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M. Florent, interrogé à son tour, ne put réussir qu’à claquer des dents.

– Cet homme a la fièvre! exprima M. Hilaire.

À cette voix, M. Florent sursauta et retomba à genoux. Il venait de reconnaître M. le commissaire inspecteur.

Il s’accrocha à son habit comme un homme qui se noie s’accroche à une branche du rivage.

– Tiens, monsieur Florent! Qu’est-ce que vous faites ici? L’ex-marchand de papier à lettres éleva au-dessus de sa tête branlante des mains suppliantes.

– Monsieur Hilaire! Vous qui me connaissez, vous savez bien que je suis incapable de rien entreprendre qui ne soit parfaitement honnête et ce n’est point pour avoir écrit à la Gazette des clubs qu’il n’y avait de salut que dans les Droits de l’homme…

M. Florent ne put en dire davantage. Le directeur de la prison entraînait déjà M. Hilaire:

– C’est un fou! disait Talbot en refermant lui-même le cachot, ils sont quelques-uns comme ça qui ont la maladie de l’échafaud.

XXVII DANS LE CACHOT DU SUBDAMOUN

Après être sorti de chez Askof, le commissaire inspecteur, M. Hilaire, demanda à voir le Subdamoun.

Alors, toujours suivi de ses porte-clefs, Talbot se dirigea avec Hilaire du côté du cachot du commandant Jacques.

Il fit écarter les vingt-cinq gardes civiques qui veillaient dans le couloir, tout hérissé de nouvelles grilles énormes.

On avait mis à la disposition du Subdamoun une table et une chaise. C’est là qu’il se tenait, les coudes sur la table, dans une attitude de méditation insondable, pendant des heures et des heures.

Il ne leva même point la tête au bruit qu’ils firent en entrant.

Ils restèrent, tous deux, quelques instants à contempler cette immobilité.

À quoi cet homme pensait-il?

Qu’attendait-il? Espérait-il encore? Son esprit n’était-il point anéanti par la chute formidable de ce qu’il avait conçu et si fragilement édifié?

Songeait-il simplement qu’il allait mourir? Au cours de cette longue instruction, que l’on faisait tramer dans le dessein d’offrir à la plèbe révolutionnaire une corbeille pleine des plus belles têtes de la réaction républicaine, agrarienne et nationaliste, il avait laissé tomber quelques rares paroles qui disaient son détachement de tout.

Ayant essayé une fois de disculper ses complices et de prendre tout l’événement à sa charge et ayant constaté que ce noble effort n’aboutissait à rien de sérieux, il avait dit: «Dans ces conditions, prenez ma tête le plus tôt possible et ne me demandez plus rien!»

– J’ai besoin de parler au prisonnier, fit à voix basse le commissaire inspecteur à Talbot, et de n’être entendu de personne…

– Contraire au règlement! déclara tout de suite M. le directeur.

M. Hilaire tendit au directeur une feuille officielle sur laquelle celui-ci reconnut le timbre du Comité et la signature de Coudry au-dessous de ces mots: «Ordre à tous fonctionnaires de l’administration des prisons de faire ce que M. Hilaire, commissaire de la section de l’Arsenal, inspecteur général des prisons, croira devoir leur prescrire pour la sûreté des prisonniers et le bien de l’État!»

Talbot réfléchit un instant et dit:

– C’est de la part du comité que vous devez parler au prisonnier?

– Si on vous le demande jamais, répliqua M. Hilaire, je vous conseille de répondre que vous n’en savez rien. Entre nous, comme je vous sais dévoué à ces messieurs, je vous répondrai: oui! Mission secrète, relative à Hérisson, qui aurait été tâté par le Subdamoun, et peut-être Pagès! comprenez-vous? Je sais que nous avons les mêmes ennemis, vous et moi, et j’ai confiance en vous! Mais motus si vous tenez à votre tête!

– Cependant, je ferai mon rapport demain matin…

– Naturellement!

- Je ne puis vous laisser parler au Subdamoun sans le consigner.

– Vous le consignerez!

– Je vous avertis, continua le directeur, qui n’avait pas perdu toute méfiance, qu’il y a une consigne sur laquelle je ne puis passer, car elle est formelle celle-là et le papier que vous me montrez ne la détruit pas.

– Laquelle?

– Celle qui ordonne à mes hommes de ne jamais perdre de vue, le jour et la nuit, le Subdamoun.

– Vous ai-je demandé de transgresser cette consigne-là? Pourvu qu’on ne m’entende pas, c’est tout ce que je demande! Gardez vos responsabilités, je prends les miennes!

Cette rapide conversation avait été tenue à voix basse, sur le seuil du cachot.

Le Subdamoun, en effet, devait rester constamment sous l’œil de ses gardiens.

Talbot fit reculer les cinq gardes civiques jusqu’au fond du cachot et demeura là avec eux.

Il fit signe à M. Hilaire qu’il pouvait se rapprocher du prisonnier.

Talbot, qui était bien décidé à ne pas perdre un geste des deux hommes, vit le commissaire inspecteur se pencher sur le prisonnier et lui murmurer quelques mots qui semblèrent produire un certain effet.

Le Subdamoun releva vivement la tête, dévisagea son interlocuteur, jeta un regard du côté où grouillaient les gardes et le directeur et dit tout haut ces mots qui furent entendus:

– Ah! ah! c’est vous, monsieur Hilaire, commissaire de l’Arsenal!

– Je suis ici en qualité d’inspecteur général des prisons, fit la voix claire de M. Hilaire.

– Mes compliments! répartit le Subdamoun, la République vous réussit, à vous!

«Ils n’ont pas l’air très amis! se disait, pendant ce temps, le sieur Talbot… La conversation commence mal! Voyons la suite! Il sera bien malin s’il lui tire quelque chose!»

Cependant, M. Hilaire n’avait pas l’air démonté par ce premier résultat plutôt négatif… Il dit encore et M. Talbot put l’entendre:

– Depuis le commencement de l’instruction, vous vous conduisez de telle sorte, monsieur, que vous vous faites le plus grand mal à vous et à vos amis! Libre à vous de vous perdre, mais songez que, si vous vous montriez plus raisonnable dans la conduite de votre affaire, des êtres qui vous sont chers pourraient vous en remercier. Monsieur, je viens vous trouver de la part du comité de…

À partir de ces mots, M. Talbot n’entendit plus rien.

M. Hilaire, cependant, continuait de parler, mais très bas.

– Commandant, je suis venu pour vous sauver. Les fonctions dont je suis investi, je ne les ai demandées que pour vous servir vous et les vôtres! On vous a fait savoir que Mme la marquise et Mlle Lydie étaient en sûreté. Elles sont en sûreté chez moi, dans ma cave!

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