Литмир - Электронная Библиотека
A
A

SONIA, arrivant à droite.

Ah ! je suis prête. Mais je ne sais pas comment j’ai mis mon chapeau.

(Elle va vers le chiffonnier et se regarde dans la glace qui le surmonte.)

FIRMIN

Seulement, Monsieur, il n’y a pas de cocher.

GOURNAY-MARTIN

Je conduirai moi-même.

FIRMIN

Il n’y a pas de lanterne non plus.

GERMAINE

Pourvu qu’il y ait un train.

GOURNAY-MARTIN, vivement.

Au revoir, mon bon Jacques, arrivez à l’aube, et tout de suite, réveillez Guerchard… la Préfecture… Je me fie à vous.

GERMAINE, vivement.

Au revoir, Jacques. Si vous pouvez emporter dans la cent-chevaux mes trois cartons à chapeaux…

GOURNAY-MARTIN, vivement.

Il s’agit bien de chapeaux ! Veux-tu venir ! Nous n’arriverons jamais.

GERMAINE, vivement.

Nous avons vingt-cinq minutes.

GOURNAY-MARTIN, vivement.

Oui, mais c’est moi qui conduis.

(Ils sortent.)

GERMAINE, déjà dehors.

Mon écrin ! J’ai oublié mon écrin !

GOURNAY-MARTIN, dans la coulisse.

Il n’y a plus le temps.

GERMAINE, dans la coulisse.

Jacques, sur le chiffonnier… je crois… mon écrin… cherchez-le.

LE DUC, dehors.

Oui, oui, dépêchons.

(La scène reste vide un instant.)

Scène X

LE DUC, puis FIRMIN

LE DUC, rentrant.

Quel chien de temps ! (Il sifflote.) Et il y a encore de fameux éclairs. Voyons… L’écrin… Elle m’a dit : « sur le chiffonnier ». (Il le prend et l’ouvre, stupéfait.) Hein ? Comment ! il est vide ! (Il revient vers la porte.) Germaine ! Ah ! il est trop tard ! Mais ça, par exemple, vide !… Oh ! que je suis bête ! C’est Sonia ou la femme de chambre qui auront emporté les bijoux pour Germaine.

FIRMIN, entrant. Il a un fusil en bandoulière, un ceinturon de garde-chasse, une gourde et un panier de provisions avec une bouteille qui surgit.

Voilà mon fusil, mon picotin et ma gourde de rhum. Avec ça le malandrin peut venir.

LE DUC

Bravo, Firmin.

FIRMIN, résolu.

Le premier qui arrive, je lui tire dessus… Ah mais !…

LE DUC

En attendant, fermez les volets, je vais vous aider.

FIRMIN, allant à la terrasse et fermant les volets avec le duc.

Drôle d’idée tout de même qu’a eue le patron ! Pourquoi qu’il est allé à la gare ?

LE DUC

Probablement pour prendre le train.

FIRMIN

Pas pour Paris, toujours, il n’y en a point.

LE DUC, du dehors.

Tirez donc plus fort… – Il y a un train à 8 heures 12.

FIRMIN

Non point. Nous sommes le 3 septembre, c’est fini à partir de septembre.

LE DUC

Vous radotez. J’ai consulté l’indicateur.

FIRMIN

Et il y a ça dans l’indicateur ?

JEAN, entrant.

Les pneus sont posés, monsieur le Duc. Seulement… il ne fait pas un temps de chrétien.

LE DUC

Ah ! j’en ai vu bien d’autres. (Il met son manteau d’automobile, aidé de Jean.) Vous resterez ici. Vous vous installerez dans l’aile gauche du château.

JEAN

Oui, M. Gournay-Martin m’a expliqué. Il y a donc du danger pour cette nuit ?

LE DUC

Oh ! Je ne crois pas. M. Gournay-Martin était un peu affolé… mais enfin, à tout hasard, il vaut mieux être armé.

JEAN

J’ai là mon revolver, monsieur le Duc.

LE DUC

Parfait. Vous pouvez allumer les phares. J’arrive tout de suite. (Jean sort.) Voyons, j’ai tout ?… Eh bien, Firmin, je vous laisse… Vous avez votre gourde, votre fusil et votre picotin. Vous êtes un vieux militaire. Vous n’avez pas peur, hein ?

