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– Et vous, monsieur de Bussy, dit Monsoreau, vous qui venez avec Son Altesse, recevez tous mes remercîments, car c'est presque à vous que je dois la vie.

– Comment! à moi! balbutia le jeune homme, croyant que le comte le raillait.

– Sans doute, indirectement, c'est vrai; mais ma reconnaissance n'est pas moindre, car voici mon sauveur, ajouta-t-il en montrant Remy qui levait des bras désespérés au ciel, et qui eût voulu se cacher dans les entrailles de la terre; c'est à lui que mes amis doivent de me posséder encore.

Et, malgré les signes que lui faisait le pauvre docteur pour qu'il gardât le silence, et que lui prenait pour des recommandations hygiéniques, il raconta emphatiquement les soins, l'adresse, l'empressement dont le Haudoin avait fait preuve envers lui.

Le duc fronça le sourcil; Bussy regarda Remy avec une expression effrayante.

Le pauvre garçon, caché derrière Monsoreau, se contenta de répliquer par un geste qui voulait dire:

– Hélas! ce n'est point ma faute.

– Au reste, continua le comte, j'ai appris que Remy vous a trouvé un jour mourant comme il m'a trouvé moi-même. C'est un lien d'amitié entre nous; comptez sur la mienne, monsieur de Bussy: quand Monsoreau aime, il aime bien; il est vrai que, lorsqu'il hait, c'est comme lorsqu'il aime, c'est de tout son cœur.

Bussy crut remarquer que l'éclair qui avait un instant brillé en prononçant ces paroles dans l'œil fiévreux du comte était à l'adresse de M. le duc d'Anjou. Le duc ne vit rien.

– Allons donc! dit-il en descendant de cheval et en offrant la main à Diane. Veuillez, belle Diane, nous faire les honneurs de ce logis, que nous comptions trouver en deuil, et qui continue au contraire à être un séjour de bénédictions et de joie. Quant à vous, Monsoreau, reposez-vous; le repos sied aux blessés.

– Monseigneur, dit le comte, il ne sera pas dit que vous viendrez chez Monsoreau vivant, et que, tant que Monsoreau vivra, un autre fera à Votre Altesse les honneurs de son logis; mes gens me porteront, et, partout où vous irez, j'irai.

Pour le coup, on eût cru que le duc démêlait la véritable pensée du comte, car il quitta la main de Diane.

Dès lors Monsoreau respira.

– Approchez d'elle, dit tout bas Remy à l'oreille de Bussy.

Bussy s'approcha de Diane, et Monsoreau leur sourit, Bussy prit la main de Diane, et Monsoreau lui sourit encore.

– Voilà bien du changement, monsieur le comte, dit Diane à demi-voix.

– Hélas! murmura Bussy, que n'est-il plus grand encore!

Il va sans dire que le baron déploya, à l'égard du prince et des gentilshommes qui l'accompagnaient, tout le faste de sa patriarcale hospitalité.

XI Du désagrément des litières trop larges et des portes trop étroites.

Bussy ne quittait point Diane; le sourire bienveillant de Monsoreau lui donnait une liberté dont il se fût bien gardé de ne point user. Les jaloux ont ce privilège qu'ayant rudement fait la guerre pour conserver leur bien ils ne sont point épargnés, quand une fois les braconniers ont mis le pied sur leurs terres.

– Madame, disait Bussy à Diane, je suis en vérité le plus misérable des hommes. Sur la nouvelle de sa mort, j'ai conseillé au prince de retourner à Paris et de s'accommoder avec sa mère; il a consenti, et voilà que vous restez en Anjou.

– Oh! Louis, répondit la jeune femme en serrant du bout de ses doigts effilés la main de Bussy, osez-vous dire que nous sommes malheureux? Tant de beaux jours, tant de joies ineffables dont le souvenir passe comme un frisson sur mon cœur, vous les oubliez donc, vous?

– Je n'oublie rien, madame; au contraire, je me souviens trop, et voilà pourquoi, pendant ce bonheur, je me trouve si fort à plaindre. Comprenez-vous ce que je vais souffrir, madame, s'il faut que je retourne à Paris, à cent lieues de vous! Mon cœur se brise, Diane, et je me sens lâche.

Diane regarda Bussy; tant de douleur éclatait dans ses yeux, qu'elle baissa la tête et qu'elle se prit à réfléchir.

Le jeune homme attendit un instant, le regard suppliant et les mains jointes.

– Eh bien! dit tout à coup Diane, vous irez à Paris, Louis, et moi aussi.

– Comment! s'écria le jeune homme, vous quitteriez M. de Monsoreau?

– Je le quitterais, répondit Diane, que lui ne me quitterait pas; non, croyez-moi, Louis, mieux vaut qu'il vienne avec nous.

– Blessé, malade comme il est, impossible!

– Il viendra, vous dis-je.

Et aussitôt, quittant le bras de Bussy, elle se rapprocha du prince, lequel répondait de fort mauvaise humeur à Monsoreau, dont Ribérac, Antraguet et Livarot entouraient la litière.

À l'aspect de Diane, le front du comte se rasséréna; mais cet instant de calme ne fut pas de longue durée, il passa comme passe un rayon de soleil entre deux orages.

Diane s'approcha du duc, et le comte fronça le sourcil.

– Monseigneur, dit-elle avec un charmant sourire, on dit Votre Altesse passionnée pour les fleurs. Venez, je veux montrer à Votre Altesse les plus belles fleurs de tout l'Anjou.

François lui offrit galamment la main.

– Où conduisez-vous donc monseigneur, madame? demanda Monsoreau inquiet.

– Dans la serre, monsieur.

– Ah! fit Monsoreau. Eh bien! soit, portez-moi dans la serre.

– Ma foi, se dit Remy, je crois maintenant que j'ai bien fait de ne pas le tuer; Dieu merci! il se tuera bien tout seul.

Diane sourit à Bussy d'une façon qui promettait merveilles.

– Que M. de Monsoreau, lui dit-elle tout bas, ne se doute pas que vous quittez l'Anjou, et je me charge du reste.

– Bien! fit Bussy.

Et il s'approcha du prince, tandis que la litière du Monsoreau tournait derrière un massif.

– Monseigneur, dit-il, pas d'indiscrétion surtout; que le Monsoreau ne sache pas que nous sommes sur le point de nous accommoder.

– Pourquoi cela?

– Parce qu'il pourrait prévenir la reine-mère de nos intentions pour s'en faire une amie, et que, sachant la résolution prise, madame Catherine pourrait bien être moins disposée à nous faire des largesses.

– Tu as raison, dit le duc. Tu t'en défies donc?

– Du Monsoreau? parbleu!

– Eh bien! moi aussi; je crois, en vérité, qu'il a fait exprès le mort.

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