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– Mon fils, dit-elle enfin, ce sont toutes paroles de paix que je vous apporte, vous avez parfaitement raison.

– J'écoute, ma mère, dit François, vous savez avec quel respect; je crois que nous commençons à nous entendre.

VIII Les petites causes et les grands effets.

Catherine avait eu, dans cette première partie de l'entretien, un désavantage visible. Ce genre d'échecs était si peu prévu, et surtout si inaccoutumé, qu'elle se demandait si son fils était aussi décidé dans ses refus qu'il le paraissait, quand un tout petit événement changea tout à coup la face des choses.

On a vu des batailles aux trois quarts perdues être gagnées par un changement de vent, et vice versa ; Marengo et Waterloo en sont un double exemple. Un grain de sable change l'allure des plus puissantes machines.

Bussy était, comme nous l'avons vu, dans un couloir secret, aboutissant à l'alcôve de M. le duc d'Anjou, placé de façon à n'être vu que du prince; de sa cachette, il passait la tête par une fente de la tapisserie aux moments qu'il croyait les plus dangereux pour sa cause.

Sa cause, comme on le comprend, était la guerre à tout prix: il fallait se maintenir en Anjou tant que Monsoreau y serait, surveiller ainsi le mari et visiter la femme.

Cette politique, extrêmement simple, compliquait cependant au plus haut degré toute la politique de France; aux grands effets les petites causes.

Voilà pourquoi, avec force clins d'yeux, avec des mines furibondes, avec des gestes de tranche-montagne, avec des jeux de sourcils effrayants enfin, Bussy poussait son maître à la férocité. Le duc, qui avait peur de Bussy, se laissait pousser, et on l'a vu effectivement on ne peut plus féroce.

Catherine était donc battue sur tous les points et ne songeait plus qu'à faire, une retraite honorable, lorsqu'un petit événement, presque aussi inattendu que l'entêtement de M. le duc d'Anjou, vint à sa rescousse.

Tout à coup, au plus vif de la conversation de la mère et du fils, au plus fort de la résistance de M. le duc d'Anjou, Bussy se sentit tirer par le bas de son manteau. Curieux de ne rien perdre de la conversation, il porta, sans se retourner, la main à l'endroit sollicité, et trouva un poignet; en remontant le long de ce poignet, il trouva un bras, et après le bras une épaule, et après l'épaule un homme.

Voyant alors que la chose en valait la peine, il se retourna.

L'homme était Remy.

Bussy voulait parler, mais Remy posa un doigt sur sa bouche, puis il attira doucement son maître dans la chambre voisine.

– Qu'y a-t-il donc, Remy? demanda le comte très impatient, et pourquoi me dérange-t-on dans un pareil moment?

– Une lettre, dit tout bas Remy.

– Que le diable t'emporte! pour une lettre, tu me tires d'une conversation aussi importante que celle que je faisais avec monseigneur le duc d'Anjou!

Remy ne parut aucunement désarçonné par cette boutade.

– Il y a lettre et lettre, dit-il.

– Sans doute, pensa Bussy; d'où vient cela?

– De Méridor.

– Oh! fit vivement Bussy, de Méridor! Merci, mon bon Remy, merci!

– Je n'ai donc plus tort?

– Est-ce que tu peux jamais avoir tort? Où est cette lettre?

– Ah! voilà ce qui m'a fait juger qu'elle était de la plus haute importance, c'est que le messager ne veut la remettre qu'à vous seul.

– Il a raison. Est-il là?

– Oui.

– Amène-le.

Remy ouvrit une porte et fit signe à une espèce de palefrenier de venir à lui.

– Voici M. de Bussy, dit-il en montrant le comte.

– Donne; je suis celui que tu demandes, dit Bussy.

Et il lui mit une demi-pistole dans la main.

– Oh! je vous connais bien, dit le palefrenier en lui tendant la lettre.

– Et c'est elle qui te l'a remise!

– Non, pas elle, lui.

– Qui, lui? demanda vivement Bussy en regardant l'écriture.

– M. de Saint-Luc!

– Ah! ah!

Bussy avait pâli légèrement; car, à ce mot: lui, il avait cru qu'il était question du mari et non de la femme, et M. de Monsoreau avait le privilège de faire pâlir Bussy chaque fois que Bussy pensait à lui.

Bussy se retourna pour lire, et, pour cacher en lisant cette émotion que tout individu doit craindre de manifester quand il reçoit une lettre importante, et qu'il n'est pas César Borgia, Machiavel, Catherine de Médicis ou le diable.

Il avait eu raison de se retourner, le pauvre Bussy, car à peine eût-il parcouru la lettre que nous connaissons, que le sang lui monta au cerveau et battit ses yeux en furie: de sorte que, de pâle qu'il était, il devint pourpre, resta un instant étourdi, et, sentant qu'il allait tomber, fut forcé de se laisser aller sur un fauteuil près de la fenêtre.

– Va-t'en, dit Remy au palefrenier abasourdi de l'effet qu'avait produit la lettre qu'il apportait.

Et il le poussa par les épaules.

Le palefrenier s'enfuit vivement; il croyait la nouvelle mauvaise, et il avait peur qu'on ne lui reprît sa demi-pistole.

Remy revint au comte, et le secouant par le bras:

– Mordieu! s'écria-t-il, répondez-moi à l'instant même; ou, par saint Esculape, je vous saigne des quatre membres.

Bussy se releva; il n'était plus rouge, il n'était plus étourdi, il était sombre.

– Vois, dit-il, ce que Saint-Luc a fait pour moi.

Et il tendit la lettre à Remy. Remy lut avidement.

– Eh bien, dit-il, il me semble que tout ceci est fort beau, et M. de Saint-Luc est un galant homme. Vivent les gens d'esprit pour expédier une âme en purgatoire; ils ne s'y reprennent pas à deux fois.

– C'est incroyable! balbutia Bussy.

– Certainement, c'est incroyable; mais cela n'y fait rien. Voici notre position changée du tout au tout. J'aurai, dans neuf mois, une comtesse de Bussy pour cliente. Mordieu! ne craignez rien, j'accouche comme Ambroise Paré.

– Oui, dit Bussy, elle sera ma femme.

– Il me semble, répondit Remy, qu'il n'y aura pas grand'chose à faire pour cela, et qu'elle l'était déjà plus qu'elle n'était celle de son mari.

– Monsoreau mort!

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