FIRMIN

Non, pas encore.

LE DUC

Firmin, vous êtes épatant ! Allons, bon courage, hein ! bon courage !

(Il sort.)

Scène XI

FIRMIN, seul.

FIRMIN, seul à jouer lentement, sensation de la peur.

8 heures 12 ! Qu’est-ce que ça prouve, moi je sais bien qu’à partir de septembre… Il y a trop de lumière, ça se glisse au travers les volets… ça peut attirer le malandrin… (Il baisse l’électricité.) C’est égal, ça n’est pas prudent de laisser comme ça un homme tout seul, dans un château… Ils n’auraient qu’à venir et me bâillonner comme Jean tout à l’heure. Il y a du danger. J’aurais dû demander à ma femme de me tenir compagnie… Enfin j’ai mon picotin, et j’ai le talon dans l’estomac. (Il déploie tout sur la table et se versant un verre de vin.) Mais quel orage ! C’est-y permis de tonner comme ça ! C’est à peine si avec le bruit du ciel on entendrait venir le malandrin. (Il commence à manger. On entend un bruit lointain. Il se lève effaré.) Nom de nom ! le voilà le malandrin ! On marche, là… (Il prend son fusil. On frappe au volet.) On a frappé. (On frappe.) Oh ! que j’ai peur : je n’ai pas eu peur comme ça depuis la guerre de 70… Nom de nom ! ils n’auront pas ma peau. (On essaie d’ouvrir la porte.) Les malandrins, ils vont crocheter les volets. Qui va là ?

UNE VOIX

Ouvrez.

FIRMIN

Allez-vous-en, ou je tire !

UNE VOIX

Firmin, voulez-vous ouvrir ?

FIRMIN

Comment qu’ils connaissent mon nom ?

UNE VOIX

Voulez-vous ouvrir nom de nom ! il tombe des seaux d’eau, ouvrez donc !

FIRMIN

Comment, mais c’est la voix du patron !

(Il donne la lumière et va ouvrir.)

Scène XII

GOURNAY-MARTIN, GERMAINE, SONIA, IRMA, avec un parapluie retourné. Tous sont mouillés, dans un état lamentable.

GOURNAY-MARTIN, se précipitant.

L’indicateur ? Où est l’indicateur ? je vais porter plainte.

(Il éternue.)

GERMAINE

Ah ! quelle soirée ! Pas de train avant minuit. Il va falloir passer quatre heures ici. Enfin, il y a à manger.

(Elle s’assoit.)

GOURNAY-MARTIN

8 heures 12, tenez, 8 heures 12. Ça y est bien. Vous êtes témoins. Et c’est là dans l’indicateur officiel. Je vais porter plainte.

GERMAINE

Oh ! quelle horreur ! on a bu dans ce verre-là !

FIRMIN

Dame, c’est mon picotin.

GOURNAY-MARTIN, qui examine toujours l’indicateur.

Nom de nom !

GERMAINE et SONIA

(Cette dernière s’est à son tour attablée et a tiré de sa valise un gobelet et un couvert de voyage.)

Hein ?

GOURNAY-MARTIN

Cet indicateur, savez-vous de quand il date ?

FIRMIN

Moi, je le sais, Monsieur.

GOURNAY-MARTIN, furieux.

Comment, vous le savez ?

FIRMIN

Bien sûr, c’est mon indicateur, il date de l’exposition.

Rideau

ACTE II

Un grand salon dévasté dans un hôtel ancien.

À gauche, premier plan, une porte par laquelle entreront les gens qui viennent du dehors ; au fond à gauche, en pan coupé, grande baie vitrée, donnant sur un autre salon dévasté. Au milieu de la pièce, une échelle double qui a servi aux cambrioleurs.

Au fond, face au public, une fenêtre grande ouverte, dont les volets sont brisés. L’un des volets est à moitié arraché et pend. Sur le rebord de la fenêtre les montants supérieurs d’une échelle apparaissent. Un guéridon enjambe la fenêtre.

La fenêtre donne sur les jardins de l’hôtel et sur une maison en construction.

Au fond à droite, en pan coupé, une grande cheminée en bois sculpté que masque un écran de tapisserie et des chaises renversées.

9
{"b":"273772","o":1}