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A

CHAROLAIS, troisième fils, prenant le pendentif sur le chiffonnier.

Oh ! papa, ce bijou ?

CHAROLAIS père, vivement.

Ne touche pas à ça. Ne touche pas à ça.

CHAROLAIS, troisième fils.

Pourtant… papa…

CHAROLAIS père, furieux.

Ne touche pas à ça ! (Le fils repose le bijou.) Qu’est-ce que fait le pante ?

CHAROLAIS, troisième fils, se dressant sur la pointe des pieds et regardant au-dessus des rideaux de la porte vitrée de droite.

Il fait sa valise.

BERNARD CHAROLAIS

Les autres doivent en faire autant.

CHAROLAIS père.

On a quelques minutes… (Essayant de forcer le secrétaire.) Pourtant il nous faut ces clefs.

BERNARD CHAROLAIS

On pourrait peut-être s’en passer.

CHAROLAIS

Nous verrons ça quand nous les aurons. Ah ! ça y est ! T’as les clefs de rechange ?

BERNARD CHAROLAIS

Voilà.

(Il lui jette un trousseau de clefs.)

CHAROLAIS

Oui, ça ressemble.

(Il met les clefs dans le tiroir qu’il referme.)

Filons, maintenant.

CHAROLAIS, troisième fils.

Attention ! Le pante.

(Précipitamment il se colle contre le mur à côté de la porte de droite. Charolais père et Bernard se collent contre le mur du côté du battant de gauche de la baie et derrière le piano. Gournay-Martin entre avec sa valise. Dès qu’il est entré, Charolais troisième fils sort de derrière la porte, entre dans la chambre et ferme la porte. Gournay-Martin ahuri se retourne. Au même instant, Charolais père se glisse en dehors, suivi de son troisième fils qui ramène violemment sur lui le battant de la baie. Un temps. Effarement de Gournay-Martin.)

Scène IX

LE DUC, entrant de gauche avec sa valise, puis GERMAINE.

Eh bien ! nous partons. Germaine n’est pas encore descendue ? Allons bon qu’est-ce que vous avez encore ?

GOURNAY, ahuri.

Je ne sais pas… je ne sais pas… Il m’a semblé entendre. (Il ouvre avec précaution la porte de droite.) Non il n’y a personne ! (Il ferme la porte.) Je vis dans un cauchemar, dans un cauchemar ! Ah ! mes clefs !

(Il va au secrétaire, prend ses clefs et les met dans sa poche.)

FIRMIN, accourant, bouleversé.

Monsieur ! Monsieur !

TOUS

Qu’est-ce qu’il y a ?

FIRMIN

Jean le mécanicien, il avait un bâillon sur la bouche… il était ligoté.

TOUS

Qu’est-ce que vous dites ?

JEAN, arrivant, il est dans un état effrayant, col arraché, cheveux en désordre.

Enlevées… volées… les autos.

TOUS

Quoi ?

GOURNAY-MARTIN

Parle… mais parle !

LE DUC

Qui les a volées ?

JEAN

Les quatre messieurs.

GOURNAY, s’effondrant.

Les Charolais ?

JEAN

Il n’y a que la cent-chevaux qu’ils n’ont pas prise.

LE DUC

Heureusement !

GOURNAY-MARTIN

Ah ! c’est trop, cette fois, c’est trop !

GERMAINE

Mais comment n’avez-vous pas crié, appelé quelqu’un ?

JEAN

Appeler ! Est-ce que j’ai eu le temps ? Et puis quand même… tous les domestiques sont partis.

GOURNAY-MARTIN

Épouvantable !

LE DUC, à Gournay-Martin, vivement.

Allons, allons, ce n’est pas le moment de manquer d’énergie. Puisqu’il reste la cent-chevaux, je vais la prendre.

GERMAINE, vivement.

Nous allons tous la prendre…

GOURNAY-MARTIN, vivement.

Voyons, tu es folle, il n’y a que deux baquets. (On entend l’orage qui gronde. La pluie commence à tomber.) Et puis, regarde ça, regarde ce qu’il va tomber.

GERMAINE.

Oui, tu as raison.

SONIA

Mais le train, il doit y avoir un train.

GOURNAY-MARTIN

Un train, mais nous sommes à douze heures de Paris. À quelle heure arriverons-nous ?

GERMAINE

L’important est de filer d’ici.

GOURNAY-MARTIN

Ça évidemment.

