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A
A

LE DUC

Des boîtes sur toutes les tables !

GUERCHARD

Eh bien !

LE DUC

C’est vrai, l’un des Charolais aura pris une de ces boîtes.

GUERCHARD

Dame… nous savons que ça n’est pas le scrupule qui les étouffait.

LE DUC

Seulement… Mais j’y pense…

GUERCHARD

Quoi ?

LE DUC

Lupin… Lupin, alors…

GUERCHARD

Eh bien ?

LE DUC

Puisque c’est Lupin qui a fait le coup cette nuit ; puisque l’on a trouvé ces Salvias dans l’hôtel voisin… Lupin arrivait donc de Charmerace ?…

GUERCHARD

Évidemment.

LE DUC

Mais alors, Lupin… Lupin est un des Charolais ?

GUERCHARD

Oh ! ça c’est autre chose.

LE DUC

Mais c’est certain ! C’est certain, nous tenons la piste.

GUERCHARD

À la bonne heure ! vous voilà aussi emballé que moi. Quel policier vous auriez fait ! Seulement… rien n’est certain.

LE DUC

Mais si, qui voulez-vous que ce soit ? Était-il hier à Charmerace ? oui ou non ? A-t-il oui ou non organisé le vol des automobiles ?

GUERCHARD

Sans aucun doute, mais il a pu rester dans la coulisse.

LE DUC

Sous quelle forme ? sous quel masque ?… Ah ! je brûle de voir cet homme-là.

GUERCHARD

Nous le verrons ce soir.

LE DUC

Ce soir ?

GUERCHARD

Oui, puisqu’il viendra prendre le diadème entre minuit moins un quart et minuit.

LE DUC

Non ?… Vous croyez vraiment qu’il aura le culot ?

GUERCHARD

Vous ne connaissez pas cet homme-là, monsieur le Duc, ce mélange extraordinaire d’audace et de sang-froid. C’est le danger qui l’attire. Il se jette au feu, et il ne se brûle pas. Depuis dix ans, je me dis : « Ça y est ! cette fois… je le tiens !… Enfin, je vais le pincer… » Je me dis ça tous les jours…

LE DUC

Eh bien ?

GUERCHARD

Eh bien, les jours passent et je ne le pince jamais. Ah ! il est de taille, vous savez… C’est un gaillard. C’est un bel artiste ! (Un temps, puis entre ses dents.) Voyou !

LE DUC

Alors, vous pensez que ce soir, Lupin…

GUERCHARD

Monsieur le Duc, vous avez suivi la piste avec moi, nous avons ensemble relevé chaque trace. Vous avez presque vu cet homme à l’œuvre… Vous l’avez compris… Ne pensez-vous pas qu’un individu pareil est capable de tout ?

LE DUC

Si !

GUERCHARD

Alors…

LE DUC.

Ah ! peut-être… vous avez raison.

(On frappe.)

GUERCHARD

Entrez.

BOURSIN, bas, lui remettant un pli.

C’est de la part du juge d’instruction.

GUERCHARD

Donne… (Il lit.) Ah !…

(Boursin sort à gauche.)

LE DUC

Qu’est-ce que c’est ?

GUERCHARD

Rien… Je vous dirai ça.

IRMA, entrant à droite.

Mlle Krichnoff demande à M. le Duc, un instant d’entretien.

LE DUC

Ah !… Où est-elle ?

IRMA

Dans la chambre de Mlle Germaine.

LE DUC, allant vers la droite.

Bien, j’y vais.

GUERCHARD, au duc.

Non.

LE DUC

Comment…

GUERCHARD

Je vous assure…

LE DUC

Mais…

GUERCHARD

Attendez que je vous aie parlé !

LE DUC

Ah ! (Il regarde le papier que Guerchard tient à la main, réfléchit, puis, lentement, d’une voix posée.) Eh bien, dites à Mlle Krichnoff… dites que je suis dans le salon.

IRMA

C’est tout, monsieur le Duc ?

LE DUC, même jeu.

Oui !… « que je suis dans le salon… que j’en ai pour dix minutes ». Dites-lui exactement ça. (Sort Irma.) Elle comprendra que je suis avec vous… et alors… Mais pourquoi ?… je ne comprends pas.

GUERCHARD

Je viens de recevoir ceci du juge d’instruction.

LE DUC

Eh bien ?

GUERCHARD

Eh bien ! C’est un mandat d’arrêt, monsieur le Duc.

LE DUC

Quoi ! un mandat… pas contre elle ?

GUERCHARD

Si !

