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La jeune fille s’y appuya légèrement et entra dans le bateau.

– À vous, ma brave dame, dit Nicolas à Mme Séraphin.

Et il lui offrit la main à son tour.

Fut-ce pressentiment, défiance ou seulement crainte de ne pas sauter assez lestement de l’embarcation dans laquelle se trouvaient Nicolas et la Goualeuse lorsqu’elle coulerait à fond, la femme de charge de Jacques Ferrand dit à Nicolas en se reculant:

– Au fait, moi, j’irai dans le bateau de mademoiselle.

Et elle se plaça près de Calebasse.

– À la bonne heure, dit Nicolas en échangeant un coup d’œil expressif avec sa sœur.

Et, du bout de sa rame, il donna une vigoureuse impulsion à son bachot.

Sa sœur l’imita lorsque Mme Séraphin fut à côté d’elle.

Debout, immobile, sur le rivage, indifférente à cette scène, la veuve, pensive et absorbée, attachait obstinément son regard sur la fenêtre de Martial, que l’on distinguait de la grève à travers les peupliers.

Pendant ce temps, les deux bachots, dont le premier portait Fleur-de-Marie et Nicolas, l’autre Mme Séraphin et Calebasse, s’éloignèrent lentement du bord.

Fin de la sixième partie

(1842 – 1843)

[1] Quelques jours après avoir écrit ces lignes, nous relisions le Mémorial de Sainte-Hélène, ce livre immortel qui nous semble un sublime traité de philosophie pratique; nous avons remarqué ce passage, qui nous avait jusqu’alors échappé. «Après un de mes rêves (c’est l’empereur qui parle), nos grands événements de guerre accomplis et soldés, de retour à l’intérieur, en repos et respirant, eût été de chercher une douzaine de vrais bons philanthropes, de ces braves gens ne vivant que pour le bien, n’existant que pour le pratiquer; je les eusse disséminés dans l’empire, qu’ils eussent parcouru en secret pour me rendre compte à moi-même; ils eussent été les «espions de la vertu»; ils seraient venus me trouver directement; ils eussent été mes confesseurs, mes directeurs spirituels, et mes décisions avec eux eussent été mes bonnes œuvres secrètes. Ma grande occupation, lors de mon entier repos, eût été, du sommet de ma puissance, de m’occuper à fond d’améliorer la condition de la société; j’eusse descendu jusqu’aux jouissances individuelles.» (Mémorial, t. V, p. 100, édition de 1824.)

[2] Viens boire de l’eau-de-vie, Nicolas; la vieille donne dans le piège à mort; elle viendra chez la Chouette; la mère Martial nous aidera à lui prendre de force ses pierreries, et après nous emporterons le cadavre dans ton bateau.

[3] Dépêchons-nous.

[4] Mouchard.

[5] Guillotiné

[6] Volé.

[7] Mon couteau.

[8] Cuivre.

[9] Ces effroyables enseignements ne sont malheureusement pas exagérés. Voici ce que nous lisons dans l’excellent rapport de M. de Bretignères sur la colonie pénitentiaire de Mettray (séance du 12 mars 1842): «L’état civil de nos colons est important à constater: parmi eux nous comptons: 32 enfants naturels, 34 dont les père et mère sont remariés, 51 dont les parents sont en prison, 124 dont les parents n’ont pas été l’objet de poursuites de la justice, mais sont plongés dans la plus profonde misère. Ces chiffres sont éloquents et grands d’enseignements; ils permettent de remonter des effets aux causes et donnent l’espoir d’arrêter les progrès d’un mal dont l’origine est ainsi constatée. «Le nombre des parents criminels fait apprécier l’éducation qu’ont dû recevoir les enfants sous la tutelle de semblables guides. Instruits au mal par leurs pères, les fils ont failli sous leurs ordres et ont cru bien faire en suivant leur exemple. Atteints par la justice, ils se résignent à partager dans la prison le destin de leur famille; ils n’y apportent que l’émulation du vice, et il faut vraiment qu’une lueur de la grâce divine existe encore au fond de ces rudes et grossières natures pour que tous germes honnêtes ne soient pas éteints.»

[10] Lames de plomb généralement volées sur les toits.

[11] Débris métalliques recueillis par les ravageurs.

[12] Fer.

[13] Cuivre.

[14] Jolies.

[15] Voleurs.

[16] À la conscience.

[17] Mme de Fermont ayant écrit cette lettre dans son dernier domicile, et ignorant alors où elle irait se loger, avait prié M. d’Orbigny de lui répondre poste restante; mais, faute de passeport pour retirer sa lettre au bureau, elle avait indiqué une de ces adresses d’initiales qu’il suffit de désigner pour qu’on vous remette la lettre qui porte cette suscription.

[18] Le lecteur se souvient peut-être que, dans le récit de ses premières années qu’elle a fait à Rodolphe lors de son entretien avec lui chez l’ogresse, la Goualeuse lui avait parlé de Rigolette, qui, enfant vagabond comme elle, avait été enfermée jusqu’à seize ans dans une maison de détention.

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