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– Ah! pauvre enfant, dit tranquillement la princesse; et à quel propos?

Puis, tout bas:

– Mais vous n’y pensez pas, Sire, vous prétendez faire croire à une passion pour cette fille, et vous demeurez ici quand elle se meurt là-bas.

– Ah! madame, madame, dit en soupirant le roi, que vous êtes bien mieux que moi dans votre rôle, et comme vous pensez à tout!

Et il se leva.

– Madame, dit-il assez haut pour que tout le monde l’entendît, permettez que je vous quitte; mon inquiétude est grande, et je veux m’assurer par moi même si les soins ont été donnés convenablement.

Et le roi partit pour se rendre de nouveau près de La Vallière, tandis que tous les assistants commentaient ce mot du roi: «Mon inquiétude est grande.»

Chapitre CXVII – Le secret du roi

En chemin, Louis rencontra le comte de Saint-Aignan.

– Eh bien! Saint-Aignan, demanda-t-il avec affectation, comment se trouve la malade?

– Mais, Sire, balbutia Saint-Aignan, j’avoue à ma honte que je l’ignore.

– Comment, vous l’ignorez? fit le roi feignant de prendre au sérieux ce manque d’égards pour l’objet de sa prédilection.

– Sire, pardonnez-moi; mais je venais de rencontrer une de nos trois causeuses, et j’avoue que cela m’a distrait.

– Ah! vous avez trouvé? dit vivement le roi.

– Celle qui daignait parler si avantageusement de moi, et, ayant trouvé la mienne, je cherchais la vôtre, Sire, lorsque j’ai eu le bonheur de rencontrer Votre Majesté.

– C’est bien; mais, avant tout, Mlle de La Vallière, dit le roi, fidèle à son rôle.

– Oh! que voilà une belle intéressante, dit Saint-Aignan, et comme son évanouissement était de luxe, puisque Votre Majesté s’occupait d’elle avant cela.

– Et le nom de votre belle, à vous, Saint-Aignan, est-ce un secret?

– Sire, ce devrait être un secret, et un très grand même; mais pour vous, Votre Majesté sait bien qu’il n’existe pas de secrets.

– Son nom alors?

– C’est Mlle de Tonnay-Charente.

– Elle est belle?

– Par-dessus tout, oui, Sire, et j’ai reconnu la voix qui disait si tendrement mon nom. Alors je l’ai abordée, questionnée autant que j’ai pu le faire au milieu de la foule, et elle m’a dit, sans se douter de rien, que tout à l’heure elle était au grand chêne avec deux amies, lorsque l’apparition d’un loup ou d’un voleur les avait épouvantées et mises en fuite.

– Mais, demanda vivement le roi, le nom de ses deux amies?

– Sire, dit Saint-Aignan, que Votre Majesté me fasse mettre à la Bastille.

– Pourquoi cela?

– Parce que je suis un égoïste et un sot. Ma surprise était si grande d’une pareille conquête et d’une si heureuse découverte, que j’en suis resté là. D’ailleurs, je n’ai pas cru que, préoccupée comme elle l’était de Mlle de La Vallière, Votre Majesté attachât une très grande importance à ce qu’elle avait entendu; puis Mlle de Tonnay-Charente m’a quitté précipitamment pour retourner près de Mlle de La Vallière.

– Allons, espérons que j’aurai une chance égale à la tienne. Viens, Saint Aignan.

– Mon roi a de l’ambition, à ce que je vois, et il ne veut permettre à aucune conquête de lui échapper. Eh bien! je lui promets que je vais chercher consciencieusement, et, d’ailleurs, par l’une des trois grâces, on saura le nom des autres, et, par le nom, le secret.

– Oh! moi aussi, dit le roi; je n’ai besoin que d’entendre sa voix pour la reconnaître. Allons, brisons là-dessus et conduis-moi près de cette pauvre La Vallière.

«Eh! mais, pensa Saint-Aignan, voilà en vérité une passion qui se dessine, et pour cette petite fille, c’est extraordinaire; je ne l’eusse jamais cru.»

Et comme, en pensant cela, il avait montré au roi la salle dans laquelle on avait conduit La Vallière, le roi était entré.

Saint-Aignan le suivit.

Dans une salle basse, auprès d’une grande fenêtre donnant sur les parterres, La Vallière, placée dans un vaste fauteuil, aspirait à longs traits l’air embaumé de la nuit.

De sa poitrine desserrée, les dentelles tombaient froissées parmi les boucles de ses beaux cheveux blonds épars sur ses épaules.

L’œil languissant, chargé de feux mal éteints, noyé dans de grosses larmes, elle ne vivait plus que comme ces belles visions de nos rêves qui passent toutes pâles et toutes poétiques devant les yeux fermés du dormeur, entrouvrant leurs ailes sans les mouvoir, leurs lèvres sans faire entendre un son.

Cette pâleur nacrée de La Vallière avait un charme que rien ne saurait rendre; la souffrance d’esprit et du corps avait fait à cette douce physionomie une harmonie de noble douleur; l’inertie absolue de ses bras et de son buste la rendait plus semblable à une trépassée qu’à un être vivant; elle semblait n’entendre ni les chuchotements de ses compagnes ni le bruit lointain qui montait des environs. Elle s’entretenait avec elle-même, et ses belles mains longues et fines tressaillaient de temps en temps comme au contact d’invisibles pressions. Le roi entra sans qu’elle s’aperçût de son arrivée, tant elle était absorbée dans sa rêverie.

Il vit de loin cette figure adorable sur laquelle la lune ardente versait la pure lumière de sa lampe d’argent.

– Mon Dieu! s’écria-t-il avec un involontaire effroi, elle est morte!

– Non, non, Sire, dit tout bas Montalais, elle va mieux, au contraire. N’est ce pas, Louise, que tu vas mieux?

La Vallière ne répondit point.

– Louise, continua Montalais, c’est le roi qui daigne s’inquiéter de ta santé.

– Le roi! s’écria Louise en se redressant soudain, comme si une source de flamme eût remonté des extrémités à son cœur, le roi s’inquiète de ma santé?

– Oui, dit Montalais.

– Le roi est donc ici? dit La Vallière sans oser regarder autour d’elle.

– Cette voix! cette voix! dit vivement Louis à l’oreille de Saint-Aignan.

– Eh! mais, répliqua Saint-Aignan, Votre Majesté a raison, c’est l’amoureuse du soleil.

– Chut! dit le roi.

Puis, s’approchant de La Vallière:

– Vous êtes indisposée, mademoiselle? Tout à l’heure, dans le parc, je vous ai même vue évanouie. Comment cela vous a-t-il pris?

– Sire, balbutia la pauvre enfant tremblante et sans couleur, en vérité, je ne saurais le dire.

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