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– Oui! Vous demanderez mon nom à M. Cravely, quand vous aurez réussi! Je travaille pour lui; moi, je ne suis pour rien dans cette affaire-là. J’exécute une consigne. Comprenez-vous?

Le Subdamoun n’en revenait pas.

– Mes affaires vont donc si bien que cela que Cravely est avec moi? interrogea-t-il, sceptique.

– Très bien, si vous ne vous faites pas «poisser». Mais le plus fort est fait. Nous n’avons plus qu’à attendre. Seulement, auparavant, vous allez mettre le costume de Masson.

– Qui est Masson?

– Masson, comme son collègue Fanor, est un garçon de bureau au parquet de M. le procureur général, expliqua Chéri-Bibi ramassant, sur le lit qui se dressait dans un coin de la mansarde, le costume et les insignes de ce malheureux employé et les déposant aux pieds du Subdamoun. Nous-mêmes, nous nous trouvons, en ce moment, sous les toits du parquet du procureur général qui donne sur le boulevard du Palais. Nous n’aurons qu’à descendre. Je connais les aîtres et si nous rencontrons quelques gêneurs, vous n’aurez rien à dire. Vous me suivrez. Votre costume vous permet de passer partout. Ainsi arriverons-nous, sans encombre, à la Sûreté. Je sais un chemin qui est de tout repos.

– Mais vous?

– Oh! moi, on me connaît! Êtes-vous prêt?

Cinq minutes plus tard, le Subdamoun et l’homme descendaient sans bruit les escaliers déserts du parquet général: un lumignon, de-ci, de-là, éclairait les vastes espaces traversés, les parquets cirés et trop sonores au gré du Subdamoun.

Un nouveau sujet de stupéfaction pour celui-ci fut une nouvelle transformation de l’homme qui en fit un misérable vieillard au dos courbé et aux jambes cagneuses.

Le Subdamoun se rappela vaguement plus tard avoir pénétré dans d’étroits et humides corridors dont le vieillard ouvrait les portes avec un passe-partout.

Là, ils rencontrèrent des agents auxquels son compagnon adressa des mots d’ordre incompréhensibles.

Puis tous deux se trouvèrent dehors, dans la nuit du boulevard. Le vieillard marchait en avant, et, laissant derrière lui tout le tumulte, il se dirigea vers le quai, enfila une rue sombre et déserte. Au bout de la rue, une limousine, phares éteints, attendait. Le misérable vieillard s’en fut ouvrir la portière.

– Si vous voulez monter, mon prince! fit-il entendre de son abominable voix de rogomme.

Jacques monta et l’autre referma la porte.

La limousine démarra. Elle n’avait point de chauffeur, on la conduisait de l’intérieur.

– Enfin, te voilà, Jacques!

– Frédéric!

Les deux compagnons d’armes avaient bien des questions à se poser; mais, tout de suite, le Subdamoun voulut que Frédéric lui dît quel était l’extraordinaire bonhomme qui l’avait sauvé dans d’aussi prodigieuses conditions!

– C’est un grand ami d’Hilaire. Nous pouvons avoir confiance en lui.

– Je m’en suis aperçu! acquiesça le Subdamoun en hochant la tête… Mais comment se nomme-t-il?

– Je ne sais pas. Nous l’appelons: Le marchand de cacahuètes!

XXXIII CHÉRI-BIBI RETROUVE SA FEMME

Chéri-Bibi regarda la limousine s’éloigner. Quand il ne la vit plus et ne l’entendit plus, il poussa un soupir.

Il se mit à marcher et à penser aux devoirs qu’il avait encore à accomplir avant que de se reposer: 1° le Subdamoun, même hors de prison, n’était point au bout de ses peines; 2° sa mère, la divine marquise du Touchais, attendait toujours dans la cave de M. Hilaire qu’on la vînt délivrer; 3° M. Hilaire lui-même était à son tour la proie des ennemis de la nation, au fond de cette Conciergerie où un geste de mauvaise humeur de Chéri-Bibi l’avait si fâcheusement replongé!

Chéri-Bibi allait-il abandonner le fidèle la Ficelle, l’ami des mauvais jours? Cela ne lui ressemblait pas!

Tout à coup, il poussa un cri.

Il venait tout simplement de penser à ceci que «la véritable mission de M. l’inspecteur général Hilaire à la Conciergerie étant dévoilée, les officiers municipaux allaient faire une perquisition chez le traître et qu’ils allaient y trouver Cécily!»

Chéri-Bibi courait comme un fou. Des gens couraient également devant lui, derrière lui, sans s’occuper de lui. Une clameur montait dans le quartier. Une lueur fulgurante éclatait vers la droite comme un bouquet de feu d’artifice. Et il entendit quelqu’un qui disait:

– C’est la Grande Épicerie moderne qui brûle.

Alors il fit sa trouée, droit comme un obus.

Chéri-Bibi ne pensait plus qu’à la cave de M. Hilaire et aux dépôts d’huile et de pétrole et autres essences qu’elle contenait, tous propres à alimenter un incendie au milieu duquel la figure divinisée de la marquise du Touchais apparaissait, les yeux au ciel, telle Jeanne d’Arc sur son bûcher!

Arrivé au coin de la rue, Chéri-Bibi se heurta, ou plutôt heurta le service d’ordre et de telle sorte que les gardes crurent à un fou qui courait se jeter dans les flammes.

Deux officiers municipaux se précipitèrent, mais durent bien vite reculer devant l’ardeur du foyer.

Les pompes, cependant, faisaient leur œuvre, jetant au centre du brasier des trombes d’eau qui semblaient, par un curieux effet de brasillement affreux, alimenter le sinistre. Les pompiers, debout sur les toits, et, de-ci, de-là, dans les encoignures de fenêtre, frappaient de la hache et aidaient certaines poutres à se détacher.

Or, la cave dans laquelle étaient enfermés nos réfugiés se trouvait sous la Grande Épicerie moderne.

Nous avons dit, en son temps, qu’on y pouvait descendre par une petite porte à ras du pavé qui donnait sur une étroite ruelle fort peu passante et qui servait à la descente directe des fûts dans le sous-sol. C’était à grand-peine que l’on s’approchait de cette ruelle, qu’une véritable voûte de feu recouvrait. Chéri-Bibi, bravant le danger, parvint à se glisser dans un endroit où nul n’osait plus se risquer.

À ce moment, il se rendit compte que toutes les explosions qu’il entendait ne venaient point seulement du brasier, car il fut frappé à la main gauche par une balle qui la traversa de part en part. De la rue d’en face, on tirait sur le feu!

Et il n’eut que le temps de se jeter dans l’encoignure d’une porte pour éviter une nouvelle salve.

Lors, voilà que la porte céda sous son poids et qu’il entendit la voix bien connue de son affreux galopin de Mazeppa qui disait:

– Par ici, patron, si vous n’aimez pas les pruneaux!

Dans le même moment, il découvrait qu’il se trouvait chez le bougnat.

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