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– À merveille.

– Eh bien! je vous remercie d’être aussi aimable, et c’est moi qui me déclare votre obligé pour tout ce que vous me dites de flatteur.

Ces paroles signifiaient sans conteste: «Mon cher d’Artagnan, allez vous coucher, puisque vous avez un lit, et laissez-moi en faire autant.»

D’Artagnan ne parut pas avoir compris.

– Vous vous couchez déjà? dit-il au surintendant.

– Oui. Avez-vous quelque chose à me communiquer?

– Rien, monsieur, rien. Vous couchez donc ici?

– Comme vous voyez.

– Monsieur, vous avez donné une bien belle fête au roi.

– Vous trouvez?

– Oh! superbe.

– Le roi est content?

– Enchanté.

– Vous aurait-il prié de m’en faire part?

– Il ne choisirait pas un si peu digne messager, monseigneur.

– Vous vous faites tort, monsieur d’Artagnan.

– C’est votre lit, ceci?

– Oui. Pourquoi cette question? n’êtes-vous pas satisfait du vôtre?

– Faut-il vous parler avec franchise?

– Assurément.

– Eh bien! non.

Fouquet tressaillit.

– Monsieur d’Artagnan, dit-il, prenez ma chambre.

– Vous en priver, monseigneur? Jamais!

– Que faire, alors?

– Me permettre de la partager avec vous.

M. Fouquet regarda fixement le mousquetaire.

– Ah! ah! dit-il, vous sortez de chez le roi?

– Mais oui, monseigneur.

– Et le roi voudrait vous voir coucher dans ma chambre?

– Monseigneur…

– Très bien, monsieur d’Artagnan, très bien. Vous êtes ici le maître. Allez, monsieur.

– Je vous assure, monseigneur, que je ne veux point abuser…

M. Fouquet, s’adressant à son valet de chambre:

– Laissez-nous, dit-il.

Le valet sortit.

– Vous avez à me parler, monsieur? dit-il à d’Artagnan.

– Moi?

– Un homme de votre esprit ne vient pas causer avec un homme du mien, à l’heure qu’il est, sans de graves motifs?

– Ne m’interrogez pas.

– Au contraire, que voulez-vous de moi?

– Rien que votre société.

– Allons au jardin, fit le surintendant tout à coup, dans le parc?

– Non, répondit vivement le mousquetaire, non.

– Pourquoi?

– La fraîcheur…

– Voyons, avouez donc que vous m’arrêtez, dit le surintendant au capitaine.

– Jamais! fit celui-ci.

– Vous me veillez, alors?

– Par honneur, oui, monseigneur.

– Par honneur?… C’est autre chose! Ah! l’on m’arrête chez moi?

– Ne dites pas cela!

– Je le crierai, au contraire!

– Si vous le criez, je serai forcé de vous engager au silence.

– Bien! de la violence chez moi? Ah! c’est très bien!

– Nous ne nous comprenons pas du tout. Tenez, il y a là un échiquier: jouons, s’il vous plaît, monseigneur.

– Monsieur d’Artagnan, je suis donc en disgrâce?

– Pas du tout, mais…

– Mais défense m’est faite de me soustraire à vos regards?

– Je ne comprends pas un mot de ce que vous me dites, monseigneur, et si vous voulez que je me retire, annoncez-le-moi.

– Cher monsieur d’Artagnan, vos façons me rendront fou. Je tombais de sommeil, vous m’avez réveillé.

– Je ne me le pardonnerai jamais, et si vous voulez me réconcilier avec moi-même…

– Eh bien?

– Eh bien! dormez là, devant moi, j’en serai ravi.

– Surveillance?…

– Je m’en vais alors.

– Je ne vous comprends plus.

– Bonsoir, monseigneur.

Et d’Artagnan feignit de se retirer.

Alors M. Fouquet courut après lui.

– Je ne me coucherai pas, dit-il. Sérieusement, et puisque vous refusez de me traiter en homme, et que vous jouez au fin avec moi, je vais vous forcer comme on fait du sanglier.

– Bah! s’écria d’Artagnan affectant de sourire.

– Je commande mes chevaux et je pars pour Paris, dit M. Fouquet plongeant jusqu’au cœur du capitaine des mousquetaires.

– Ah! s’il en est ainsi, monseigneur, c’est différent.

– Vous m’arrêtez?

– Non, mais je pars avec vous.

– En voilà assez, monsieur d’Artagnan, reprit Fouquet d’un ton froid. Ce n’est pas pour rien que vous avez cette réputation d’homme d’esprit et d’homme de ressources; mais, avec moi, tout cela est superflu. Droit au but: un service. Pourquoi m’arrêtez-vous? qu’ai-je fait?

– Oh! je ne sais rien de ce que vous avez fait; mais je ne vous arrête pas… ce soir…

– Ce soir! s’écria Fouquet en pâlissant. Mais demain?

– Oh! nous ne sommes pas à demain, monseigneur. Qui peut répondre jamais du lendemain?

– Vite! vite! capitaine, laissez-moi parler à M. d’Herblay.

– Hélas! voilà qui devient impossible, monseigneur. J’ai ordre de veiller à ce que vous ne causiez avec personne.

– Avec M. d’Herblay, capitaine, avec votre ami!

– Monseigneur, est-ce que, par hasard, M. d’Herblay, mon ami, ne serait pas le seul avec qui je dusse vous empêcher de communiquer?

Fouquet rougit, et, prenant l’air de la résignation:

– Monsieur, dit-il, vous avez raison, je reçois une leçon que je n’eusse pas dû provoquer. L’homme tombé n’a droit à rien, pas même de la part de ceux dont il a fait la fortune, à plus forte raison de ceux à qui il n’a pas eu le bonheur de rendre jamais service.

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