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– Quel soupirail?

– Par un soupirail qui donne dans le jardin et qui sert à éclairer le passage.

– De sorte que toi…

– De sorte que moi, qui suis trop gros…

– Eh bien?

– Je n'ai jamais pu passer: et l'on s'est mis à me tirer par les pieds, vu que j'interceptais le chemin aux autres.

– Mais, s'écria Chicot, le visage éclairé tout à coup d'une étrange jubilation, si tu n'as pas pu passer…

– Non, et cependant j'ai fait de grands efforts; voyez mes épaules, voyez ma poitrine.

– Alors lui, qui est plus gros que toi.

– Qui, lui?

– Oh! mon Dieu! dit Chicot, si tu es pour moi dans cette affaire-là, je te promets un fier cierge; de sorte qu'il ne pourra pas passer non plus.

– Monsieur Chicot!

– Lève-toi, frocard!

Le moine se leva aussi vite qu'il put.

– Bien, maintenant conduis-moi au soupirail.

– Où vous voudrez, mon cher seigneur.

– Marche devant, malheureux, marche!

Gorenflot se mit à trotter aussi vite qu'il put, en levant, de temps en temps, les bras au ciel, maintenu dans l'allure qu'il avait prise par les coups de corde que lui allongeait Chicot.

Tous deux traversèrent le corridor et descendirent dans le jardin.

– Par ici, dit Gorenflot, par ici.

– Tais-toi, et marche, drôle!

Gorenflot fit un dernier effort et parvint jusqu'auprès d'un massif d'arbres d'où semblaient sortir des plaintes.

– Là, dit-il, là.

Et, au bout de son haleine, il tomba le derrière sur l'herbe.

Chicot fit trois pas en avant et aperçut quelque chose qui s'agitait à fleur de terre.

À côté de ce quelque chose qui ressemblait au train de derrière de l'animal que Diogène appelait un coq à deux pieds et sans plumes, gisaient une épée et un froc.

Il était évident que l'individu qui se trouvait pris si malheureusement s'était successivement défait de tous les objets qui pouvaient le grossir, de sorte que, pour le moment, désarmé de son épée, dépouillé de son froc, il se trouvait réduit à sa plus simple expression.

Et cependant, comme Gorenflot, il faisait des efforts inutiles pour disparaître complètement.

– Mordieu! ventrebleu! sandieu! criait la voix étouffée du fugitif. J'aimerais mieux passer au milieu de toute la garde. Aïe! ne tirez pas si fort, mes amis, je glisserai tout doucement; je sens que j'avance, pas vite, mais j'avance.

– Ventre de biche! M. de Mayenne! murmura Chicot en extase. Mon bon seigneur Dieu, tu as gagné ton cierge.

– Ce n'est pas pour rien que j'ai été surnommé Hercule, reprit la voix étouffée, je soulèverai cette pierre. Hein!

Et il fit un si violent effort, qu'effectivement la pierre trembla.

– Attends, dit tout bas Chicot, attends.

Et il frappa des pieds comme quelqu'un qui accourt à grand bruit.

– Ils arrivent, dirent plusieurs voix dans le souterrain.

– Ah! fit Chicot, comme s'il arrivait tout essoufflé. Ah! c'est donc toi, misérable moine!

– Ne dites rien, monseigneur, murmurèrent les voix, il vous prend pour Gorenflot.

– Ah! c'est donc toi, lourde masse, pondus immobile! tiens! ah! c'est donc toi, indigesta moles! tiens!

Et, à chaque apostrophe, Chicot, arrivé enfin au but si désiré de sa vengeance, fit retomber de toute la volée de son bras, sur les parties charnues qui s'offraient à lui, la corde avec laquelle il avait déjà flagellé Gorenflot.

– Silence! disaient toujours les voix, il vous prend pour le moine.

En effet, Mayenne ne poussait que des plaintes étouffées, tout en redoublant d'efforts pour soulever la pierre.

– Ah! conspirateur! reprit Chicot; ah! moine indigne! tiens, voilà pour l'ivrognerie! tiens, voilà pour la paresse! tiens, voilà pour la colère; tiens, voilà pour la luxure! tiens, voilà pour la gourmandise! Je regrette qu'il n'y ait que sept péchés capitaux; tiens, tiens, tiens, voilà pour les vices que tu as!

– Monsieur Chicot, disait Gorenflot couvert de sueur; monsieur Chicot, ayez pitié de moi.

– Ah! traître! continua Chicot, frappant toujours, tiens, voilà pour ta trahison!

– Grâce! murmurait Gorenflot, croyant ressentir tous les coups qui tombaient sur Mayenne, grâce, cher monsieur Chicot!

Mais Chicot, au lieu de s'arrêter, s'enivrait de sa vengeance et redoublait de coups.

Si puissant qu'il fût sur lui-même, Mayenne ne pouvait retenir ses gémissements.

– Ah! continua Chicot, que ne plaît-il à Dieu de substituer à ton corps vulgaire, à ta carcasse roturière, les très hautes et très puissantes omoplates du duc de Mayenne, à qui je dois une volée de coups de bâton dont les intérêts courent depuis sept ans!… Tiens, tiens, tiens!

Gorenflot poussa un soupir et tomba.

– Chicot! vociféra le duc.

– Oui, moi-même, oui, Chicot, indigne serviteur du roi; Chicot, bras débile, qui voudrait avoir les cent bras de Briarée pour cette occasion.

Et Chicot, de plus en plus exalté, réitéra les coups de corde avec une telle rage, que le patient, rassemblant toutes ses forces, souleva la pierre, dans un paroxysme de la douleur, et, les côtes déchirées, les reins sanglants, tomba entre, les bras de ses amis.

Le dernier coup de Chicot frappa dans le vide.

Chicot alors se tourna: le vrai Gorenflot était évanoui, sinon de douleur, du moins d'effroi.

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