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– Certainement, le boudoir de Louise.

– Oui, Sire. Eh bien! c’est dans le trou de cette serrure que j’ai trouvé ce billet. Qui l’y a mis? M. de Bragelonne ou le diable? Mais, comme le billet sent l’ambre et non le soufre, je conclus que ce doit être non pas le diable, mais bien M. de Bragelonne.

Louis pencha la tête et parut absorbé tristement. Peut-être en ce moment quelque chose comme un remords traversait-il son cœur.

– Oh! dit-il, ce secret découvert!

– Sire, je vais faire de mon mieux pour que ce secret meure dans la poitrine qui le renferme, dit de Saint-Aignan d’un ton de bravoure tout espagnol.

Et il fit un mouvement pour gagner la porte; mais d’un geste le roi l’arrêta.

– Et où allez-vous? demanda-t-il.

– Mais où l’on m’attend, Sire.

– Quoi faire?

– Me battre, probablement.

– Vous battre? s’écria le roi. Un moment, s’il vous plaît, monsieur le comte!

De Saint-Aignan secoua la tête comme l’enfant qui se mutine quand on veut l’empêcher de se jeter dans un puits ou de jouer avec un couteau.

– Mais cependant, Sire… fit-il.

– Et d’abord, dit le roi, je ne suis pas éclairé.

– Oh! sur ce point, que Votre Majesté interroge, répondit de Saint-Aignan, et je ferai la lumière.

– Qui vous a dit que M. de Bragelonne a pénétré dans la chambre en question?

– Ce billet que j’ai trouvé dans la serrure, comme j’ai eu l’honneur de le dire à Votre Majesté.

– Qui te dit que c’est lui qui l’y a mis?

– Quel autre que lui eût osé se charger d’une pareille commission?

– Tu as raison. Comment a-t-il pénétré chez toi?

– Ah! ceci est fort grave, attendu que toutes les portes étaient fermées, et que mon laquais, Basque, avait les clefs dans ses poches.

– Eh bien! on aura gagné ton laquais.

– Impossible, Sire.

– Pourquoi, impossible?

– Parce que, si on l’eût gagné, on n’eût pas perdu le pauvre garçon, dont on pouvait encore avoir besoin plus tard, en manifestant clairement qu’on s’était servi de lui.

– C’est juste. Maintenant, il ne resterait donc qu’une conjecture.

– Voyons, Sire, si cette conjecture est la même que celle qui s’est présentée à mon esprit?

– C’est qu’il se serait introduit par l’escalier.

– Hélas! Sire, cela me paraît plus que probable.

– Il n’en faut pas moins que quelqu’un ait vendu le secret de la trappe.

– Vendu ou donné.

– Pourquoi cette distinction?

– Parce que certaines personnes, Sire, étant au-dessus du prix d’une trahison, donnent et ne vendent pas.

– Que veux-tu dire?

– Oh! Sire, Votre Majesté a l’esprit trop subtil pour ne pas m’épargner, en devinant, l’embarras de nommer.

– Tu as raison: Madame!

– Ah! fit de Saint-Aignan.

– Madame, qui s’est inquiétée du déménagement.

– Madame, qui a les clefs des chambres de ses filles, et qui est assez puissante pour découvrir ce que nul, excepté vous, Sire, ou elle, ne découvrirait.

– Et tu crois que ma sœur aura fait alliance avec Bragelonne?

– Eh! eh! Sire…

– À ce point de l’instruire de tous ces détails?

– Peut-être mieux encore.

– Mieux!… Achève.

– Peut-être au point de l’accompagner.

– Où cela? En bas, chez toi?

– Croyez-vous la chose impossible, Sire?

– Oh!

– Écoutez. Le roi sait si Madame aime les parfums?

– Oui, c’est une habitude qu’elle a prise de ma mère.

– La verveine surtout?

– C’est son odeur de prédilection.

– Eh bien! mon appartement embaume la verveine.

Le roi demeura pensif.

– Mais, reprit-il, après un moment de silence pourquoi Madame prendrait elle le parti de Bragelonne contre moi?

En disant ces mots, auxquels de Saint-Aignan eût bien facilement répondu par ceux-ci: «Jalousie de femme!» le roi sondait son ami jusqu’au fond du cœur pour voir s’il avait pénétré le secret de sa galanterie avec sa belle – sœur. Mais de Saint-Aignan n’était pas un courtisan médiocre; il ne se risquait pas à la légère dans la découverte des secrets de famille; il était trop ami des Muses pour ne pas songer souvent à ce pauvre Ovidius Naso, dont les yeux versèrent tant de larmes pour expier le crime d’avoir vu on ne sait quoi dans la maison d’Auguste. Il passa donc adroitement à côté du secret de Madame. Mais comme il avait fait preuve de sagacité en indiquant que Madame était venue chez lui avec Bragelonne, il fallait payer l’usure de cet amour-propre et répondre nettement à cette question: «Pourquoi Madame est-elle contre moi avec Bragelonne?»

– Pourquoi? répondit de Saint-Aignan. Mais Votre Majesté oublie donc que M. le comte de Guiche est l’ami intime du vicomte de Bragelonne?

– Je ne vois pas le rapport, répondit le roi.

– Ah! pardon, Sire, fit de Saint-Aignan; mais je croyais M. le comte de Guiche grand ami de Madame.

– C’est juste, repartit le roi; il n’y a plus besoin de chercher, le coup est venu de là.

– Et, pour le parer, le roi n’est-il pas d’avis qu’il faut en porter un autre?

– Oui; mais pas du genre de ceux qu’on se porte au bois de Vincennes, répondit le roi.

– Votre Majesté oublie, dit de Saint-Aignan, que je suis gentilhomme, et que l’on m’a provoqué.

– Ce n’est pas toi que cela regarde.

– Mais c’est moi qu’on attend aux Minimes, Sire, depuis plus d’une heure; moi qui en suis cause, et déshonoré si je ne vais pas où l’on m’attend.

– Le premier honneur d’un gentilhomme, c’est l’obéissance à son roi.

– Sire…

– J’ordonne que tu demeures!

– Sire…

– Obéis.

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