madame qui l’avait appelé à un rendez-vous. Mais, cet avantage, comment était-il possible au comte d’en user? C’était une personne si fantasque que Madame! c’était un caractère si mobile que celui de Son Altesse Royale!

Elle le fit bien voir; car abordant soudain la conversation:

– Eh bien! dit-elle, n’avez-vous rien à me dire?

Il crut qu’elle avait deviné sa pensée; il crut; ceux qui aiment sont ainsi faits; ils sont crédules et aveugles comme des poètes ou des prophètes; il crut qu’elle savait le désir qu’il avait de la voir, et le sujet de ce désir.

– Oui, bien, madame, dit-il, et je trouve cela fort étrange.

– L’affaire des bracelets, s’écria-t-elle vivement, n’est-ce pas?

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