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– Prenez-les! Ils sont à vous, dit-elle… Je vous les donne!

Elle avait repris un peu de force, le sacrifice accompli. Il prit dans ses mains tremblantes le funèbre cadeau… Ses mains glissèrent sur cette soie merveilleuse qu’il avait naguère si amoureusement caressée!

– Vous permettez? fit-il. C’était une amie fidèle, qui est morte pour moi! Vous permettez?

Elle ne pouvait lui répondre. Elle laissait couler ses larmes. Et, lui aussi, en embrassant les cheveux, pleurait…

– Pauvre femme, soupira-t-il, pauvre Sonia! Oh! Lydie, vous êtes digne du plus grand amour, vous qui me procurez un moment pareil! Ses cheveux! Où avez-vous eu ses cheveux, Lydie?

– C’est elle qui me les a donnés, avant de mourir…

– Et comment cela, Lydie?

– Nous partagions le même cachot…

– Vous avez ces cheveux depuis si longtemps, Lydie, et c’est seulement aujourd’hui que vous me les apportez!

– Je suis en effet coupable, bien coupable, plus encore que vous ne le croyez, mon ami, avoua Lydie, baissant la tête sous le reproche qui commençait à sortir de cette bouche adorée. Je me disais que si je vous donnais ces cheveux et si je vous apprenais dans quelles circonstances ils me sont parvenus, je me disais que vous ne me le pardonneriez peut-être jamais!

– Vous m’épouvantez, Lydie…

– Surtout, Jacques, soyez assuré qu’il n’y eut point de ma faute! Cela, je vous le jure.

– Mais qu’est-il arrivé? demanda-t-il, haletant.

Elle lui raconta tout et s’écria, dans un dernier sanglot: «Aimez-la toujours, comme toujours je prierai pour elle…»

Et elle retomba, épuisée.

Jacques avait laissé échapper un cri sourd… mais il s’arrêta dans son immense regret superflu… Regretter que l’autre fût morte, n’était-ce point regretter que celle-ci fût vivante!

Il vit la faible enfant qui avait tant souffert et qui si héroïquement venait lui dire: Aimez-la! Pleurez-la toujours! Il se baissa sur elle, la prit dans ses bras, et lui dit:

– Lydie, vous êtes digne d’elle! C’est moi qui suis indigne de votre amour à toutes deux! Nous la pleurerons ensemble, Lydie, voulez-vous! Emportez ces reliques. Elles sont à vous! Nous ne nous en séparerons jamais!

La jeune fille reprit des mains de Jacques ce gage d’un amour auquel elle ne voulait plus croire… Et comme elle se soulevait, éperdue, étourdie, ne sachant plus où diriger ses pas, le Subdamoun dit à la marquise qui était entrée silencieusement et qui avait assisté à la fin de la scène…

– Il y a dans ce coffret une chose qui vous sera à jamais sacrée à vous, ma mère, comme à nous tous, parce que c’est la chevelure d’une femme qui a donné sa vie pour sauver la vie de ma femme!

Et il conduisit Lydie à sa mère.

Cette scène de famille des plus attendrissantes, se fût peut-être prolongée, si un domestique n’était entré, annonçant que les deux personnes étaient là, dans le petit salon!

XXXVII DEUX PERSONNES ATTENDENT DANS LE PETIT SALON

– C’est bien! fit le Subdamoun, d’une voix instantanément changée. Faites attendre!

Et il pria les deux femmes de le laisser seul…

La douce émotion de tout à l’heure avait disparu, faisant place à une agitation qu’il essayait vainement de dissimuler.

Comme les deux femmes restaient stupéfaites de cette transformation, il leur fit un signe bref d’avoir à disparaître et il s’assit à son bureau.

Il essayait de «se reconquérir».

L’ennemi était dans la place, car, évidemment, c’était un ennemi qui lui apportait une révélation pareille, un ennemi à mort!

Il ne voulait point, avant la partie qui allait se jouer, laisser voir son atroce inquiétude. Il devait dès l’abord traiter l’ennemi en imposteur! car l’imposture constituait son seul et dernier espoir!

Oui, il voulait croire qu’on allait mentir! Et il devait montrer, en face d’une pareille machination, un front calme!

Malheureusement, les réflexions qu’il avait faites sur certains événements de ces derniers temps lui rendaient très difficile le calme nécessaire.

Il eût préféré se trouver dans la brousse, en plein piège sauvage que dans ce vieil hôtel si calme, où les deux personnes l’attendaient dans le petit salon!

Il avait choisi ce petit salon parce qu’il était fort retiré, à l’extrémité d’un corridor, qui servait souvent, dans la journée, de chambre de repos à sa mère et où l’on pouvait causer en toute tranquillité, sans crainte d’éveiller une oreille indiscrète.

Le Subdamoun ouvrit un tiroir et sortit un revolver qu’il arma.

Il mit le revolver dans sa poche, et puis il arpenta la pièce de long en large. Il s’efforçait d’arrêter un plan. Il n’y parvenait pas.

Soudain, la porte s’ouvrit. Il se trouva en face de sa mère qui paraissait aussi agitée que lui.

– Jacques! fit-elle, qu’y a-t-il? En passant devant le petit salon, dont la porte était restée entrouverte, j’ai entendu une voix qui disait: «Va-t-il nous faire attendre encore longtemps?» Et j’ai reconnu cette voix: c’était celle de la baronne d’Askof!

Le Subdamoun, sur ses gardes, parvint à cacher un peu l’émotion que lui causait le prononcé de ce nom.

La baronne d’Askof! C’était là l’ennemie!

Il songea à tout ce que le baron avait pu faire ou faire faire au nom du Subdamoun quand ils avaient encore partie liée et, intérieurement, il en frémit. Au fond de quel abîme roulait-il donc?

La marquise insistait:

– Jacques! pourquoi n’as-tu plus confiance en moi? Je suis sûre qu’un grand danger te menace!

– Vous vous trompez, ma mère, répondit-il. J’ai rendez-vous avec la baronne d’Askof parce que nous devons finir de régler certaines affaires concernant le passé; mais je ne cours aucun danger.

Elle ne bougeait pas. Il en marqua de l’impatience:

– Vous devriez aller vous reposer. Je vous avais, du reste, demandé de me laisser recevoir ces gens… sans vous en préoccuper!

Il ne lui avait jamais parlé ainsi. Elle en fut plus épouvantée encore:

– Tu ne te vois pas, malheureux enfant! Depuis quelques jours, on ne te reconnaît plus! Toi, ordinairement si maître de tes sentiments, tu n’arrives pas à nous cacher ton inquiétude. Pourquoi ne te confies-tu pas à moi? Ces Askof, je les ai toujours considérés comme des bandits…

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