LE DUC

Qu’ai-je fait de l’indicateur ? Ah ! oui, il est là !… (feuilletant) Paris ! Paris !

GOURNAY-MARTIN

Eh bien, il y a un train ?

LE DUC

Attendez ! (à Gournay-Martin.) Quelle heure est-il ?

GERMAINE, vivement.

Sept heures dix.

SONIA, vivement.

Sept heures moins vingt-quatre.

GOURNAY-MARTIN, vivement.

Sept heures.

JEAN, vivement.

Oui… enfin… toujours dans les sept heures… Eh bien, vous avez le temps, vous avez un train à huit heures et demie.

GERMAINE

Il y a un wagon-restaurant ?…

LE DUC

Oui, il y en a un, parfaitement et vous arriverez à… cinq heures du matin.

GERMAINE

On va être frais.

GOURNAY-MARTIN

Tant pis. Tu veux partir ? Eh bien, il faut partir. (À Jean.) Vous êtes en état de mettre la cent-chevaux en marche ?

JEAN, qui est resté à l’écart et qui écoute avec attention.

Ah ! pour ce qui est de l’état, Monsieur, ça va bien, mais pour ce qui est de l’auto…

GOURNAY-MARTIN

Comment ?

JEAN

Monsieur sait bien… les pneus d’arrière sont crevés. Il faut bien une demi-heure.

GOURNAY-MARTIN

Isolés ! c’est l’isolement ! plus moyen d’arriver à la gare.

JEAN

Si Monsieur et ces demoiselles veulent bien se contenter, on peut faire atteler.

TOUS

Ah !

JEAN

Il y a la charrette.

TOUS

Oh !

GOURNAY-MARTIN

Tant pis. À aucun prix il ne faut passer la nuit ici. Vous savez atteler, vous ?

JEAN

Dame, une charrette ! Seulement je ne sais pas conduire.

GOURNAY-MARTIN

Je conduirai moi-même.

GERMAINE

Oh ! papa ! Eh bien, ça va être du propre.

GOURNAY-MARTIN

Voyons, partez, partez. (Les poussant dehors, il revient.) C’est la meilleure solution… Ah ! mais non.

LE DUC

Quoi ?

GOURNAY-MARTIN

Et le château ? Qui gardera le château ? Il faut au moins barricader… fermer les volets. J’ai bien confiance en Firmin, mais qui me dit qu’une fois que je serai parti, il s’en occupera, plutôt que d’aller boire la goutte ?

LE DUC

Ne vous inquiétez pas, je resterai.

GOURNAY-MARTIN

Et comment reviendrez-vous ? J’ai besoin de vous à Paris.

LE DUC

Eh bien, et la cent-chevaux ?

GOURNAY-MARTIN

Les pneus !… les pneus sont crevés. Ah ! l’acharnement du sort.

LE DUC

Ne vous affolez pas comme ça. Pendant qu’on vous conduira à la gare, Jean changera les pneus.

(Entre Firmin.)

GOURNAY-MARTIN, vivement.

Ah ! Firmin ! Justement… Voilà ! nous partons. Vous allez garder le château avec Jean.

FIRMIN

Bien, Monsieur.

GOURNAY-MARTIN

Je m’attends à tout, Firmin. À un cambriolage, à n’importe quoi ! Souvenez-vous que vous étiez garde-chasse.

FIRMIN

Que Monsieur n’ait pas peur. J’ai vu la guerre de 70. Seulement où c’est que Monsieur et ces dames s’en vont comme ça sur la charrette ?

GOURNAY-MARTIN

À la gare, naturellement.

FIRMIN

À la gare !

GOURNAY-MARTIN, précipitamment.

Mon Dieu ! Sept heures et demie, nous n’avons plus qu’une demi-heure. (À Germaine qui entre avec sa valise à la main.) Eh bien, tu es prête ? Où est Sonia ?

GERMAINE, même jeu.

Elle descend. Jacques, je ne peux pas fermer ma valise.

LE DUC.

Voilà… Eh bien, il est matériellement impossible de la fermer. Qu’est-ce que vous avez mis là-dedans ?

GERMAINE, même jeu.

Eh bien, j’en ai mis trop (à Irma) portez-la comme ça dans la voiture.

IRMA, sortant.

Quelle affaire, mon Dieu !

FIRMIN, entrant en courant.

La charrette de Monsieur est attelée.

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