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– Ne dis jamais une chose pareille! glapit Chéri-Bibi en lui étreignant le poignet à le faire crier… Non! Non! Chéri-Bibi ne s’est jamais fait d’idées! Chéri-Bibi n’a jamais tué que lorsque c’était nécessaire!

M. Hilaire recula tout pâle…

– Alors, demanda-t-il en tremblant, il y en a encore un qui vous gêne?

– Deux!

Il y eut un gros silence entre les deux hommes: ce fut M. Hilaire qui reprit le premier la parole:

– Ah! là! là que c’est embêtant! dit-il en se claquant la cuisse.

– Tout de même, je ne vous forcerai pas, monsieur Hilaire!

– Eh, monsieur le marquis, vous voyez bien que je vous écoute… c’est embêtant, mais je vous écoute! De quoi s’agit-il, voyons?

– Voilà! fit Chéri-Bibi après s’être recueilli quelques secondes! Le Subdamoun est triste!

– Et pourquoi donc, grands dieux!

– Il est triste parce qu’il a été sauvé par un homme qu’il ne connaît pas, et que cet homme, pour le sauver, a tué M. Dimier, qui était un honnête homme, et beaucoup d’autres!

– Peuh! un soldat! est-ce qu’il devrait même s’inquiéter de cela? C’est de l’enfantillage! Et puis, je ne vois pas en quoi nous le rendrions moins triste en en tuant encore deux! Ça ne ferait, au contraire, si je vous ai bien compris, qu’augmenter sa tristesse.

– Le Subdamoun est triste, jusqu’à la mort, reprit durement Chéri-Bibi, parce que depuis dix jours des lettres le poursuivent, lettres anonymes qui vont le chercher partout et dont j’ai surpris quelques-unes, et dans lesquelles on lui dit qu’il n’a été dans toute cette affaire que l’instrument du plus grand bandit du monde… qu’on lui en apportera la preuve quand il voudra et qu’on lui livrera son nom!

– Ouais! Rien que ça! s’exclama, cette fois, M. Hilaire. Mais l’autre lui avait déjà mis la main sur la bouche.

- Tais-toi! Les lettres précisent les interventions et concluent que le Subdamoun, s’il ne se débarrasse pas lui-même de ce bandit, ou s’il ne le dénonce pas comme il le mérite, n’est que le complice, peut-être conscient, d’un assassin!

– Et le Subdamoun a cru cela tout de suite?

– Non! tout d’abord il n’a pas voulu le croire! Cela lui paraissait évidemment incompréhensible! Alors, pour comprendre, il a demandé à la Sûreté qu’on voulût bien lui envoyer le père Cacahuètes… Mais on n’a pas trouvé le père Cacahuètes. Depuis que la révolution est terminée, on n’a revu le père Cacahuètes nulle part. «Il doit être mort», a dit Cravely. Et je crois que Cravely a raison, ajouta Chéri-Bibi.

– Dame! fit Hilaire, vous me l’aviez bien promis!

– Écoute! écoute! rien ne pourra faire revivre le père Cacahuètes, mais tu penses bien que Chéri-Bibi préférerait mourir lui-même plutôt que de voir le Subdamoun au courant de certaines choses!

– La personne qui écrit ces lettres sait donc tant de choses que cela? demanda Hilaire, qui n’en respirait plus…

– Elle sait tout!

– C’est Askof! s’écria Hilaire…

– Non, ce n’est pas Askof! Askof est mort! de ma main, pour le punir d’avoir trahi… C’est sa femme… j’ai reconnu son écriture.

– La baronne! Misère! Comment n’est-elle pas déjà morte?

– Parce que je ne sais pas où elle est! C’est aussi simple que cela! Et elle sait tout! Car son mari a dû tout lui dire! Avant de mourir, Askof qui n’était plus qu’une chair pantelante entre mes mains qui l’avaient martyrisé, Askof a trouvé encore la force de me jeter mon nom: Chéri-Bibi! et ma paternité: Le Subdamoun est le fils d’un assassin! Tu vois, Hilaire, comme c’est simple! Sa femme le venge… Voilà où j’en suis…

«Rien n’est encore perdu, cependant! Elle n’a pas tout écrit, heureusement! Elle veut être reçue, elle veut dire elle-même le principal! et pour prouver que le marchand de cacahuètes est bien mêlé à l’affaire du coup d’État et a tout conduit depuis le début, elle amènera avec elle un témoin dont il sera impossible de réfuter les allégations, tu devines qui? Petit-Bon-Dieu! à qui, du même coup, elle a promis de révéler le véritable nom de l’assassin de son père! Moi aussi, je lui avais promis cette révélation-là à Petit-Bon-Dieu, mais tu comprendras, n’est-ce pas, pourquoi je n’étais pas pressé de la lui faire!

– Quelle sale histoire! Quelle sale histoire! Alors, il faut tuer aussi Petit-Bon-Dieu?

– Naturellement. Mais où sont-ils? Tu comprends, s’ils se cachent, s’ils prennent leurs précautions! Ils doivent être terrés comme des lapins! Ils ne sortiront que pour venir dire à mon fils: Ton père, c’est Chéri-Bibi!

Chéri-Bibi s’était levé dans l’ombre et montrait une exaltation sans pareille.

– Oui, leur compte est bon! exprima M. Hilaire, de sa voix la plus douce, en essayant de calmer Chéri-Bibi. Mais comment tout cela va-t-il s’arranger?

– Oh! de la façon la plus simple! Ils ont obtenu un rendez-vous pour demain soir.

– Comment savez-vous cela?

– Je ne sors plus de l’hôtel de la Morlière, Hilaire. Je vis chez Cécily et chez mon fils, à côté d’eux, au milieu d’eux! On me cherche partout! Je suis là! Il me fait chercher au fond des provinces, je l’écoute aller, venir, gémir, vivre, respirer! Un coin de rideau, un meuble, un peu de nuit, la cave et le grenier, tout ce qui peut cacher quelque chose et quelqu’un est le domaine de Chéri-Bibi… Je regarde ce qu’il écrit, je fouille dans les débris de la lettre qu’il vient de recevoir, j’écoute l’ordre qu’il vient de donner! Je suis le plus heureux et le plus malheureux des hommes! et le plus renseigné! Leur hôtel est mon refuge et mon repaire! Et j’y ai préparé la besogne de demain! C’est la baronne qui a fixé l’heure fatale! qui a exigé ce rendez-vous! Chez lui, car là, elle se croit en toute sécurité et persuadée qu’elle sera mieux gardée que partout ailleurs. Elle entrera publiquement et elle imagine qu’il faudra bien qu’elle en sorte… vengée! ayant frappé à mort, d’un mot, à la fin, le père, la mère et le fils! Et elle sera accompagnée de Petit-Bon-Dieu! Elle a dit au Subdamoun de lui répondre à des initiales, dans la correspondance d’un journal et il a répondu! Elle aura compté sur tout le monde, excepté sur moi! Tu vois bien, Hilaire, comme c’est simple! Je ne sais où ils sont, aujourd’hui, mais demain soir, à neuf heures, ils seront dans le petit salon de l’hôtel du Marais où le Subdamoun viendra les rejoindre!

– Oui, oui, acquiesça M. Hilaire, d’une voix sourde, c’est très simple!

– Écoute encore un mot et je n’ai plus rien à te dire. Sois chez toi, demain soir, à huit heures… Mazeppa, qui ne sait naturellement pas de quoi il retourne, viendra te chercher de ma part et tu le suivras!

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