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– Et si c'est un assassinat, que diable…

– Eh bien?

– Il est permis de prévenir un assassinat par…

– Par?…

– Par… un meurtre.

– Sans doute.

– Qui m'empêche, puisqu'il veut me tuer, de le tuer auparavant? moi!

– Oh! mon Dieu! rien du tout, et j'y songeais même.

– Est-ce que mon raisonnement n'est pas clair?

– Clair comme le jour.

– Naturel?

– Très naturel!

– Seulement, au lieu de le tuer cruellement de mes mains, comme il veut le faire à mon égard, eh bien, moi qui abhorre le sang, je laisserai ce soin à quelque autre.

– C'est-à-dire que vous payerez des sbires?

– Ma foi, oui! comme M. de Guise, M. de Mayenne, pour Saint-Mégrin.

– Cela vous coûtera cher.

– J'y mettrai trois mille écus.

– Pour trois mille écus, quand vos sbires sauront à qui ils ont affaire, vous n'aurez guère que six hommes.

– N'est-ce point assez donc?

– Six hommes! M. de Bussy en aura tué quatre avant d'être seulement effleuré. Rappelez-vous l'échauffourée de la rue Saint-Antoine, dans laquelle il a blessé Schomberg à la cuisse, vous au bras, et presque assommé Quélus.

– Je mettrai six mille écus, s'il le faut, dit d'Épernon. Mordieu! si je fais la chose, je veux la bien faire, et qu'il n'en réchappe pas.

– Vous avez votre monde? dit Aurilly.

– Dame! répliqua d'Épernon, j'ai ça et là des gens inoccupés, des soldats en retraite, des braves, après tout, qui valent bien ceux de Venise et de Florence.

– Très bien, très bien! Mais prenez garde.

– À quoi?

– S'ils échouent, ils vous dénonceront.

– J'ai le roi pour moi.

– C'est quelque chose; mais le roi ne peut vous empêcher d'être tué par M. de Bussy.

– Voilà qui est juste, et parfaitement juste, dit d'Épernon rêveur.

– Je vous indiquerais bien une combinaison, dit Aurilly.

– Parle, mon ami, parle.

– Mais, vous ne voudriez peut-être pas faire cause commune?

– Je ne répugnerais à rien de ce qui doublerait mes chances de me défaire de ce chien enragé.

– Eh bien, certain ennemi de votre ennemi est jaloux.

– Ah! ah!

– De sorte qu'à cette heure même…

– Eh bien, à cette heure même… achève donc!

– Il lui tend un piège.

– Après?

– Mais il manque d'argent; avec les six mille écus, il ferait votre affaire en même temps que la sienne. Vous ne tenez point à ce que l'honneur du coup vous revienne, n'est-ce pas?

– Mon Dieu, non! je ne demande autre chose, moi, que de demeurer dans l'obscurité.

– Envoyez donc vos hommes au rendez-vous, sans vous faire connaître, et il les utilisera.

– Mais encore faudrait-il, si mes hommes ne me connaissent pas, que je connusse cet homme, moi.

– Je vous le ferai voir ce matin.

– Où cela?

– Au Louvre.

– C'est donc un gentilhomme?

– Oui.

– Aurilly, séance tenante, les six mille écus seront à ta disposition.

– C'est donc arrêté ainsi?

– Irrévocablement.

– Au Louvre donc!

– Au Louvre.

Nous avons vu, dans le chapitre précédent, comment Aurilly dit à d'Épernon:

– Soyez tranquille, M. de Bussy ne se battra pas avec vous demain!

XXVIII La procession.

Aussitôt la collation finie, le roi était rentré dans sa chambre avec Chicot, pour y prendre ses habits de pénitent, et il en était sorti, un instant après, les pieds nus, les reins ceints d'une corde, et le capuchon rabattu sur le visage.

Pendant ce temps, les courtisans avaient fait la même toilette.

Le temps était magnifique, le pavé jonché de fleurs; on parlait de reposoirs plus splendides les uns que les autres, et surtout de celui que les génovéfains avaient dressé dans la crypte de la chapelle.

Un peuple immense bordait le chemin qui conduisait aux quatre stations que devait faire le roi, et qui étaient aux jacobins, aux carmes, aux capucins et aux génovéfains.

Le clergé de Saint-Germain-l'Auxerrois ouvrait la marche. L'archevêque de Paris portait le Saint-Sacrement. Entre le clergé et l'archevêque, marchaient à reculons de jeunes garçons qui secouaient les encensoirs, et de jeunes filles qui effeuillaient des roses.

Puis venait le roi, les pieds nus, comme nous avons dit, et suivi de ses quatre amis, les pieds nus comme lui et enfroqués comme lui.

Le duc d'Anjou suivait, mais dans son costume ordinaire; toute sa cour angevine l'accompagnait, mêlée aux grands dignitaires de la couronne, qui marchaient à la suite du prince, chacun gardant le rang que l'étiquette lui assignait.

Puis enfin venaient les bourgeois et le peuple.

Il était déjà plus d'une heure de l'après-midi lorsqu'on quitta le Louvre. Crillon et les gardes françaises voulaient suivre le roi. Mais celui-ci leur fit signe que c'était inutile, et Crillon et les gardes demeurèrent pour garder le palais.

Il était près de six heures du soir quand, après avoir fait ses stations aux différents reposoirs, la tête du cortège commença d'apercevoir le porche dentelé de la vieille abbaye, et les génovéfains, le prieur en tête, disposés sur les trois marches, qui formaient le seuil, pour recevoir Sa Majesté.

Pendant la marche qui séparait l'abbaye de la dernière station, qui était celle que l'on avait faite au couvent des capucins, le duc d'Anjou, qui était sur pied depuis le matin, s'était trouvé mal de fatigue: il avait alors demandé au roi la permission de se retirer dans son hôtel, permission que le roi lui avait accordée.

Ses gentilshommes s'étaient alors détachés du cortège et s'étaient retirés avec lui, comme pour indiquer bien hautement que c'était le duc qu'ils suivaient et non le roi.

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