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– Oh! mademoiselle, murmura Malicorne, ne soyez pas si rude, je vous en supplie!

– Enfin, mademoiselle, dit Manicamp, nous sommes vos amis, et l’on ne peut désirer la mort de ses amis. Or, nous laisser passer la nuit où nous sommes, c’est nous condamner à mort.

– Oh! fit Montalais, M. Malicorne est robuste, et il ne mourra pas pour une nuit passée à la belle étoile.

– Mademoiselle!

– Ce sera une juste punition de son escapade.

– Soit! Que Malicorne s’arrange donc comme il voudra avec vous; moi, je passe, dit Manicamp.

Et, courbant cette fameuse branche contre laquelle il avait porté des plaintes si amères, il finit, en s’aidant de ses mains et de ses pieds, par s’asseoir côte à côte de Montalais.

Montalais voulut repousser Manicamp, Manicamp chercha à se maintenir.

Ce conflit, qui dura quelques secondes, eut son côté pittoresque, côté auquel l’œil de M. de Saint-Aignan trouva certainement son compte.

Mais Manicamp l’emporta. Maître de l’échelle, il y posa le pied, puis il offrit galamment la main à son ennemie.

Pendant ce temps, Malicorne s’installait dans le marronnier, à la place qu’avait occupée Manicamp, se promettant en lui-même de lui succéder en celle qu’il occupait.

Manicamp et Montalais descendirent quelques échelons, Manicamp insistant, Montalais riant et se défendant.

On entendit alors la voix de Malicorne qui suppliait.

– Mademoiselle, disait Malicorne, ne m’abandonnez pas, je vous en supplie! Ma position est fausse, et je ne puis sans accident parvenir seul de l’autre côté du mur; que Manicamp déchire ses habits, très bien: il a ceux de M. de Guiche; mais, moi, je n’aurai pas même ceux de Manicamp, puisqu’ils seront déchirés.

– M’est avis, dit Manicamp, sans s’occuper des lamentations de Malicorne, m’est avis que le mieux est que j’aille trouver de Guiche à l’instant même. Plus tard peut-être ne pourrais-je plus pénétrer chez lui.

– C’est mon avis aussi, répliqua Montalais; allez donc, monsieur Manicamp.

– Mille grâces! Au revoir, mademoiselle, dit Manicamp en sautant à terre, on n’est pas plus aimable que vous.

– Monsieur de Manicamp, votre servante; je vais maintenant me débarrasser de M. Malicorne.

Malicorne poussa un soupir.

– Allez, allez, continua Montalais.

Manicamp fit quelques pas; puis, revenant au pied de l’échelle:

– À propos, mademoiselle, dit-il, par où va-t-on chez M. de Guiche?

– Ah! c’est vrai… Rien de plus simple. Vous suivez la charmille…

– Oh! très bien.

– Vous arrivez au carrefour vert.

– Bon!

– Vous y trouvez quatre allées…

– À merveille.

– Vous en prenez une…

– Laquelle?

– Celle de droite.

– Celle de droite?

– Non, celle de gauche.

– Ah! diable!

– Non, non… attendez donc…

– Vous ne paraissez pas très sûre. Remémorez-vous, je vous prie, mademoiselle.

– Celle du milieu.

– Il y en a quatre.

– C’est vrai. Tout ce que je sais, c’est que, sur les quatre, il y en a une qui mène tout droit chez Madame; celle-là, je la connais.

– Mais M. de Guiche n’est point chez Madame, n’est-ce pas?

– Dieu merci! non.

– Celle qui mène chez Madame m’est donc inutile, et je désirerais la troquer contre celle qui mène chez M. de Guiche.

– Oui, certainement, celle-là, je la connais aussi; mais quant à l’indiquer ici, la chose me paraît impossible.

– Mais, enfin, mademoiselle, supposons que j’aie trouvé cette bienheureuse allée.

– Alors, vous êtes arrivé.

– Bien.

– Oui, vous n’avez plus à traverser que le labyrinthe.

– Plus que cela? Diable! il y a donc un labyrinthe?

– Assez compliqué, oui; le jour même, on s’y trompe parfois; ce sont des tours et des détours sans fin; il faut d’abord faire trois tours à droite, puis deux tours à gauche, puis un tour… Est-ce un tour ou deux tours? Attendez donc! Enfin, en sortant du labyrinthe, vous trouvez une allée de sycomores, et cette allée de sycomores vous conduit droit au pavillon qu’habite M. de Guiche.

– Mademoiselle, dit Manicamp, voilà une admirable indication, et je ne doute pas que, guidé par elle, je ne me perde à l’instant même. J’ai, en conséquence, un petit service à vous demander.

– Lequel?

– C’est de m’offrir votre bras et de me guider vous-même comme une autre… comme une autre… Je savais cependant ma mythologie, mademoiselle; mais la gravité des événements me l’a fait oublier. Venez donc, je vous en supplie.

– Et moi! s’écria Malicorne, et moi, l’on m’abandonne donc!

– Eh! monsieur, impossible!… dit Montalais à Manicamp; on peut me voir avec vous à une pareille heure, et jugez donc ce que l’on dira.

– Vous aurez votre conscience pour vous, mademoiselle, dit sentencieusement Manicamp.

– Impossible, monsieur, impossible!

– Alors, laissez-moi aider Malicorne à descendre; c’est un garçon très intelligent et qui a beaucoup de flair; il me guidera, et, si nous nous perdons, nous nous perdrons à deux et nous nous sauverons l’un et l’autre. À deux, si nous sommes rencontrés, nous aurons l’air de quelque chose; tandis que, seul, j’aurais l’air d’un amant ou d’un voleur. Venez, Malicorne, voici l’échelle.

– Monsieur Malicorne, s’écria Montalais, je vous défends de quitter votre arbre, et cela sous peine d’encourir toute ma colère.

Malicorne avait déjà allongé vers le faîte du mur une jambe qu’il retira tristement.

– Chut! dit tout bas Manicamp.

– Qu’y a-t-il? demanda Montalais.

– J’entends des pas.

– Oh! mon Dieu!

En effet, les pas soupçonnés devinrent un bruit manifeste, le feuillage s’ouvrit, et de Saint-Aignan parut, l’œil riant et la main tendue, surprenant chacun dans la position où il était: c’est-à-dire Malicorne sur son arbre et le cou tendu, Montalais sur son échelon et collée à l’échelle, Manicamp à terre et le pied en avant, prêt à se mettre en route.

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