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Il le trouva à la caserne, attendant impatiemment l’ordre de Mabel qui allait le mettre à la disposition de Jacques.

Il fut stupéfait de le voir pénétrer au quartier avec Frédéric et l’entraîna dans une salle.

– Que se passe-t-il?

– Vous ne savez pas ce qu’est devenu le général Mabel?

– Non!

– Moi non plus! Mais je viens de dire à tout le monde que je le quittais à l’instant. Voici l’ordre du président de l’Assemblée nationale qui lui ordonne d’assurer la sécurité des représentants du peuple. La Chambre et le Sénat ont, usant de leurs prérogatives constitutionnelles, décidé de réviser la Constitution. Si Mabel était là, il vous dirait, car la chose était entendue avec lui, de réunir vos hommes et de les conduire dans la cour du château pour vous mettre à la disposition du président de l’Assemblée nationale. Voulez-vous imaginer que vous avez vu Mabel et obéir ainsi à la loi? Dans une demi-heure, je serai nommé chef du gouvernement provisoire et je vous couvrirai, quoi qu’il arrive!

– Commandant, répondit Daniel, ma vie vous appartient! Les deux hommes se jetèrent dans les bras l’un de l’autre.

– Merci Daniel! Si vous ne m’aviez pas suivi, je n’avais plus qu’à me suicider! Faites sonner! Et au château, rapidement.

Daniel donna des ordres.

La caserne s’emplit aussitôt d’un remue-ménage guerrier.

– Ce n’est pas tout, fit Jacques à son camarade, si vous voulez me servir jusqu’au bout, vous téléphonerez aux chefs des différents corps que vous avez l’ordre de Mabel de rallier la place d’Armes et le château et que vous êtes chargé de leur transmettre cet ordre, auquel ils doivent obéir sur-le-champ.

– Compris! Tout ce que vous voudrez! Supérieurs et inférieurs sont aussi impatients d’agir que moi! Nous ne risquons rien avec eux, du moment qu’ils sont couverts par le décret du président de l’Assemblée nationale… Ah! pourquoi le général Mabel n’est-il pas là?

– Pas de vaines récriminations! Agissons!

Daniel courut au téléphone. Il en revint presque aussitôt.

– Le colonel Brasin marche! n’a demandé aucune explication, dit qu’il n’a qu’à obéir! Mais le général Lavigne, s’étonne de n’avoir pas vu Mabel et demande qu’on lui montre un ordre.

– Frédéric! Voilà où vous allez nous être utile! Vous allez passer chez le général Lavigne et lui montrer le décret du président de l’Assemblée nationale! et dans toutes les casernes et à tous les chefs de corps! Dites que vous faites cette tournée sur l’ordre du général Mabel. Je compte sur vous pour les emballer! Quant au général Mabel, il est censé attendre tout le monde au château! Il ne peut quitter en ce moment l’assemblée où il est à l’ordre du président!

– Entendu, commandant! Avec ce papier-là, je les ferai marcher à fond!

– Attendez que je vous donne un dernier ordre, car je ne pourrai plus m’occuper de vous! Quand vous m’amènerez la ligne, voilà ce que vous ferez: vous disposerez un cordon de troupes à une vingtaine de mètres des murs du château. Trois passages, ouverts place d’Armes, permettront aux parlementaires et aux ayants droit d’entrer.

– C’est compris!:

– Frédéric! Il ne faut pas que l’on vienne nous dire plus tard que les parlementaires n’ont pas pu passer! Hein? Vous saisissez?

– Certes!

– Cependant, comme nous sommes déjà de trois quarts d’heure en retard, vous vous arrangerez d’ici une demi-heure pour que personne ne passe plus, mais sans recevoir d’ordre pour cela! Tous ceux qui nous arriveront dans une demi-heure ne vous voudront peut-être pas beaucoup de bien, Frédéric! Je vous dis des choses que je devrais dire au général Mabel.

– Mon commandant! je ferai partout, comme s’il était là! Et je donnerai des ordres en son nom!

– Allez et bonne chance, mon ami!

Cinq minutes plus tard, Jacques était acclamé dans la cour de la caserne par tout le bataillon sous les armes!

Un enthousiasme indescriptible s’emparait de ces hommes à qui il n’avait pas été nécessaire d’expliquer ce que Jacques attendait.

– Camarades! leur cria Jacques, le moment est venu de sauver la France! En avant! suivez vos chefs!

Aussitôt les tambours, les clairons se firent entendre et le bataillon se mit en route vers la place d’Armes où il arriva dans le moment que le colonel Brasin survenait à la tête de son régiment.

L’effet produit fut foudroyant, Jacques paraissait plus que jamais le vrai maître de la situation. Il avait promis des soldats. Il en amenait.

Quand les parlementaires aperçurent les uniformes kakis de la coloniale d’une part et les capotes de la ligne de l’autre, ils ne purent s’empêcher d’applaudir comme des enfants.

Alors, c’était vrai? Ils avaient réussi? Ils étaient la loi et ils étaient la force? Et il ne dépendait plus que d’eux de débarrasser le pays une bonne fois de ces sectaires dont ils avaient la terreur! Ils ne pouvaient pas le croire!

Dans la salle du Congrès, les grands républicains comme Michel, Oudard et Barclef avaient pris enfin leur parti d’aboutir au plus tôt et de risquer le coup même sans le général Mabel dont la disparition était aussi inquiétante et aussi néfaste que celle de Lavobourg.

Et ils avaient imaginé de remplacer le dernier au gouvernement provisoire par Tissier, un vrai républicain, ami de Pagès, qui ne laisserait pas, lui, cambrioler la République, tout en la sauvant. Quand Tissier apprit qu’il allait être nommé, il fut stupéfait.

Au fond, il continuait à se laisser pousser par les autres, ne comprenant toujours rien à ce qui lui arrivait, ne se compromettant par aucune parole inutile et paraissant surtout ennuyé qu’on l’eût réveillé si tôt.

Sur ces entrefaites, Jacques accourut, cria:

– J’amène cinq mille hommes qui sont prêts à mourir pour vous, mon président! et le président fit son entrée avec un cortège dans la salle des séances.

Jacques, au moment où il en franchissait lui-même la porte, ne fut pas peu étonné d’apercevoir, des deux côtés de cette porte, deux magnifiques énormes huissiers à chaînes qui le saluèrent militairement au passage.

Il avait reconnu ses deux fidèles gardiens: Jean-Jean et Polydore. Mais, bien entendu, il ne s’attarda point à leur demander des explications.

Derrière lui, on se précipita. Députés, sénateurs envahissent les gradins. Une lueur blême tombe du vitrage du plafond éclairant d’un jour sinistre tout un groupe de «douteux», de «tard venus» qui ne savent pas encore «s’ils sont de l’affaire» et qui se réservent avec des mines hostiles.

Ils n’ont encore prononcé qu’un mot devant ceux qui les poussent:

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