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– Après, fit M. Florent, d’un ton très sec.

– Eh bien! après… il a donc été entendu que je surveillerais M. Hilaire «pour son bien»!

– C’est du propre! s’écria M. Florent. Vous voilà mouchard, maintenant?

– Eh! monsieur Florent! calmez-vous! Je vous dis pour son bien! Pour qu’il ne lui arrive pas malheur! Pour le faire avertir à temps s’il en est besoin… Et par-dessus le marché, on me donne les palmes académiques!

M. Florent n’y tint plus.

Il s’arrêta brusquement, croisa les bras sur la poitrine et dit:

– Qu’en ferez-vous? Vous! Un ancien marchand de parapluies!

– Je les mettrai à ma boutonnière… répondit M. Barkimel, et ne vous montrez point si fâché, je vous prie… J’ai encore des choses à vous dire… Ce monsieur ne s’en est pas allé tout de suite… Il m’a dit: «Vous avez un ami également fort intelligent et qui est fort intime avec M. Hilaire.»

– Ah! il vous a dit cela, fit M. Florent, déjà charmé.

– Et il m’a dit que cet ami s’appelait M. Florent et que s’il voulait, lui aussi, servir la République… il y aurait aussi une décoration pour mon ami Florent!…

– Oh! s’exclama Florent dont les yeux se brouillèrent et qui serra la main de son ami.

– Cela vous fait plaisir, hein?

– Monsieur Barkimel, cela fait toujours plaisir à un honnête homme d’être décoré… et, comprenez-moi, quand cet homme a mérité, comme moi la décoration…

– Monsieur Florent, vous serez décoré! Il me l’a dit… Vous aurez le mérite agricole!

M. Florent, cette fois, chancela et devint livide:

– M. Barkimel, fit-il la gorge sèche, gardez-le! je ne mange pas de ce poireau-là! Non! non! Bon pour vous, monsieur Barkimel, de vendre un ami pour une décoration! mais M. Florent reste M. Florent! Adieu!

– Florent!

– Adieu! je vous dis! Je ne vous connais plus! Vous êtes un misérable! et d’ailleurs votre République est fichue!

– La République fichue! ce n’est tout de même pas vous qui la jetterez par terre!

– Elle est dans le sciau! Vous m’avez toujours fait rire avec votre révolution!

Et comme M. Florent était, dans le moment, entouré par une foule sympathique, il se tourna vers elle et, lui montrant M. Barkimel, qui avait cessé d’être son ami:

– En voilà encore un, fit-il, qui croit aux clubs et aux révolutionnaires! Aussitôt, M. Barkimel fut entrepris par un groupe hostile qui ne le lâcha que lorsqu’il eût crié: «Vive le commandant Jacques!»

Et Florent s’éloigna en ricanant diaboliquement. M. Barkimel s’en retourna pour surveiller M. Hilaire, la mort dans l’âme. «Ça, se disait-il, je ne le lui pardonnerai jamais!»

M. Hilaire et ses singuliers compagnons n’avaient point quitté la cour de l’hôtel. Et la porte, qui s’était refermée sur Lavobourg, ne s’était point rouverte. Nous avons dit qu’aussitôt que Lavobourg avait pénétré dans l’appartement, une sourde exclamation s’était fait entendre.

– Tu ne m’attendais pas? dit Lavobourg…

– Non! dit Sonia. Que viens-tu faire ici? Trahir encore?

C’était, en effet, Sonia Liskinne qui occupait, dans cet instant critique, le pavillon de la Pompadour.

Elle avait fait retenir l’appartement la nuit même, sachant les facilités qu’il comportait pour les communications directes avec le château.

Mais, certes, elle n’attendait pas Lavobourg!

Le prisonnier avait donc pu se défaire de ses liens? Ou les gens de Cravely l’avaient délivré, car on avait dû déjà perquisitionner dans son hôtel? Elle trembla pour Jacques et son entreprise…

– Qui donc a trahi la première? demanda Lavobourg d’une voix sourde! C’est bien à vous à parler, qui avez failli me faire assassiner! Ah! je savais bien que je vous trouverais ici… dans cet appartement… Il est si commode pour les amoureux de Versailles! Vous vous rappelez? ajouta-t-il avec un ricanement qui s’acheva presque dans les larmes! Ah! Sonia! vous n’avez plus aucune pudeur!

– Quoi qu’il arrive, dit-elle… je vous demande pardon.

– Vous n’avez pas à être pardonnée, fit-il, je me suis bien vengé!

– Qu’avez-vous fait encore? s’écria-t-elle, terriblement anxieuse.

– Je ne sais pas si Jacques réussira… C’est bien possible, mais au moins j’aurai eu cette consolation d’avoir tout fait pour qu’il échoue!

Elle le dressa devant elle, le secoua. Ses yeux étaient durs, sa bouche frémissante, ses mains le déchiraient!

– Quoi? quoi?

– Je suis allé prévenir Flottard, le gouverneur militaire de Paris, et je crois bien être arrivé à temps pour qu’il fasse de la bonne besogne! Avant de venir ici, j’ai eu aussi le plaisir d’apprendre que, grâce à moi, on avait pu mettre la main sur le général Mabel qui s’apprêtait à quitter la place de l’Étoile pour rentrer à Versailles se mettre à la tête de ses troupes. Mabel a été arrêté, jeté à la Conciergerie comme un malfaiteur!

Elle ne l’écoutait plus. Ceci était un coup terrible. Elle ne songeait qu’au moyen d’avertir Jacques qui, certainement, ne devait rien savoir.

À ce moment la porte de l’appartement sauta comme si elle avait été arrachée de ses gonds et une horde se précipita.

C’était la bande de Pagès qui cherchait de tous côtés une issue pour pénétrer dans le château et à qui l’on avait indiqué ce chemin-là!

Pagès salua, demanda pardon, mais tout à coup ceux qui l’entouraient et lui-même reconnurent Lavobourg et Sonia Liskinne.

Cela ne pouvait faire de doute dans l’esprit des envahisseurs qu’ils étaient cachés là pour conspirer contre l’État! De rumeur publique, ils étaient les principaux artisans du coup d’État.

Tous s’écrièrent: «Voilà nos otages! Voilà nos prisonniers! Ce sont les espions du Subdamoun!»

Mais, d’autre part, la bande était pressée de courir à l’Assemblée.

Heureusement se présentèrent de braves citoyens du club de l’Arsenal qui se proposèrent et qui furent acceptés sur présentation de leurs cartes civiques. Sonia et Lavobourg furent entourés par ces gars sinistres qui parlaient un argot redoutable.

Ils paraissaient obéir à un petit vieux dans lequel Sonia reconnut soudain son marchand de cacahuètes de la nuit.

Celui-ci, à la dérobée, lui fit un signe de bonne entente et elle respira.

Mais un de leurs geôliers d’occasion était revenu de la cour avec la nouvelle que le commandant Jacques venait d’être assassiné, elle poussa un cri déchirant cependant que le vieillard bondissait dans le parc avec des jambes de vingt ans!

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