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Bussy entendit alors des pas rapides dans le corridor, et se crut pris entre deux feux. Il s'élança vers la porte pour en pousser les verrous; mais, avant qu'il l'eût atteinte, elle s'ouvrit.

Le jeune homme fit un pas en arrière pour se mettre en défense à la fois contre ses anciens et contre ses nouveaux ennemis.

Deux hommes se précipitèrent par cette porte.

– Ah! cher maître! cria une voix bien connue, arrivons-nous à temps?

– Remy! dit le comte.

– Et moi! cria une seconde voix; il paraît que l'on assassine ici?

Bussy reconnut cette voix, et poussa un rugissement de joie.

– Saint-Luc! dit-il.

– Moi-même.

– Ah! ah! dit Bussy, je crois maintenant, cher monsieur de Monsoreau, que vous ferez bien de nous laisser passer, car maintenant, si vous ne vous rangez pas, nous passerons sur vous.

– Trois hommes à moi! cria Monsoreau.

Et l'on vit trois nouveaux assaillants apparaître au-dessus de la balustrade.

– Ah çà, mais ils ont donc une armée? dit Saint-Luc.

– Mon Dieu, Seigneur, protégez-le! priait Diane.

– Infâme! cria Monsoreau.

Et il s'avança pour frapper Diane.

Bussy vit le mouvement. Agile comme un tigre, il sauta d'un bond par-dessus le retranchement; son épée rencontra celle de Monsoreau, puis il se fendit, et le toucha à la gorge; mais la distance était trop grande: il en fut quitte pour une écorchure.

Cinq ou six hommes fondirent à la fois sur Bussy.

Un de ces hommes tomba sous l'épée de Saint-Luc.

– En avant! cria Remy.

– Non pas en avant, dit Bussy; au contraire, Remy, prends et emporte Diane.

Monsoreau poussa un rugissement, et arracha un pistolet des mains d'un des nouveaux venus.

Remy hésitait.

– Mais vous? dit-il.

– Enlève! enlève! cria Bussy. Je te la confie.

– Mon Dieu! murmura Diane, mon Dieu! secourez-le!

– Venez, madame, dit Remy.

– Jamais; non, jamais je ne l'abandonnerai!

Remy l'enleva entre ses bras.

– Bussy, cria Diane; Bussy, à moi! au secours!

La pauvre femme était folle, elle ne distinguait plus ses amis de ses ennemis; tout ce qui l'écartait de Bussy lui était fatal et mortel.

– Va, va, dit Bussy; je te rejoins.

– Oui, hurla Monsoreau; oui, tu la rejoindras, je l'espère.

Bussy vit le Haudouin osciller, puis s'affaisser sur lui-même, et presque aussitôt tomber en entraînant Diane.

Bussy jeta un cri, et se retournant:

– Ce n'est rien, maître, dit Remy; c'est moi qui ai reçu la balle; elle est sauve.

Trois hommes se jetèrent sur Bussy; au moment où il se retournait, Saint-Luc passa entre Bussy et les trois hommes; un des trois tomba.

Les deux autres reculèrent.

– Saint-Luc, dit Bussy; Saint-Luc, par celle que tu aimes, sauve Diane!

– Mais toi?

– Moi, je suis un homme.

Saint-Luc s'élança vers Diane, déjà relevée sur ses genoux, la prit entre ses bras et disparut avec elle par la porte.

– À moi! cria Monsoreau, à moi, ceux de l'escalier!

– Ah! scélérat! cria Bussy. Ah! lâche!

Monsoreau se retira derrière ses hommes.

Bussy tira un revers et poussa un coup de pointe; du premier, il fendit une tête par la tempe; du second, il troua une poitrine.

– Cela déblaye, dit-il.

Puis il revint dans son retranchement.

– Fuyez, maître, fuyez! murmura Remy.

– Moi! fuir… fuir devant des assassins!

Puis, se penchant vers le jeune homme:

– Il faut que Diane se sauve, lui dit-il; mais toi, qu'as-tu?

– Prenez garde! dit Remy, prenez garde!

En effet, quatre hommes venaient de s'élancer par la porte de l'escalier. Bussy se trouvait pris entre deux troupes.

Mais il n'eut qu'une pensée.

– Et Diane! cria-t-il, Diane!

Alors, sans perdre une seconde, il s'élança sur ces quatre hommes; pris au dépourvu, deux tombèrent, un blessé, un mort.

Puis, comme Monsoreau avançait, il fit un pas de retraite, et se trouva derrière son rempart.

– Poussez les verrous, cria Monsoreau, tournez la clef, nous le tenons, nous le tenons!

Pendant ce temps, par un dernier effort, Remy s'était traîné jusque devant Bussy; il venait ajouter son corps à la masse du retranchement.

Il y eut une pause d'un instant.

Bussy, les jambes fléchies, le corps collé à la muraille, le bras plié, la pointe en arrêt, jeta un rapide regard autour de lui.

Sept hommes étaient couchés à terre, neuf restaient debout.

Bussy les compta des yeux.

Mais, en voyant reluire neuf épées, en entendant Monsoreau encourager ses hommes, en sentant ses pieds clapoter dans le sang, ce vaillant, qui n'avait jamais connu la peur, vit comme l'image de la mort se dresser au fond de la chambre et l'appeler avec son morne sourire.

– Sur neuf, dit-il, j'en tuerai bien cinq encore; mais les quatre autres me tueront. Il me reste des forces pour dix minutes de combat; eh bien, faisons, pendant les dix minutes, ce que jamais homme ne fit ni ne fera.

Alors, détachant son manteau, dont il enveloppa son bras gauche comme d'un bouclier, il fit un bond jusqu'au milieu de la chambre, comme s'il eût été indigne de sa renommée de combattre plus longtemps à couvert.

Là, il rencontra un fouillis dans lequel son épée glissa comme une vipère dans sa couvée; trois fois il vit jour et allongea le bras dans ce jour; trois fois il entendit crier le cuir des baudriers ou le buffle des justaucorps, et trois fois un filet de sang tiède coula jusque sur sa main droite par la rainure de la lame.

Pendant ce temps, il avait paré vingt coups de taille ou de pointe avec son bras gauche. Le manteau était haché.

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