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– Oh! quelle chaleur, Sire!

– Non, mais, tu comprends, je ne veux pas compromettre cette pauvre fille.

– Sire, ne craignez rien.

– Tu me promets?

– Sire, je vous engage ma parole.

«Bon! pensa le roi riant en lui-même, tout le monde saura demain que j’ai couru cette nuit après La Vallière.»

Puis, essayant de s’orienter:

– Ah! ça, mais nous sommes perdus, dit-il.

– Oh! pas bien dangereusement.

– Où va-t-on par cette porte?

– Au Rond-Point, Sire.

– Où nous nous rendions quand nous avons entendu des voix de femmes?

– Oui, Sire, et cette fin de conversation où j’ai eu l’honneur d’entendre prononcer mon nom à côté du nom de Votre Majesté.

– Tu reviens bien souvent là-dessus, Saint-Aignan.

– Que Votre Majesté me pardonne, mais je suis enchanté de savoir qu’il y a une femme occupée de moi, sans que je le sache et sans que j’aie rien fait pour cela. Votre Majesté ne comprend pas cette satisfaction, elle dont le rang et le mérite attirent l’attention et forcent l’amour.

– Eh bien! non, Saint-Aignan, tu me croiras si tu veux, dit le roi en s’appuyant familièrement sur le bras de Saint-Aignan, et prenant le chemin qu’il croyait devoir le conduire du côté du château, mais cette naïve confidence, cette préférence toute désintéressée d’une femme qui peut-être n’attirera jamais mes yeux… en un mot, le mystère de cette aventure me pique, et, en vérité, si je n’étais pas si occupé de La Vallière…

– Oh! que cela n’arrête point Votre Majesté, elle a du temps devant elle.

– Comment cela?

– On dit La Vallière fort rigoureuse.

– Tu me piques, Saint-Aignan, il me tarde de la retrouver. Allons, allons.

Le roi mentait, rien au contraire ne lui tardait moins; mais il avait un rôle à jouer.

Et il se mit à marcher vivement. Saint-Aignan le suivit en conservant une légère distance.

Tout à coup, le roi s’arrêtant, le courtisan imita son exemple.

– Saint-Aignan, dit-il, n’entends-tu pas des soupirs?

– Moi?

– Oui, écoute.

– En effet, et même des cris, ce me semble.

– C’est de ce côté, dit le roi en indiquant une direction.

– On dirait des larmes, des sanglots de femme, fit M. de Saint-Aignan.

– Courons!

Et le roi et le favori, prenant un petit chemin de traverse, coururent dans l’herbe.

À mesure qu’ils avançaient, les cris devenaient plus distincts.

– Au secours! au secours! disaient deux voix.

Les deux jeunes gens redoublèrent de vitesse.

Au fur et à mesure qu’ils approchaient, les soupirs devenaient des cris.

– Au secours! au secours! répétait-on.

Et ces cris doublaient la rapidité de la course du roi et de son compagnon.

Tout à coup, au revers d’un fossé, sous des saules aux branches échevelées, ils aperçurent une femme à genoux tenant une autre femme évanouie.

À quelques pas de là, une troisième appelait au secours au milieu du chemin.

En apercevant les deux gentilshommes dont elle ignorait la qualité, les cris de la femme qui appelait au secours redoublèrent.

Le roi devança son compagnon, franchit le fossé, et se trouva auprès du groupe au moment où, par l’extrémité de l’allée qui donnait du côté du château, s’avançaient une douzaine de personnes attirées par les mêmes cris qui avaient attiré le roi et M. de Saint-Aignan.

– Qu’y a-t-il donc, mesdemoiselles? demanda Louis.

– Le roi! s’écria Mlle de Montalais en abandonnant dans son étonnement la tête de La Vallière, qui tomba entièrement couchée sur le gazon.

– Oui, le roi. Mais ce n’est pas une raison pour abandonner votre compagne. Qui est-elle?

– C’est Mlle de La Vallière, Sire.

– Mlle de La Vallière!

– Qui vient de s’évanouir…

– Ah! mon Dieu, dit le roi, pauvre enfant! Et vite, vite un chirurgien!

Mais, avec quelque empressement que le roi eût prononcé ces paroles, il n’avait pas si bien veillé sur lui-même qu’elles ne dussent paraître, ainsi que le geste qui les accompagnait, un peu froides à M. de Saint-Aignan, qui avait reçu la confidence de ce grand amour dont le roi était atteint.

– Saint-Aignan, continua le roi, veillez sur Mlle de La Vallière, je vous prie. Appelez un chirurgien. Moi, je cours prévenir Madame de l’accident qui vient d’arriver à sa demoiselle d’honneur.

En effet, tandis que M. de Saint-Aignan s’occupait de faire transporter Mlle de La Vallière au château, le roi s’élançait en avant, heureux de trouver cette occasion de se rapprocher de Madame et d’avoir à lui parler sous un prétexte spécieux.

Heureusement, un carrosse passait; on fit arrêter le cocher, et les personnes qui le montaient, ayant appris l’accident, s’empressèrent de céder la place à Mlle de La Vallière.

Le courant d’air provoqué par la rapidité de la course rappela promptement la malade à l’existence.

Arrivée au château, elle put, quoique très faible, descendre du carrosse, et gagner, avec l’aide d’Athénaïs et de Montalais, l’intérieur des appartements.

On la fit asseoir dans une chambre attenante aux salons du rez-de-chaussée.

Ensuite, comme cet accident n’avait pas produit beaucoup d’effet sur les promeneurs, la promenade fut reprise.

Pendant ce temps, le roi avait retrouvé Madame sous un quinconce; il s’était assis près d’elle, et son pied cherchait doucement celui de la princesse sous la chaise de celle-ci.

– Prenez garde, Sire, lui dit Henriette tout bas, vous ne paraissez pas un homme indifférent.

– Hélas! répondit Louis XIV sur le même diapason, j’ai bien peur que nous n’ayons fait une convention au-dessus de nos forces.

Puis, tout haut:

– Savez-vous l’accident? dit-il.

– Quel accident?

– Oh! mon Dieu! en vous voyant, j’oubliais que j’étais venu tout exprès pour vous le raconter. J’en suis pourtant affecté douloureusement; une de vos demoiselles d’honneur, la pauvre La Vallière, vient de perdre connaissance.

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