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– Eh bien! je vais au château chercher du renfort.

– Et moi; que faut-il que je fasse pendant ce temps?

– Tenez-vous tranquille, ne bougez pas, respirez fort doucement; tâchez de ne pas tousser, ne dérangeons pas ce précieux caillot. Quelle est la maison la plus voisine?

– Le château de Méridor.

– Quel est le chemin? demanda Remy, affectant la plus parfaite ignorance.

– Ou enjambez la muraille, et vous vous trouverez dans le parc; ou suivez le mur du parc, et vous trouverez la grille.

– Bien, j'y cours.

– Merci, homme généreux! s'écria Monsoreau.

– Si tu savais, en effet, à quel point je le suis, balbutia Remy, tu me remercierais bien davantage.

Et, remontant sur son cheval, il se lança au galop dans la direction indiquée.

Au bout de cinq minutes, il arriva au château, dont tous les habitants, empressés et remuants comme des fourmis dont on a forcé la demeure, cherchaient dans les fourrés, dans les retraits, dans les dépendances, sans pouvoir trouver la place où gisait le corps de leur maître: attendu que Saint-Luc, pour gagner du temps, avait donné une fausse adresse.

Remy tomba comme un météore au milieu d'eux et les entraîna sur ses pas. Il mettait tant d'ardeur dans ses recommandations, que madame de Monsoreau ne put s'empêcher de le regarder avec surprise.

Une pensée bien secrète, bien voilée, apparut à son esprit, et, dans une seconde, elle ternit l'angélique pureté de cette âme.

– Ah! je le croyais l'ami de M. de Bussy, murmura-t-elle, tandis que Remy s'éloignait emportant civière, charpie, eau fraîche, enfin toutes les choses nécessaires au pansement.

Esculape lui-même n'eût pas fait plus avec ses ailes de divinité.

X Comment le duc d'Anjou alla à Méridor pour faire à madame de Monsoreau des compliments sur la mort de son mari, et comment il trouva M. de Monsoreau qui venait au-devant de lui.

Aussitôt l'entretien rompu entre le duc d'Anjou et sa mère, le premier s'était empressé d'aller trouver Bussy pour connaître la cause de cet incroyable changement qui s'était fait en lui.

Bussy, rentré chez lui, lisait pour la cinquième fois la lettre de Saint-Luc, dont chaque ligne lui offrait des sens de plus en plus agréables.

De son côté, Catherine, retirée chez elle, faisait venir ses gens, et commandait ses équipages pour un départ qu'elle croyait pouvoir fixer au lendemain ou au surlendemain au plus tard.

Bussy reçut le prince avec un charmant sourire.

– Comment! monseigneur, dit-il, Votre Altesse daigne prendre la peine de passer chez moi?

– Oui, mordieu! dit le duc, et je viens te demander une explication.

– À moi?

– Oui, à toi.

– J'écoute, monseigneur.

– Comment! s'écria le duc, tu me commandes de m'armer de pied en cap contre les suggestions de ma mère, et de soutenir vaillamment le choc; je le fais, et, au plus fort de la lutte, quand tous les coups se sont émoussés sur moi, tu viens me dire: «Ôtez votre cuirasse, monseigneur; ôtez-la.»

– Je vous avais fait toutes ces recommandations, monseigneur, parce que j'ignorais dans quel but était venue madame Catherine. Mais maintenant que je vois qu'elle est venue pour la plus grande gloire et pour la plus grande fortune de Votre Altesse…

– Comment! fit le duc, pour ma plus grande gloire et pour ma plus grande fortune; comment comprends-tu donc cela?

– Sans doute, reprit Bussy; que veut Votre Altesse, voyons? Triompher de ses ennemis, n'est-ce pas? car je ne pense point, comme l'avancent certaines personnes, que vous songiez à devenir roi de France.

Le duc regarda sournoisement Bussy.

– Quelques-uns vous le conseilleront peut-être, monseigneur, dit le jeune homme; mais ceux-là, croyez-le bien, ce sont vos plus cruels ennemis; puis, s'ils sont trop tenaces, si vous ne savez comment vous en débarrasser, envoyez-les-moi: je les convaincrai qu'ils se trompent.

Le duc fit la grimace.

– D'ailleurs, continua Bussy, examinez-vous, monseigneur, sondez vos reins, comme dit la Bible; avez-vous cent mille hommes, dix millions de livres, des alliances à l'étranger; et puis, enfin, voulez-vous aller contre votre seigneur?

– Monseigneur ne s'est pas gêné d'aller contre moi, dit le duc.

– Ah! si vous le prenez sur ce pied-là, vous avez raison; déclarez-vous, faites-vous couronner et prenez le titre de roi de France, je ne demande pas mieux que de vous voir grandir, puisque, si vous grandissez, je grandirai avec vous.

– Qui te parle d'être roi de France? repartit aigrement le duc; tu discutes là une question que jamais je n'ai proposé à personne de résoudre, pas même à moi.

– Alors tout est dit, monseigneur, et il n'y a plus de discussion entre nous, puisque nous sommes d'accord sur le point principal.

– Nous sommes d'accord?

– Cela me semble, au moins. Faites-vous donc donner une compagnie de gardes, cinq cent mille livres. Demandez, avant que la paix soit signée, un subside à l'Anjou pour faire la guerre. Une fois que vous le tiendrez, vous le garderez; cela n'engage à rien. De cette façon, nous aurons des hommes, de l'argent, de la puissance, et nous irons… Dieu sait où!

– Mais, une fois à Paris, une fois qu'ils m'auront repris, une fois qu'ils me tiendront, ils se moqueront de moi, dit le duc.

– Allons donc! monseigneur, vous n'y pensez pas. Eux, se moquer de vous! N'avez-vous pas entendu ce que vous offre la reine-mère?

– Elle m'a offert bien des choses.

– Je comprends, cela vous inquiète?

– Oui.

– Mais, entre autres choses, elle vous a offert une compagnie de gardes, cette compagnie fût-elle commandée par Bussy.

– Sans doute elle a offert cela.

– Eh bien! acceptez, c'est moi qui vous le dis; nommez Bussy votre capitaine; nommez Antraguet et Livarot vos lieutenants; nommez Ribérac enseigne. Laissez-nous à nous quatre composer cette compagnie comme nous l'entendrons; puis vous verrez, avec cette escorte à vos talons, si quelqu'un se moque de vous, et ne vous salue pas quand vous passerez, même le roi.

– Ma foi, dit le duc, je crois que tu as raison, Bussy, j'y songerai.

– Songez-y, monseigneur.

– Oui; mais que lisais-tu là si attentivement, quand je suis arrivé?

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