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– Très bien; je sors en effet, monsieur Fouquet, et voici ces dames qui vont au rendez-vous.

Le roi, à ces mots, avec toute l’ardeur, non seulement d’un jeune homme, mais d’un jeune homme amoureux se retira de la fenêtre pour prendre ses gants et sa canne que lui tendait son valet de chambre.

On entendait en dehors le piétinement des chevaux et le roulement des roues sur le sable de la cour.

Le roi descendit. Au moment où il apparut sur le perron, chacun s’arrêta. Le roi marcha droit à la jeune reine. Quant à la reine mère, toujours souffrante de plus en plus de la maladie dont elle était atteinte, elle n’avait pas voulu sortir.

Marie-Thérèse monta en carrosse avec Madame, et demanda au roi de quel côté il désirait que la promenade fût dirigée.

Le roi, qui venait de voir La Vallière, toute pâle encore des événements de la veille, monter dans une calèche avec trois de ses compagnes, répondit à la reine qu’il n’avait point de préférence, et qu’il serait bien partout où elle serait.

La reine commanda alors que les piqueurs tournassent vers Apremont.

Les piqueurs partirent en avant.

Le roi monta à cheval. Il suivit pendant quelques minutes la voiture de la reine et de Madame en se tenant à la portière.

Le temps s’était à peu près éclairci; cependant une espèce de voile poussiéreux, semblable à une gaze salie, s’étendait sur toute la surface du ciel; le soleil faisait reluire des atomes micacés dans le périple de ses rayons.

La chaleur était étouffante.

Mais, comme le roi ne paraissait pas faire attention à l’état du ciel, nul ne parut s’en inquiéter, et la promenade, selon l’ordre qui en avait été donné par la reine, fut dirigée vers Apremont.

La troupe des courtisans était bruyante et joyeuse, on voyait que chacun tendait à oublier et à faire oublier aux autres les aigres discussions de la veille.

Madame, surtout, était charmante.

En effet, Madame voyait le roi à sa portière, et, comme elle ne supposait pas qu’il fût là pour la reine, elle espérait que son prince lui était revenu.

Mais, au bout d’un quart de lieue à peu près fait sur la route, le roi, après un gracieux sourire, salua et tourna bride, laissant filer le carrosse de la reine, puis celui des premières dames d’honneur, puis tous les autres successivement qui, le voyant s’arrêter, voulaient s’arrêter à leur tour.

Mais le roi leur faisait signe de la main qu’ils eussent à continuer leur chemin.

Lorsque passa le carrosse de La Vallière, le roi s’en approcha.

Le roi salua les dames et se disposait à suivre le carrosse des filles d’honneur de la reine comme il avait suivi celui de Madame, lorsque la file des carrosses s’arrêta tout à coup.

Sans doute la reine, inquiète de l’éloignement du roi, venait de donner l’ordre d’accomplir cette évolution.

On se rappelle que la direction de la promenade lui avait été accordée.

Le roi lui fit demander quel était son désir en arrêtant les voitures.

– De marcher à pied, répondit-elle.

Sans doute espérait-elle que le roi, qui suivait à cheval le carrosse des filles d’honneur, n’oserait à pied suivre les filles d’honneur elles-mêmes.

On était au milieu de la forêt.

La promenade, en effet, s’annonçait belle, belle surtout pour des rêveurs ou des amants.

Trois belles allées, longues, ombreuses et accidentées, partaient du petit carrefour où l’on venait de faire halte.

Ces allées, vertes de mousse, dentelées de feuillage ayant chacune un petit horizon d’un pied de ciel entrevu sous l’entrelacement des arbres, voilà quel était l’aspect des localités.

Au fond de ces allées passaient et repassaient, avec des signes manifestes d’inquiétude, les chevreuils effarés, qui, après s’être arrêtés un instant au milieu du chemin et avoir relevé la tête, fuyaient comme des flèches, rentrant d’un seul bond dans l’épaisseur des bois, où ils disparaissaient, tandis que, de temps en temps, un lapin philosophe, debout sur son derrière, se grattait le museau avec les pattes de devant et interrogeait l’air pour reconnaître si tous ces gens qui s’approchaient et qui venaient troubler ainsi ses méditations, ses repas et ses amours, n’étaient pas suivis par quelque chien à jambes torses ou ne portaient point quelque fusil sous le bras.

Toute la compagnie, au reste, était descendue de carrosse en voyant descendre la reine.

Marie-Thérèse prit le bras d’une de ses dames d’honneur, et, après un oblique coup d’œil donné au roi, qui ne parut point s’apercevoir qu’il fût le moins du monde l’objet de l’attention de la reine, elle s’enfonça dans la forêt par le premier sentier qui s’ouvrit devant elle.

Deux piqueurs marchaient devant Sa Majesté avec des cannes dont ils se servaient pour relever les branches ou écarter les ronces qui pouvaient embarrasser le chemin.

En mettant pied à terre, Madame trouva à ses côtés M. de Guiche, qui s’inclina devant elle et se mit à sa disposition.

Monsieur, enchanté de son bain de la surveille, avait déclaré qu’il optait pour la rivière, et, tout en donnant congé à de Guiche, il était resté au château avec le chevalier de Lorraine et Manicamp.

Il n’éprouvait plus ombre de jalousie.

On l’avait donc cherché inutilement dans le cortège; mais comme Monsieur était un prince fort personnel, qui concourait d’habitude fort médiocrement au plaisir général, son absence avait été plutôt un sujet de satisfaction que de regret.

Chacun avait suivi l’exemple donné par la reine et par Madame, s’accommodant à sa guise selon le hasard ou selon son goût.

Le roi, nous l’avons dit, était demeuré près de La Vallière, et, descendant de cheval au moment où l’on ouvrait la portière du carrosse, il lui avait offert la main.

Aussitôt Montalais et Tonnay-Charente s’étaient éloignées, la première par calcul, la seconde par discrétion.

Seulement, il y avait cette différence entre elles deux que l’une s’éloignait dans le désir d’être agréable au roi et l’autre dans celui de lui être désagréable.

Pendant la dernière demi-heure, le temps, lui aussi, avait pris ses dispositions: tout ce voile, comme poussé par un vent de chaleur, s’était massé à l’occident; puis repoussé par un courant contraire, s’avançait lentement, lourdement.

On sentait s’approcher l’orage; mais, comme le roi ne le voyait pas, personne ne se croyait le droit de le voir.

La promenade fut donc continuée; quelques esprits inquiets levaient de temps en temps les yeux au ciel.

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