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– Ah! mon Dieu! pleura Véra.

– Enfin, je ferai ce que je pourrai, et vous savez que le père Cacahuètes peut tout ce qu’il veut! surtout quand on fait exactement ce qu’il ordonne… et si vous voulez m’en croire, chère madame, vous allez dire tout de suite au revoir à votre époux… et retourner rue aux Phoques, sans tourner la tête! Mais, vous m’entendez bien? Sans tourner la tête! Quoi qu’il arrive! Quoi que vous entendiez! et quoi que l’on vous dise! Il n’arrivera que ce qui doit arriver, pour notre bonheur à tous, ma petite baronne!

Chéri-Bibi entr’ouvrit la porte… Elle partit lentement avec sa corbeille de linge au bras! Des larmes coulaient sur ses joues… Elle voulut parler… mais elle n’en eut pas la force. Du reste, la porte se refermait sur elle.

Chéri-Bibi allait reprendre sa conversation quand le bruit d’une altercation se fit entendre au fond du couloir… il y eut un piétinement, un tumulte de voix et tout à coup un cri strident: «Ne sors pas!»

Askof voulut se jeter sur la porte, mais Chéri-Bibi lui barra le passage:

– Tu entends pourtant bien qu’elle te crie de ne pas sortir!

– Qu’y a-t-il? que se passe-t-il? fit-il haletant.

– Je vais te le dire, répliqua l’autre rudement; mais tu vois combien il est difficile de travailler avec des femmes! Je lui ai ordonné de passer son chemin, quoi qu’elle vît, quoi qu’elle entendît! La première chose qu’elle fait en sortant d’ici, c’est de crier! La sotte!

– Mais pourquoi a-t-elle crié?

– Parce qu’elle a vu le couloir plein d’agents qui viennent te chercher!

– Hein?

– Ne t’émeus pas! Ils n’entreront ici que lorsque j’en sortirai; il est entendu qu’on ne doit pas troubler notre entretien! Comprends donc que si je suis forcé de te livrer à Cravely, il y va entièrement de ta faute et fais-en ton mea culpa!

«J’avais la confiance de Cravely, continua Chéri-Bibi, tu as tout fait pour l’ébranler, toi et tes amis… Tu lui as si bien fait dire qu’il eût à se méfier du père Cacahuètes, qu’il hésite maintenant à marcher complètement avec moi! Et je n’ai jamais eu autant besoin de lui, depuis que le “petit” est en prison! Mon cher, je ne retrouverai toute la confiance de Cravely qu’en lui faisant cadeau d’Askof! As-tu compris, mon ami?

Oui, Askof avait compris!

– Tu me livres! s’écria-t-il.

– C’est pour mieux te sauver, mon enfant! toi et le Subdamoun! Tu penses bien que tu vas me servir là-bas! et crois-tu que c’est un coup de maître, ça. Je répare en une fois, mettons tes inconséquences, je te les fais expier et, par conséquent, je n’ai plus à te les reprocher… Je sauve le Subdamoun (et toi par-dessus le marché, ça va de soi)… enfin, je reconquiers toute la confiance de Cravely! Allons! baron d’Askof, vous devriez me féliciter! Et maintenant, adieu! et compte sur moi!

La rage et l’impuissance où il était de la soulager livrèrent quelques secondes Askof à des mouvements aussi inconscients que désordonnés. Mais, quand il eut bien montré sur sa face ravagée la haine atroce qu’il nourrissait pour Chéri-Bibi et sa fureur d’avoir à risquer sa propre tête pour sauver celle d’un frère qu’il aurait conduit, avec joie, au supplice, il dut cependant s’incliner. C’est-à-dire qu’il s’effondra.

– … Comment communiquerons-nous à la Conciergerie? demanda-t-il dans un souffle.

– Par l’inspecteur des prisons, un ami intime, délégué du comité central de surveillance!

– Non! grogna Askof qui ne comprenait plus, l’inspecteur des prisons, délégué du comité central de surveillance, est ton ami, et tu as besoin de moi pour enlever Subdamoun de la Conciergerie!

– Espèce de niais! Mon ami n’est pas encore nommé à son poste!

– Et quand le sera-t-il?

– Cravely ne le fera nommer que lorsque je lui aurai livré le baron d’Askof! As-tu compris, mon ami?

Oh! Oh! Oh! C’est tout ce que put dire Askof… Décidément, le dab était toujours le dab! il n’y avait pas à lutter avec lui.

– Allons! allons! tout ce que tu voudras! fit-il, je suis à toi! Fais-moi arrêter quand tu voudras!

Chéri-Bibi lança un coup de sifflet… puis, ramassant son baril, il ouvrit la porte et s’en alla.

Au fond du couloir, il y avait vingt agents qui s’emparèrent d’Askof, lequel ne fit aucune résistance et subit, résigné, l’étreinte des menottes.

Il fut traîné au milieu de la salle.

À une porte de la rue, un taxi l’attendait dans lequel on le jeta et qui prit aussitôt le chemin de la Conciergerie…

Dans l’escalier qui conduisait aux cabinets particuliers du premier étage, le marchand de cacahuètes suivait un homme radieux.

L’homme radieux ouvrit une porte et poussa le marchand dans une petite pièce où, sur une table, se trouvait tout ce qu’il fallait pour écrire. Le marchand avait une feuille à la main:

– Il me faut signer ça tout de suite!

– Tout ce que vous voudrez, Papa Cacahuètes, obtempéra Cravely… mais êtes-vous sûr que le complot soit si redoutable?

– Eh! toute la Conciergerie en est! Il s’agit pour les prisonniers d’assassiner leurs gardiens… on doit leur apporter des armes!

– Et si on transférait le Subdamoun dans un autre local!

– Gardez-vous en bien! Il ne faut rien laisser paraître… et nous aurons bientôt tout le fond du sac! Seulement, il me faut un inspecteur des prisons absolument sûr!

– Vous me répondez de celui-là? Qu’est-ce qu’il faudra que je dise à Coudry quand je lui demanderai d’appliquer le sceau du Comité sur la nomination!

– Que c’est absolument urgent! et que l’homme est cet Hilaire, secrétaire du club de l’Arsenal, qui, avec une douzaine d’amis, a retenu prisonnier à Versailles Lavobourg et la belle Sonia, dans une salle d’hôtel.

– Ah! très bien! parfait! Du reste, il fera tout ce que je voudrai, quand j’irai lui annoncer la prise d’Askof!

Et Cravely signa.

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