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– Or, continua Pardaillan, il y a ici une femme, une bohémienne, que j’ai mené moi-même jusqu’au porche du couvent, et à qui on a bien voulu donner l’hospitalité. Cette bohémienne peut nous être d’un précieux secours pour retrouver celle que nous cherchons… et nous voudrions la voir. Voilà tout le mystère.

– J’ai vu la femme dont vous parlez, dit alors sœur Mariange, qui jusque-là avait rempli le rôle de personnage muet.

– Une créature d’enfer! grommela sœur Philomène.

Charles fit vivement deux pas vers la sœur Mariange.

– Madame, dit-il d’une voix émue, faites que je puisse voir la bohémienne, et vous n’aurez pas obligé un ingrat.

– Par Notre-Dame! grommela sœur Philomène, le bel homme!…

Et en parlant ainsi, elle examinait l’un des deux laquais.

Sœur Mariange tendit sa large main ouverte et nasilla:

– La charité chrétienne nous fait un devoir d’obliger le prochain. Si seulement j’avais de quoi mettre quelques cierges à Notre-Dame des Anges, ma patronne…

Le duc tira sa bourse et la mit dans la main de la vieille femme, qui l’ouvrit sans vergogne et en examina le contenu. Ses yeux brillèrent et ses grosses joues s’enflammèrent.

– Vous voulez parler à la bohémienne? dit-elle.

– Nous sommes venus pour cela.

– Eh bien, vous voyez ce vieux pavillon, là-bas, près de la brèche?… Elle y est en ce moment: je l’ai vue y entrer. Allez, et que Dieu vous conduise, mon jeune seigneur…

Pardaillan et Charles n’en écoutèrent pas davantage et se dirigèrent en toute hâte vers le pavillon signalé.

– Voyons? demanda sœur Philomène.

Mariange ouvrit la bourse et dit:

– Nous avons de quoi vivre trois mois, ma sœur. Trois mois de prières et de béatitudes sans travailler la terre!

– C’est le ciel qui récompense ma vertu, dit sœur Philomène.

Et jetant l’une sa bêche, l’autre sa serpe, elles rentrèrent dans l’intérieur du couvent. Il y avait entre ces deux femmes une sorte d’association: elles avaient mis en commun le gain et le dommage – et surtout leur misère, mais Mariange, rusée finaude et matoise, trouvait toujours à manger là où sa compagne mourait de faim; comme dans toutes les associations possibles, l’une des deux parties était sacrifiée, l’autre s’engraissait à ses dépens. Mariange, donc, parvenue dans le réduit où deux mauvaises paillasses servaient de couchettes aux deux religieuses, s’accroupit, versa dans son giron le contenu de la bourse et se mit à compter à doigts tremblants. C’était une fortune!

Et déjà la matoise cherchait le moyen de frustrer sa compagne de la part qui en toute justice eût dû lui revenir. Mais Philomène, moins pratique, allait et venait, songeant à ces étrangers et surtout à quelqu’un dont la noble prestance l’avait vivement frappée et qu’elle n’avait cessé d’examiner du coin de l’œil. Ce quelqu’un, c’était le magnifique Croasse. Elle maugréait, grommelait, et enfin, n’y tenant plus:

– Je suis curieuse, oui! curieuse comme une pie, puisse le Seigneur me le pardonner! Il faut que je sache ce que ces gens sont venus faire!

– Courez-y, dit sœur Mariange. En cas pareil, la curiosité est un devoir.

Philomène ne se le fit pas répéter et, rapidement, se dirigea vers le vieux pavillon, tandis que Mariange s’empressait d’enfouir la précieuse bourse dans une cachette…

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