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– Eh! bonsoir, Manicamp, dit le comte, soyez le bienvenu, cher ami; vous nous manquiez ce soir, et l’on vous demandait. Mademoiselle de Montalais, votre… très humble serviteur!

Montalais rougit.

– Ah! mon Dieu! balbutia-t-elle en cachant sa tête dans ses deux mains.

– Mademoiselle, dit de Saint-Aignan, rassurez-vous, je connais toute votre innocence et j’en rendrai bon compte. Manicamp, suivez-moi. Charmille, carrefour et labyrinthe me connaissent; je serai votre Ariane. Hein! voilà votre nom mythologique retrouvé.

– C’est ma foi! vrai, comte, merci!

– Mais, par la même occasion, comte, dit Montalais, emmenez aussi M. Malicorne.

– Non pas, non pas, dit Malicorne. M. Manicamp a causé avec vous tant qu’il a voulu; à mon tour, s’il vous plaît, mademoiselle; j’ai, de mon côté, une multitude de choses à vous dire concernant notre avenir.

– Vous entendez, dit le comte en riant; demeurez avec lui, mademoiselle. Ne savez-vous pas que cette nuit est la nuit aux secrets?

Et, prenant le bras de Manicamp, le comte l’emmena d’un pas rapide dans la direction du chemin que Montalais connaissait si bien et indiquait si mal.

Montalais les suivit des yeux aussi longtemps qu’elle put les apercevoir.

Chapitre CXXIV – Comment Malicorne avait été délogé de l’hôtel du Beau-Paon

Pendant que Montalais suivait des yeux le comte et Manicamp, Malicorne avait profité de la distraction de la jeune fille pour se faire une position plus tolérable.

Quand elle se retourna, cette différence qui s’était faite dans la position de Malicorne frappa donc immédiatement ses yeux.

Malicorne était assis comme une manière de singe, le derrière sur le mur, les pieds sur le premier échelon.

Les pampres sauvages et les chèvrefeuilles le coiffaient comme un faune, les torsades de la vigne vierge figuraient assez bien ses pieds de bouc.

Quant à Montalais, rien ne lui manquait pour qu’on pût la prendre pour une dryade accomplie.

– Oh! dit-elle en remontant un échelon, me rendez-vous malheureuse, me persécutez-vous assez, tyran que vous êtes!

– Moi? fit Malicorne, moi, un tyran?

– Oui, vous me compromettez sans cesse, monsieur Malicorne; vous êtes un monstre de méchanceté.

– Moi?

– Qu’aviez-vous à faire à Fontainebleau? Dites! est-ce que votre domicile n’est point à Orléans?

– Ce que j’ai à faire ici, demandez-vous? Mais j’ai affaire de vous voir.

– Ah! la belle nécessité.

– Pas pour vous, peut-être, mademoiselle, mais bien certainement pour moi. Quant à mon domicile, vous savez bien que je l’ai abandonné, et que je n’ai plus dans l’avenir d’autre domicile que celui que vous avez vous-même. Donc, votre domicile étant pour le moment à Fontainebleau, à Fontainebleau je suis venu.

Montalais haussa les épaules.

– Vous voulez me voir, n’est-ce pas?

– Sans doute.

– Eh bien! vous m’avez vue, vous êtes content, partez!

– Oh! non, fit Malicorne.

– Comment! oh! non?

– Je ne suis pas venu seulement pour vous voir; je suis venu pour causer avec vous.

– Eh bien! nous causerons plus tard et dans un autre endroit.

– Plus tard! Dieu sait si je vous rencontrerai plus tard dans un autre endroit! Nous n’en trouverons jamais de plus favorable que celui-ci.

– Mais je ne puis ce soir, je ne puis en ce moment.

– Pourquoi cela?

– Parce qu’il est arrivé cette nuit mille choses.

– Eh bien! ma chose, à moi, fera mille et une.

– Non, non, Mlle de Tonnay-Charente m’attend dans notre chambre pour une communication de la plus haute importance.

– Depuis longtemps?

– Depuis une heure au moins.

– Alors, dit tranquillement Malicorne, elle attendra quelques minutes de plus.

– Monsieur Malicorne, dit Montalais, vous vous oubliez.

– C’est-à-dire que vous m’oubliez, mademoiselle, et que, moi, je m’impatiente du rôle que vous me faites jouer ici. Mordieu! mademoiselle, depuis huit jours, je rôde parmi vous toutes, sans que vous ayez daigné une seule fois vous apercevoir que j’étais là.

– Vous rôdez ici, vous, depuis huit jours?

– Comme un loup-garou; brûlé ici par les feux d’artifice qui m’ont roussi deux perruques, noyé là dans les osiers par l’humidité du soir ou la vapeur des jets d’eau, toujours affamé, toujours échiné, avec la perspective d’un mur ou la nécessité d’une escalade. Morbleu! ce n’est pas un sort cela, mademoiselle, pour une créature qui n’est ni écureuil, ni salamandre, ni loutre; mais, puisque vous poussez l’inhumanité jusqu’à vouloir me faire renier ma condition d’homme, je l’arbore. Homme je suis, mordieu! et homme je resterai, à moins d’ordres supérieurs.

– Eh bien! voyons, que désirez-vous, que voulez-vous, qu’exigez-vous? dit Montalais soumise.

– N’allez-vous pas me dire que vous ignoriez que j’étais à Fontainebleau?

– Je…

– Soyez franche.

– Je m’en doutais.

– Eh bien! depuis huit jours, ne pouviez-vous pas me voir une fois par jour au moins?

– J’ai toujours été empêchée, monsieur Malicorne.

– Tarare!

– Demandez à ces demoiselles, si vous ne me croyez pas.

– Je ne demande jamais d’explication sur les choses que je sais mieux que personne.

– Calmez-vous, monsieur Malicorne, cela changera.

– Il le faudra bien.

– Vous savez, qu’on vous voie ou qu’on ne vous voie point, vous savez que l’on pense à vous, dit Montalais avec son air câlin.

– Oh! l’on pense à moi…

– Parole d’honneur.

– Et rien de nouveau?

– Sur quoi?

– Sur ma charge dans la maison de Monsieur.

– Ah! mon cher monsieur Malicorne, on n’abordait pas Son Altesse Royale pendant ces jours passés.

– Et maintenant?

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