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– Non, de parfums qui sentaient comme des crèmes; c’était excellent, mais cela sentait trop bon, je fus comme étourdi de cette bonne odeur; vous avez éprouvé cela quelquefois, n’est-ce pas, d’Artagnan?

– Oui, en respirant du muguet; de sorte, mon pauvre ami, que vous fûtes renversé du choc et abasourdi de l’odeur.

– Mais ce qu’il y a de particulier, et le médecin m’a affirmé, sur son honneur, qu’il n’avait jamais rien vu de pareil…

– Vous eûtes au moins une bosse? interrompit d’Artagnan.

– J’en eus cinq.

– Pourquoi cinq?

– Attendez: le lustre avait, à son extrémité inférieure, cinq ornements dorés extrêmement aigus.

– Aïe!

– Ces cinq ornements pénétrèrent dans mes cheveux, que je porte fort épais, comme vous voyez.

– Heureusement.

– Et s’imprimèrent dans ma peau. Mais, voyez la singularité, ces choses-là n’arrivent qu’à moi! Au lieu de faire des creux, ils firent des bosses. Le médecin n’a jamais pu m’expliquer cela d’une manière satisfaisante.

– Eh bien! je vais vous l’expliquer, moi.

– Vous me rendrez service, dit Porthos en clignant des yeux, ce qui était chez lui le signe de l’attention portée au plus haut degré.

– Depuis que vous faites fonctionner votre cerveau à de hautes études, à des calculs importants, la tête a profité; de sorte que vous avez maintenant une tête trop pleine de science.

– Vous croyez?

– J’en suis sûr. Il en résulte qu’au lieu de rien laisser pénétrer d’étranger dans l’intérieur de la tête, votre boîte osseuse, qui est déjà trop pleine, profite des ouvertures qui s’y font pour laisser échapper ce trop-plein.

– Ah! fit Porthos, à qui cette explication paraissait plus claire que celle du médecin.

– Les cinq protubérances causées par les cinq ornements du lustre furent certainement des amas scientifiques, amenés extérieurement par la force des choses.

– En effet, dit Porthos, et la preuve, c’est que cela me faisait plus de mal dehors que dedans. Je vous avouerai même que, quand je mettais mon chapeau sur ma tête, en l’enfonçant du poing avec cette énergie gracieuse que nous possédons, nous autres gentilshommes d’épée, eh bien! si mon coup de poing n’était pas parfaitement mesuré, je ressentais des douleurs extrêmes.

– Porthos, je vous crois.

– Aussi, mon bon ami, dit le géant, M. Fouquet se décida-t-il, voyant le peu de solidité de la maison, à me donner un autre logis. On me mit en conséquence ici.

– C’est le parc réservé, n’est-ce pas?

– Oui.

– Celui des rendez-vous? celui qui est si célèbre dans les histoires mystérieuses du surintendant?

– Je ne sais pas: je n’y ai eu ni rendez-vous ni histoires mystérieuses; mais on m’autorise à y exercer mes muscles, et je profite de la permission en déracinant des arbres.

– Pour quoi faire?

– Pour m’entretenir la main, et puis pour y prendre des nids d’oiseaux: je trouve cela plus commode que de monter dessus.

– Vous êtes pastoral comme Tircis, mon cher Porthos.

– Oui, j’aime les petits œufs; je les aime infiniment plus que les gros. Vous n’avez point idée comme c’est délicat, une omelette de quatre ou cinq cents œufs de verdier, de pinson, de sansonnet, de merle et de grive.

– Mais cinq cents œufs, c’est monstrueux!

– Cela tient dans un saladier, dit Porthos.

D’Artagnan admira cinq minutes Porthos, comme s’il le voyait pour la première fois.

Quant à Porthos, il s’épanouit joyeusement sous le regard de son ami.

Ils demeurèrent quelques instants ainsi, d’Artagnan regardant, Porthos s’épanouissant.

D’Artagnan cherchait évidemment à donner un nouveau tour à la conversation.

– Vous divertissez-vous beaucoup ici, Porthos? demanda-t-il enfin, sans doute lorsqu’il eut trouvé ce qu’il cherchait.

– Pas toujours.

– Je conçois cela; mais, quand vous vous ennuierez par trop, que ferez vous?

– Oh! je ne suis pas ici pour longtemps. Aramis attend que ma dernière bosse ait disparu pour me présenter au roi, qui ne peut pas souffrir les bosses, à ce qu’on m’a dit.

– Aramis est donc toujours à Paris?

– Non.

– Et où est-il?

– À Fontainebleau.

– Seul?

– Avec M. Fouquet.

– Très bien. Mais savez-vous une chose?

– Non. Dites-la-moi et je la saurai.

– C’est que je crois qu’Aramis vous oublie.

– Vous croyez?

– Là-bas, voyez-vous, on rit, on danse, on festoie, on fait sauter les vins de M. de Mazarin. Savez-vous qu’il y a ballet tous les soirs, là-bas?

– Diable! diable!

– Je vous déclare donc que votre cher Aramis vous oublie.

– Cela se pourrait bien, et je l’ai pensé parfois.

– À moins qu’il ne vous trahisse, le sournois!

– Oh!

– Vous le savez, c’est un fin renard, qu’Aramis.

– Oui, mais me trahir…

– Écoutez; d’abord, il vous séquestre.

– Comment, il me séquestre! Je suis séquestré, moi?

– Pardieu!

– Je voudrais bien que vous me prouvassiez cela?

– Rien de plus facile. Sortez-vous?

– Jamais.

– Montez-vous à cheval?

– Jamais.

– Laisse-t-on parvenir vos amis jusqu’à vous?

– Jamais.

– Eh bien! mon ami, ne sortir jamais, ne jamais monter à cheval, ne jamais voir ses amis, cela s’appelle être séquestré.

– Et pourquoi Aramis me séquestrerait-il? demanda Porthos.

– Voyons, dit d’Artagnan, soyez franc, Porthos.

– Comme l’or.

– C’est Aramis qui a fait le plan des fortifications de Belle-Île, n’est-ce pas?

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