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Et Chéri-Bibi se mit à trembler! M. Dimier lui demanda ce qu’il avait à trembler comme ça!

– Monsieur le président, je vais vous dire: le Subdamoun devait s’enfuir par la Tour de l’Ouest. La Tour de l’Ouest est habitée par Talbot. Cela m’eût été agréable d’avoir à supprimer Talbot qui est un méchant homme, mais à l’idée que vous…

Il arrêta, M. Dimier, un peu pâle, releva la tête. Il avait compris.

Il regarda le monstre assis en face de lui et qui continuait de trembler. Les coudes de Chéri-Bibi, ses mains étaient agités de mouvements spasmodiques. Et il se prit à claquer des dents… Cette épouvantable mâchoire avait peur!

Et cependant, toute cette peur était horriblement menaçante.

– J’aurais pu vous dénoncer tout à l’heure, fit-il simplement. Et il allongea rapidement une main décidée vers un bouton de sonnette. Chéri-Bibi arrêta cette main.

– Vous ne saurez jamais, fit le bandit, dont la voix s’était faite la plus tendre qu’il lui était possible, ce qu’il m’en coûte de vous être désagréable, monsieur Dimier, Vous avez écrit un livre que je n’oublierai jamais, vous êtes peut-être le seul homme sur la terre qui ait jamais eu pitié de moi! Un soir que je m’étais évanoui de faiblesse dans la rue, vous vous êtes arrêté pour me faire la charité… Je vous admire et je vous aime! Laissez-moi vous ficeler proprement, vous bâillonner gentiment…

– Assez, monsieur! fit le magistrat. Je n’ai plus rien à vous dire. Et puisque vous ne voulez pas partir, je vais vous dénoncer!

Il se leva, courut à la porte: d’un bond Chéri-Bibi fut sur lui et le renversa.

L’autre cria.

Mais deux mains lui serrèrent la gorge… et comme un bruit de pas se faisait entendre dans l’escalier et qu’il n’avait plus une seconde à perdre, Chéri-Bibi serra fort, très fort.

Chéri-Bibi se releva…

Il venait de tuer M. Dimier.

– Fatalitas! gronda-t-il.

Et il pleurait… Cependant il renifla, essuya ses larmes d’un geste horrible de la manche, secoua ses épaules, s’apprêta à de nouvelles besognes, aspira l’air, fit entendre un han prodigieux… et ouvrit la porte à Hilaire et au Subdamoun qui se précipitèrent dans la pièce.

Il était temps. Une minute de plus et M. Dimier était sauvé et le Subdamoun était perdu. Chéri-Bibi regretta son bavardage. Le corps avait roulé sous le bureau. Chéri-Bibi avait soufflé la lampe. Le Subdamoun ne vit rien. Et Hilaire n’apprit le crime nécessaire que plus tard.

La porte repoussée et verrouillée les séparait maintenant de la horde des gardes civiques qui, conduits par Talbot et l’officier municipal, furieux d’avoir été joués, la bourraient de coups, se transformaient en catapultes et réclamaient des haches!

Dans l’ombre, le Subdamoun, qui ne comprenait pas grand-chose à ce qui se passait, se laissa attacher à une corde par une sorte de géant bizarre qui, penché sur lui, le maniait avec une grande douceur.

M. Hilaire lui ordonnait de se laisser faire.

À la lueur d’un rayon de lune, l’ombre inquiétante du géant disparut dans la vaste cheminée, grimpant comme un chimpanzé le long de la corde.

Alors, le commandant comprit qu’arrivé sur le toit, son singulier sauveur allait le hisser par la cheminée, comme un colis.

Les coups à la porte se faisaient terriblement furieux. La porte semblait prête à céder. En même temps que l’on entendait des clameurs de sauvages à l’adresse du commandant, des cris de mort destinés à M. Hilaire s’élevaient dans une cacophonie terrifiante.

Le Subdamoun, qui était le courage et l’honneur même, trouva le moyen de compliquer encore ce moment difficile.

Il sortit un petit couteau de sa poche, coupa la corde qui le liait et déclara qu’il ne consentirait à prendre le chemin de la cheminée que lorsque l’héroïque M. Hilaire, à qui il devait la vie, aurait sauvé d’abord la sienne.

M. Hilaire, naturellement, se prit à jurer comme un païen.

– Monsieur! exprima ensuite M. Hilaire, on ne me le pardonnerait jamais!

– Qui: on? demanda le Subdamoun.

– L’homme qui est là-haut, répondit simplement M. Hilaire, en essayant d’attacher le Subdamoun.

XXXII OÙ CHÉRI-BIBI RETROUVE SON FILS

Au haut de la cheminée, Chéri-Bibi halait à lui la corde. Il lui semblait entendre au pied de la tour une rumeur insolite. Sans doute était-on sorti de la Conciergerie pour avertir les gardes civiques qui se trouvaient sur le quai du drame qui se passait sur le toit.

Et soudain, des coups de feu retentirent; des balles vinrent ricocher sur le toit en poivrière.

La position devenait critique. Il fallait se hâter. Chéri-Bibi brassait la corde et enfin une tête, un corps apparurent. Chéri-Bibi le saisit avec une joie sauvage.

– C’est moi! fit la voix haletante et assez inquiète de M. Hilaire.

Il y eut sous le ciel noir un hurlement de fureur et Chéri-Bibi rejeta M. Hilaire dans la cheminée!

M. Hilaire arriva en bas avec un grand fracas et dans un assez piètre état. Il avait les mains et le visage en sang et se plaignait de maux de reins.

– Là! qu’est-ce que je vous avais dit? fit-il au Subdamoun qui déplorait l’événement, cependant que la porte, sous l’assaut furieux du dehors, commençait à céder.

Mais le commandant n’eut point le temps de plaindre M. Hilaire: il fut entraîné, emporté, ficelé comme un paquet par le démon redescendu du ciel et hissé dans le moment que la porte sautait enfin de ses gonds.

On tira des coups de fusil dans la cheminée. Par un miracle, ils ne furent atteints ni l’homme ni lui.

Une décharge, partie des quais de la Seine, les accueillit encore à leur sortie de la cheminée. Là non plus ils ne furent point touchés! L’homme avait pris le Subdamoun dans ses bras. Il le serrait sans brutalité, presque avec tendresse. Il glissa avec lui jusqu’à la gouttière.

– Nous sommes sauvés! dit l’homme.

Le Subdamoun n’en crut pas un mot, mais tout de même il admira l’homme. Celui-ci l’avait poussé du côté opposé au quai, le mettant ainsi à l’abri des salves tirées par les gardes civiques et aussi des entreprises de quelques vieux gardes de la Conciergerie qui se montraient aux mansardes des toits.

L’homme accrochait le grappin de sa corde à une gouttière et la laissait pendre sur des toits en contre-bas. Puis il mit cette corde entre les mains du Subdamoun. Le commandant comprit qu’il devait se lancer dans le vide.

La corde se balançait sous le poids. Enfin le Subdamoun prit pied.

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