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Et elle se retournait vers Mlle de La Vallière, qu'elle voulait à toute force entraîner contre Montalais, et qui, au lieu d'obéir à l'impulsion de Mme de Saint-Remy, regardait tantôt sa mère, tantôt Montalais avec ses beaux yeux conciliateurs.

– Je n'ai point dit une cour royale, madame, répondit Montalais, parce que Madame Henriette d'Angleterre, qui va devenir la femme de Son Altesse Royale Monsieur, n'est point une reine. J'ai dit presque royale, et j'ai dit juste, puisqu'elle va être la belle-sœur du roi.

La foudre tombant sur le château de Blois n'eût point étourdi Mme de Saint Remy comme le fit cette dernière phrase de Montalais.

– Que parlez-vous de Son Altesse Royale Madame Henriette? balbutia la vieille dame.

– Je dis que je vais entrer chez elle comme demoiselle d'honneur: voilà ce que je dis.

– Comme demoiselle d'honneur! s'écrièrent à la fois Mme de Saint-Remy avec désespoir et Mlle de La Vallière avec joie.

– Oui, madame, comme demoiselle d'honneur.

La vieille dame baissa la tête comme si le coup eût été trop fort pour elle.

Cependant, presque aussitôt elle se redressa pour lancer un dernier projectile à son adversaire.

– Oh! oh! dit-elle, on parle beaucoup de ces sortes de promesses à l'avance, on se flatte souvent d'espérances folles, et au dernier moment, lorsqu'il s'agit de tenir ces promesses, de réaliser ces espérances, on est tout surpris de se voir réduire en vapeur le grand crédit sur lequel on comptait.

– Oh! madame, le crédit de mon protecteur, à moi, est incontestable, et ses promesses valent des actes.

– Et ce protecteur si puissant, serait-ce indiscret de vous demander son nom?

– Oh! mon Dieu, non; c'est Monsieur que voilà, dit Montalais en montrant Malicorne, qui, pendant toute cette scène, avait conservé le plus imperturbable sang-froid et la plus comique dignité.

– Monsieur! s'écria Mme de Saint-Remy avec une explosion d’hilarité, Monsieur est votre protecteur! Cet homme dont le crédit est si puissant, dont les promesses valent des actes, c'est M. Malicorne?

Malicorne salua.

Quant à Montalais, pour toute réponse elle tira le brevet de sa poche, et le montrant à la vieille dame:

– Voici le brevet, dit-elle.

Pour le coup, tout fut fini. Dès qu'elle eut parcouru du regard le bienheureux parchemin, la bonne dame joignit les mains, une expression indicible d'envie et de désespoir contracta son visage, et elle fut obligée de s'asseoir pour ne point s'évanouir.

Montalais n'était point assez méchante pour se réjouir outre mesure de sa victoire et accabler l'ennemi vaincu, surtout lorsque cet ennemi c'était la mère de son amie; elle usa donc, mais n'abusa point du triomphe.

Malicorne fut moins généreux; il prit des poses nobles sur son fauteuil et s'étendit avec une familiarité qui, deux heures plus tôt, lui eût attiré la menace du bâton.

– Dame d'honneur de la jeune Madame! répétait Mme de Saint-Remy, encore mal convaincue.

– Oui, madame, et par la protection de M. Malicorne, encore.

– C'est incroyable! répétait la vieille dame; n'est-ce pas, Louise, que c'est incroyable?

Mais Louise ne répondit pas; elle était inclinée, rêveuse, presque affligée; une main sur son beau front, elle soupirait.

– Enfin, monsieur, dit tout à coup Mme de Saint-Remy, comment avez vous fait pour obtenir cette charge?

– Je l'ai demandée madame.

– À qui?

– À un de mes amis.

– Et vous avez des amis assez bien en cour pour vous donner de pareilles preuves de crédit?

– Dame! il paraît.

– Et peut-on savoir le nom de ces amis?

– Je n'ai pas dit que j'eusse plusieurs amis madame, j'ai dit un ami.

– Et cet ami s'appelle?

– Peste! madame, comme vous y allez! Quand on a un ami aussi puissant que le mien, on ne le produit pas comme cela au grand jour pour qu'on vous le vole.

– Vous avez raison, monsieur, de taire le nom de cet ami car je crois qu'il vous serait difficile de le dire.

– En tout cas, dit Montalais, si l'ami n'existe pas, le brevet existe, et voilà qui tranche la question.

– Alors je conçois, dit Mme de Saint-Remy avec le sourire gracieux du chat qui va griffer, quand j'ai trouvé Monsieur chez vous tout à l'heure…

– Eh bien?

– Il vous apportait votre brevet.

– Justement, madame, vous avez deviné.

– Mais c'était on ne peut plus moral, alors.

– Je le crois, madame.

– Et j'ai eu tort, à ce qu'il paraît, de vous faire des reproches, mademoiselle.

– Très grand tort, madame; mais je suis tellement habituée à vos reproches, que je vous les pardonne.

– En ce cas, allons-nous-en, Louise; nous n'avons plus qu'à nous retirer. Eh bien?

– Madame! fit La Vallière en tressaillant, vous dites?

– Tu n'écoutais pas, à ce qu'il paraît, mon enfant?

– Non, madame, je pensais.

– Et à quoi?

– À mille choses.

– Tu ne m'en veux pas au moins, Louise? s'écria Montalais lui pressant la main.

– Et de quoi t'en voudrais-je, ma chère Aure? répondit la jeune fille avec sa voix douce comme une musique.

– Dame! reprit Mme de Saint-Remy, quand elle vous en voudrait un peu, pauvre enfant! elle n'aurait pas tout à fait tort.

– Et pourquoi m'en voudrait-elle, bon Dieu?

– Il me semble qu'elle est d'aussi bonne famille et aussi jolie que vous.

– Ma mère! s'écria Louise.

– Plus jolie cent fois, madame; de meilleure famille, non; mais cela ne me dit point pourquoi Louise doit m'en vouloir.

– Croyez-vous donc que ce soit amusant pour elle de s'enterrer à Blois quand vous allez briller à Paris?

– Mais, madame, ce n'est point moi qui empêche Louise de m'y suivre, à Paris; au contraire, je serais certes bien heureuse qu'elle y vînt.

– Mais il me semble que M. Malicorne, qui est tout-puissant à la cour…

– Ah! tant pis, madame, fit Malicorne, chacun pour soi en ce pauvre monde.

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