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Malicorne tira de sa poche quatre lettres qu'il offrit à Raoul.

– Mes lettres! est-il possible! dit celui-ci en pâlissant; mes lettres encore cachetées!

– Monsieur, ces lettres n'ont plus trouvé à Blois les personnes à qui vous les destiniez; on vous les retourne.

– Mademoiselle de La Vallière est partie de Blois? s'écria Raoul.

– Il y a huit jours.

– Et où est-elle?

– Elle doit être à Paris, monsieur.

– Mais comment sait-on que ces lettres venaient de moi?

– Mlle de Montalais a reconnu votre écriture et votre cachet, dit Malicorne.

Raoul rougit et sourit.

– C'est fort aimable à Mlle Aure, dit-il; elle est toujours bonne et charmante.

– Toujours, monsieur.

– Elle eût bien dû me donner un renseignement précis sur Mlle de La Vallière. Je ne chercherais pas dans cet immense Paris.

Malicorne tira de sa poche un autre paquet.

– Peut-être, dit-il, trouverez-vous dans cette lettre ce que vous souhaitez de savoir.

Raoul rompit précipitamment le cachet. L'écriture était de Mlle Aure, et voici ce que renfermait la lettre:

«Paris, Palais-Royal, jour de la bénédiction nuptiale.»

– Que signifie cela? demanda Raoul à Malicorne; vous le savez, vous, monsieur?

– Oui, monsieur le vicomte.

– De grâce, dites-le-moi, alors.

– Impossible, monsieur.

– Pourquoi?

– Parce que Mlle Aure m'a défendu de le dire.

Raoul regarda ce singulier personnage et resta muet.

– Au moins, reprit-il, est-ce heureux ou malheureux pour moi?

– Vous verrez.

– Vous êtes sévère dans vos discrétions.

– Monsieur, une grâce.

– En échange de celle que vous ne me faites pas?

– Précisément.

– Parlez!

– J'ai le plus vif désir de voir la cérémonie et je n'ai pas de billet d'admission, malgré toutes les démarches que j'ai faites pour m'en procurer. Pourriez-vous me faire entrer?

– Certes.

– Faites cela pour moi, monsieur le vicomte, je vous en supplie.

– Je le ferai volontiers, monsieur; accompagnez-moi.

– Monsieur, je suis votre humble serviteur.

– Je vous croyais ami de M. de Manicamp?

– Oui, monsieur. Mais, ce matin, j'ai, en le regardant s'habiller, fait tomber une bouteille de vernis sur son habit neuf, et il m'a chargé l'épée à la main, si bien que j'ai dû m'enfuir. Voilà pourquoi je ne lui ai pas demandé de billet. Il m'eût tué.

– Cela se conçoit, dit Raoul. Je connais Manicamp capable de tuer l'homme assez malheureux pour commettre le crime que vous avez à vous reprocher à ses yeux, mais je réparerai le mal vis-à-vis de vous; j'agrafe mon manteau, et je suis prêt à vous servir de guide et d'introducteur.

Chapitre LXXXIX – La surprise de mademoiselle de Montalais

Madame fut mariée au Palais-Royal, dans la chapelle, devant un monde de courtisans sévèrement choisis.

Cependant, malgré la haute faveur qu'indiquait une invitation, Raoul, fidèle à sa promesse, fit entrer Malicorne, désireux de jouir de ce curieux coup d'œil.

Lorsqu'il eut acquitté cet engagement, Raoul se rapprocha de de Guiche, qui, pour contraste avec ses habits splendides, montrait un visage tellement bouleversé par la douleur, que le duc de Buckingham seul pouvait lui disputer l'excès de la pâleur et de l'abattement.

– Prends garde, comte, dit Raoul en s'approchant de son ami et en s'apprêtant à le soutenir au moment où l'archevêque bénissait les deux époux.

En effet, on voyait M. le prince de Condé regardant d'un œil curieux ces deux images de la désolation, debout comme des cariatides aux deux côtés de la nef. Le comte s'observa plus soigneusement. La cérémonie terminée, le roi et la reine passèrent dans le grand salon, où ils se firent présenter Madame et sa suite.

On observa que le roi, qui avait paru très émerveillé à la vue de sa belle sœur, lui fit les compliments les plus sincères. On observa que la reine mère, attachant sur Buckingham un regard long et rêveur, se pencha vers Mme de Motteville pour lui dire:

– Ne trouvez-vous pas qu'il ressemble à son père?

On observa enfin que Monsieur observait tout le monde et paraissait assez mécontent.

Après la réception des princes et des ambassadeurs, Monsieur demanda au roi la permission de lui présenter, ainsi qu'à Madame, les personnes de sa maison nouvelle.

– Savez-vous, vicomte, demanda tout bas M. le prince à Raoul, si la maison a été formée par une personne de goût, et si nous aurons quelques visages assez propres?

– Je l'ignore absolument, monseigneur, répondit Raoul.

– Oh! vous jouez l'ignorance.

– Comment cela, monseigneur?

– Vous êtes l'ami de de Guiche, qui est des amis du prince.

– C'est vrai, monseigneur: mais la chose ne m'intéressant point, je n'ai fait aucune question à de Guiche, et, de son côté, de Guiche, n'étant point interrogé, ne s'est point ouvert à moi.

– Mais Manicamp?

– J'ai vu, il est vrai, M. de Manicamp au Havre et sur la route, mais j'ai eu soin d'être aussi peu questionneur vis-à-vis de lui que je l’avais été vis-à-vis de de Guiche. D'ailleurs, M. de Manicamp sait-il quelque chose de tout cela, lui qui n'est qu'un personnage secondaire?

– Eh! mon cher vicomte, d'où sortez-vous? dit le prince; mais ce sont les personnages secondaires qui, en pareille occasion, ont toute influence, et la preuve, c'est que presque tout s'est fait par la présentation de M. de Manicamp à de Guiche, et de Guiche à Monsieur.

– Eh bien! monseigneur, j'ignorais cela complètement, dit Raoul, et c'est une nouvelle que Votre Altesse me fait l'honneur de m'apprendre.

– Je veux bien vous croire, quoique ce soit incroyable, et d'ailleurs nous n'aurons pas longtemps à attendre: voici l'escadron volant qui s'avance, comme disait la bonne reine Catherine. Tudieu! les jolis visages!

Une troupe de jeunes filles s'avançait en effet dans la salle sous la conduite de Mme de Navailles, et nous devons le dire à l'honneur de Manicamp, si en effet il avait pris à cette élection la part que lui accordait le prince de Condé, c'était un coup d'œil fait pour enchanter ceux qui, comme M. le prince, étaient appréciateurs de tous les genres de beauté.

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