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M. de Monsoreau, – il y avait déjà quinze jours que l'accident lui était arrivé, – M. de Monsoreau, disons-nous, se portait de mieux en mieux. Il avait évité la fièvre, grâce aux applications d'eau froide, ce nouveau remède que le hasard ou la Providence avait découvert à Ambroise Paré, quand il éprouva tout à coup une grande secousse: il apprit que M. le duc d'Anjou venait d'arriver à Paris avec la reine mère et ses Angevins.

Le comte avait raison de s'inquiéter: car, le lendemain de son arrivée, le prince, sous prétexte de venir prendre de ses nouvelles, se présenta dans son hôtel de la rue des Petits-Pères. Il n'y a pas moyen de fermer sa porte à une Altesse royale qui vous donne une preuve d'un si tendre intérêt: M. de Monsoreau reçut le prince, et le prince fut charmant pour le grand veneur, et surtout pour sa femme.

Aussitôt le prince sorti, M. de Monsoreau appela Diane, s'appuya sur son bras, et, malgré les cris de Remy, fit trois fois le tour de son fauteuil.

Après quoi il se rassit dans ce même fauteuil, autour duquel il venait, comme nous l'avons dit, de tracer une triple ligne de circonvallation; il avait l'air très satisfait, et Diane devina à son sourire qu'il méditait quelque sournoiserie.

Mais ceci rentre dans l'histoire privée de la maison de Monsoreau. Revenons donc à l'arrivée de M. le duc d'Anjou, laquelle appartient à la partie épique de ce livre.

Ce ne fut pas, comme on le pense bien, un jour indifférent aux observateurs, que le jour où Monseigneur François de Valois fit sa rentrée au Louvre. Voici ce qu'ils remarquèrent:

Beaucoup de morgue de la part du roi;

Une grande tiédeur de la part de la reine mère;

Et une humble insolence de la part de M. le duc d'Anjou, qui semblait dire:

– Pourquoi diable me rappelez-vous, si vous me faites, quand j'arrive, cette fâcheuse mine?

Toute cette réception était assaisonnée des regards rutilants, flamboyants, dévorants, de MM. de Livarot, de Ribérac et d'Antraguet, lesquels, prévenus par Bussy, étaient bien aises de faire comprendre à leurs futurs adversaires que, s'il y avait empêchement au combat, cet empêchement, pour sûr, ne viendrait pas de leur part.

Chicot, ce jour-là, fit plus d'allées et de venues que César la veille de la bataille de Pharsale.

Puis tout rentra dans le calme plat.

Le surlendemain de sa rentrée au Louvre, le duc d'Anjou vint faire une seconde visite au blessé.

Monsoreau, instruit des moindres particularités de l'entrevue du roi avec son frère, caressa du geste et de la voix M. le duc d'Anjou, pour l'entretenir dans les plus hostiles dispositions.

Puis, comme il allait de mieux en mieux, quand le duc fut parti, il reprit le bras de sa femme, et, au lieu de faire trois fois le tour de son fauteuil, il fit une fois le tour de sa chambre.

Après quoi, il se rassit d'un air encore plus satisfait que la première fois.

Le même soir, Diane prévint Bussy que M. de Monsoreau méditait bien certainement quelque chose.

Un instant après, Monsoreau et Bussy se trouvèrent seuls.

– Quand je pense, dit Monsoreau à Bussy, que ce prince, qui me fait si bonne mine, est mon ennemi mortel, et que c'est lui qui m'a fait assassiner par M. de Saint-Luc!

– Oh! assassiner! dit Bussy; prenez garde, monsieur le comte, Saint-Luc est bon gentilhomme, et vous avouez vous-même que vous l'aviez provoqué, que vous aviez tiré l'épée le premier, et que vous avez reçu le coup en combattant.

– D'accord, mais il n'en est pas moins vrai qu'il obéissait aux instigations du duc d'Anjou.

– Écoutez, dit Bussy, je connais le duc, et surtout je connais M. de Saint-Luc. Je dois vous dire que M. de Saint-Luc est tout entier au roi, et pas du tout au prince. Ah! si votre coup d'épée vous venait d'Antraguet, de Livarot ou de Ribérac, je ne dis pas… mais de Saint-Luc…

– Vous ne connaissez pas l'histoire de France comme je la connais, mon cher monsieur de Bussy, dit Monsoreau obstiné dans son opinion.

Bussy eût pu lui répondre, que s'il connaissait mal l'histoire de France, il connaissait en échange parfaitement celle de l'Anjou, et surtout de la partie de l'Anjou où était enclavé Méridor.

Enfin Monsoreau en vint à se lever et à descendre dans le jardin.

– Cela me suffit, dit-il en remontant. Ce soir, nous déménagerons.

– Pourquoi cela? dit Remy. Est-ce que vous n'êtes pas en bon air dans la rue des Petits-Pères, ou la distraction vous manque-t-elle?

– Au contraire, dit Monsoreau, j'en ai trop, de distractions; M. d'Anjou me fatigue avec ses visites. Il amène toujours avec lui une trentaine de gentilshommes, et le bruit de leurs éperons m'agace horriblement les nerfs.

– Mais où allez-vous?

– J'ai ordonné qu'on mît en état ma petite maison des Tournelles.

Bussy et Diane, car Bussy était toujours là, échangèrent un regard amoureux de souvenir.

– Comment, cette bicoque! s'écria étourdiment Remy.

– Ah! ah! vous la connaissez? fit Monsoreau.

– Pardieu! dit le jeune homme, qui ne connaît pas les habitations de M. le grand veneur de France, et surtout quand on a demeuré rue Beautreillis?

Monsoreau, par l'habitude, roula quelque vague soupçon dans son esprit.

– Oui, oui, j'irai là, dit-il, et j'y serai bien. On n'y peut recevoir que quatre personnes au plus. C'est une forteresse, et, par la fenêtre, on voit, à trois cents pas de distance, ceux qui viennent vous faire visite.

– De sorte? demanda Remy.

– De sorte qu'on peut les éviter quand on veut, dit Monsoreau, surtout quand on se porte bien.

Bussy se mordit les lèvres, il craignait qu'il ne vînt un temps où Monsoreau l'éviterait à son tour.

Diane soupira. Elle se souvenait avoir vu, dans cette petite maison, Bussy blessé, évanoui sur son lit.

Remy réfléchit; aussi fut-il le premier des trois qui parla.

– Vous ne le pouvez pas, dit-il.

– Et pourquoi cela, s'il vous plaît, monsieur le docteur?

– Parce qu'un grand veneur de France a des réceptions à faire, des valets à entretenir, des équipages à soigner. Qu'il ait un palais pour ses chiens, cela se conçoit, mais qu'il ait un chenil pour lui, c'est impossible.

– Hum! fit Monsoreau d'un ton qui voulait dire: C'est vrai.

– Et puis, dit Remy, car je suis le médecin du cœur comme celui du corps, ce n'est pas votre séjour ici qui vous préoccupe.

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