LE DUC

Voyons… mais ce n’est pas possible… l’arrêter !

GUERCHARD

Il faut bien. L’interrogatoire a été terrible pour elle. Des réponses louches, embarrassantes, contradictoires…

LE DUC

Alors, vous allez l’arrêter ?

GUERCHARD

Certes…

(Il va pour sonner.)

LE DUC

Monsieur Guerchard, elle est maintenant avec ma fiancée… Attendez au moins qu’elle soit rentrée dans sa chambre… Épargnez à l’une une émotion affreuse, et à l’autre cette humiliation.

GUERCHARD

Il le faut !

(Il sonne. À Boursin qui entre.)

GUERCHARD

J’ai le mandat d’arrêt contre Mlle Krichnoff… Le planton est toujours en bas devant la porte ?

BOURSIN

Oui.

GUERCHARD, appuyant sur les mots.

Dis-lui bien qu’on ne peut sortir que sur un visa de moi et sur ma carte.

(Sort Boursin.)

LE DUC, qui pendant ce temps est resté visiblement pensif.

Enfin, il faut l’arrêter… il faut l’arrêter…

GUERCHARD

Dame ! vous comprenez, n’est-ce pas ? Croyez que personnellement, je n’ai contre Mlle Krichnoff, aucune animosité. Elle me serait presque sympathique, cette petite.

LE DUC

N’est-ce pas ? Elle a l’air si perdue, si désemparée… Et cette pauvre cachette qu’elle a trouvée… Ce mouchoir roulé, jeté dans la petite pièce de l’immeuble voisin, quelle absurdité !

GUERCHARD, stupéfait.

Vous dites ?… Un mouchoir…

LE DUC

La maladresse de cette petite est désarmante.

GUERCHARD

Un mouchoir contenant les perles du pendentif ?

LE DUC

Oui, vous avez vu, n’est-ce pas, au troisième étage, c’est fou.

GUERCHARD

Mais non, je n’ai pas vu.

LE DUC

Comment non ?… Ah !… C’est vrai. C’est le juge d’instruction qui a vu.

GUERCHARD

Il a vu un mouchoir appartenant à Mlle Krichnoff… Où est-il ce mouchoir ?

LE DUC

Le juge d’instruction a pris les perles mais le mouchoir doit être resté là-haut.

GUERCHARD

Comment ! Et il ne l’a pas pris ? Non, mais quel !… Enfin…

(Il enlève son paletot, va vers la cheminée et allume la lanterne.)

LE DUC

Oh ! d’ailleurs, maintenant que vous arrêtez Mlle Krichnoff, ce détail n’a plus d’importance.

GUERCHARD

Mais si, je vous demande pardon…

LE DUC

Comment ?

GUERCHARD

Nous arrêtons Mlle Krichnoff ; nous avons des présomptions mais aucune preuve.

LE DUC, semblant bouleversé.

Hein ?

GUERCHARD

La preuve, vous venez de nous la fournir, et puisqu’elle a pu cacher les perles dans l’immeuble voisin, c’est qu’elle connaissait le chemin qui y mène. Donc elle est complice.

LE DUC

Comment, vous croyez ? Ah ! mon Dieu !… Et c’est moi… j’aurais eu l’imprudence… C’est par ma faute que vous découvrez ?…

GUERCHARD

Cette lanterne… Voulez-vous m’éclairer, monsieur le Duc ?

LE DUC, vivement.

Mais vous ne voulez pas que j’y aille ? Je sais où est le mouchoir.

GUERCHARD, vivement.

Non, non, je préfère y aller moi-même.

LE DUC, vivement.

C’est que si vous aviez voulu…

GUERCHARD, même jeu.

Non… non…

LE DUC

Permettez-moi d’insister…

GUERCHARD

Inutile !… à bout de bras, n’est-ce pas ?

LE DUC

Oui.

GUERCHARD

Cinq minutes seulement. Ça ne vous fatiguera pas ?

LE DUC

Non, non.

(Guerchard disparaît sous la cheminée. Le duc au bout d’un instant accroche la lanterne dans l’intérieur de la cheminée.)

LE DUC

Ça va. Comme ça…

VOIX DE GUERCHARD

Oui, c’est ça, c’est très bien.

(Le duc se précipite vers la porte de droite et l’ouvre. Paraît Sonia habillée pour sortir.)

LE DUC, retournant prendre la lanterne.

Vite !

SONIA

Mon Dieu !

LE DUC

Il y a un mandat d’arrêt contre vous.

SONIA, affolée.

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