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– Et pourquoi cela? Dites, j’attends.

– Parce que cette chambre où je loge, Sire, n’est point à l’abri des recherches, il s’en faut; Madame peut y venir par hasard; à chaque instant du jour, mes compagnes y viennent; fermer ma porte en dedans, c’est me dénoncer aussi clairement que si j’écrivais dessus: «N’entrez pas, le roi est ici!» Et, tenez, Sire, en ce moment même, rien n’empêche que la porte ne s’ouvre, et que Votre Majesté, surprise, ne soit vue près de moi.

– C’est alors, dit en riant le roi, que je serais véritablement pris pour un fantôme, car nul ne peut dire par où je suis venu ici. Or, il n’y a que les fantômes qui passent à travers les murs ou à travers les plafonds.

– Oh! Sire, quelle aventure! songez-y bien, Sire, quel scandale! Jamais rien de pareil n’aurait été dit sur les filles d’honneur, pauvres créatures que la méchanceté n’épargne guère, cependant.

– Et vous concluez de tout cela, ma chère Louise?… Voyons, dites, expliquez-vous!

– Qu’il faut, hélas! pardonnez-moi, c’est un mot bien dur…

Louis sourit.

– Voyons, dit-il.

– Qu’il faut que Votre Majesté supprime l’escalier, machinations et surprises; car le mal d’être pris ici, songez-y, Sire, serait plus grand que le bonheur de s’y voir.

– Eh bien! chère Louise, répondit le roi avec amour, au lieu de supprimer cet escalier par lequel je monte, il est un moyen plus simple auquel vous n’avez point pensé.

– Un moyen… encore?…

– Oui, encore. Oh! vous ne m’aimez pas comme je vous aime, Louise, puisque je suis plus inventif que vous.

Elle le regarda. Louis lui tendit la main, qu’elle serra doucement.

– Vous dites, continua le roi, que je serai surpris en venant où chacun peut entrer à son aise?

– Tenez, Sire, au moment même où vous en parlez, j’en tremble.

– Soit, mais vous ne seriez pas surprise, vous, en descendant cet escalier pour venir dans les chambres qui sont au-dessous.

– Sire, Sire, que dites-vous là? s’écria La Vallière effrayée.

– Vous me comprenez mal, Louise, puisque, à mon premier mot, vous prenez cette grande colère; d’abord, savez-vous à qui appartiennent ces chambres?

– Mais à M. le comte de Guiche.

– Non pas, à M. de Saint-Aignan.

– Vrai! s’écria La Vallière.

Et ce mot, échappé du cœur joyeux de la jeune fille, fit luire comme un éclair de doux présage dans le cœur épanoui du roi.

– Oui, à de Saint-Aignan, à notre ami, dit-il.

– Mais, Sire, reprit La Vallière, je ne puis pas plus aller chez M. de Saint Aignan que chez M. le comte de Guiche, hasarda l’ange redevenu femme.

– Pourquoi donc ne le pouvez-vous pas, Louise?

– Impossible! impossible!

– Il me semble, Louise, que, sous la sauvegarde du roi, l’on peut tout.

– Sous la sauvegarde du roi? dit-elle avec un regard chargé d’amour.

– Oh! vous croyez à ma parole, n’est-ce pas?

– J’y crois lorsque vous n’y êtes pas, Sire; mais, lorsque vous y êtes, lorsque vous me parlez, lorsque je vous vois, je ne crois plus à rien.

– Que vous faut-il pour vous rassurer, mon Dieu?

– C’est peu respectueux, je le sais, de douter ainsi du roi; mais vous n’êtes pas le roi, pour moi.

– Oh! Dieu merci, je l’espère bien; vous voyez comme je cherche. Écoutez: la présence d’un tiers vous rassurera-t-elle?

– La présence de M. de Saint-Aignan? oui.

– En vérité, Louise, vous me percez le cœur avec de pareils soupçons.

La Vallière ne répondit rien, elle regarda seulement Louis de ce clair regard qui pénétrait jusqu’au fond des cœurs, et dit tout bas:

– Hélas! hélas! ce n’est pas de vous que je me défie, ce n’est pas sur vous que portent mes soupçons.

– J’accepte donc, dit le roi en soupirant, et M. de Saint-Aignan, qui a l’heureux privilège de vous rassurer, sera toujours présent à notre entretien, je vous le promets.

– Bien vrai, Sire?

– Foi de gentilhomme! Et vous, de votre côté?…

– Attendez, oh! ce n’est pas tout.

– Encore quelque chose, Louise?

– Oh! certainement; ne vous lassez pas si vite, car nous ne sommes pas au bout, Sire.

– Allons, achevez de me percer le cœur.

– Vous comprenez bien, Sire, que ces entretiens doivent au moins avoir, près de M. de Saint-Aignan lui-même, une sorte de motif raisonnable.

– De motif raisonnable! reprit le roi d’un ton de doux reproche.

– Sans doute. Réfléchissez, Sire.

– Oh! vous avez toutes les délicatesses, et, croyez-le, mon seul désir est de vous égaler sur ce point. Eh bien! Louise, il sera fait comme vous désirez. Nos entretiens auront un objet raisonnable, et j’ai déjà trouvé cet objet.

– De sorte, Sire?… dit La Vallière en souriant.

– Que, dès demain, si vous voulez…

– Demain?

– Vous voulez dire que c’est trop tard? s’écria le roi en serrant entre ses deux mains la main brûlante de La Vallière.

En ce moment, des pas se firent entendre dans le corridor.

– Sire, Sire, s’écria La Vallière, quelqu’un s’approche, quelqu’un vient, entendez-vous? Sire, Sire, fuyez, je vous en supplie!

Le roi ne fit qu’un bond de sa chaise derrière le paravent.

Il était temps; comme le roi tirait un des feuillets sur lui, le bouton de la porte tourna, et Montalais parut sur le seuil.

Il va sans dire qu’elle entra tout naturellement et sans faire aucune cérémonie.

Elle savait bien, la rusée, que frapper discrètement à cette porte au lieu de la pousser, c’était montrer à La Vallière une défiance désobligeante.

Elle entra donc, et après un rapide coup d’œil qui lui montra deux chaises fort près l’une de l’autre, elle employa tant de temps à refermer la porte qui se rebellait on ne sait comment, que le roi eut celui de lever la trappe et de redescendre chez de Saint-Aignan.

Un bruit imperceptible pour toute oreille moins fine que la sienne avertit Montalais de la disparition du prince; elle réussit alors à fermer la porte rebelle, et s’approcha de La Vallière.

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