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– C’est entendu.

– Vous prendrez le train là, et vous vous rendrez dans votre garçonnière.

– Dans ma garçonnière?

– D’où vient cet étonnement? Vous n’avez donc pas de garçonnière?

– J’en ai une, oui, monsieur. Mais d’où vient que je vous vois si bien renseigné?

Arnoldson sourit encore:

– C’est Mme Martinet qui a parlé jadis de ces choses à Joe, et, comme Joe est mon jardinier, il m’a dit, en vous voyant: «Ah! voilà le jeune homme qui a une garçonnière.»

– Et vous savez où elle se trouve?

– Sans doute… Rue de Moscou.

– Je vous admire, monsieur. Jamais je n’aurais cru que vous fussiez si bien renseigné.

– Je le suis, ne craignez rien, et quand je promets quelque chose, je m’arrange de telle sorte que je le tiens toujours. Comment voulez-vous que j’amène Diane dans votre garçonnière si je ne sais où elle se trouve?

Pold ne put retenir un cri d’allégresse:

– Vous amènerez Diane dans ma garçonnière?

– Mais oui, jeune homme. Nous avons intérêt à ce que Diane oublie le prince Agra, et c’est encore plus pour nous que pour vous que vos vœux seront comblés.

– Oh! monsieur!

– Que dites-vous?

– Je dis: «Oh! monsieur!»

– Quand vous aurez Diane dans votre garçonnière, vous saurez bien la décider à vous suivre et à passer avec vous une lune de miel qui nous arrangera tous. C’est encore un prétexte à trouver, auprès de vos parents, pour que vous puissiez vous absenter pendant quelque temps.

– Ceci ne m’occupe point, monsieur.

– Vous l’avez trouvé, ce prétexte?

– Je n’aurais garde. Je ne le chercherai même point. Je dirai ce qui me passera par la tête. On me croira ou l’on ne me croira pas. Mais jamais je ne manquerai l’occasion que vous m’offrez de redevenir l’ami de Diane, moi qui l’ai été si peu.

Pold semblait très enthousiaste et tout à fait «emballé». Il avait laissé les lettres sur la table.

– Voici vos lettres, dit-il. C’est le seul paquet qui se trouvait dans le secrétaire.

– Merci, jeune homme! C’est bien cela, et voici vos dix mille francs.

Arnoldson tendit les billets de banque, et Pold les prit. Arnoldson se mit à écrire.

– Je puis me retirer, monsieur? demanda Pold.

– Une seconde, mon enfant, une seconde, dit Arnoldson en continuant à écrire.

– Vous avez encore quelque chose à me dire?

– Sans doute.

– Et quoi donc, monsieur?

– Attendez, je vous prie, que j’aie fini de libeller ce reçu.

– Quel reçu?

– Mais un reçu de dix mille francs.

– À quoi bon? Vous voulez que je vous signe un reçu?

– Sans doute.

– Je ne comprends pas. Vous avez vos lettres, et moi j’ai votre argent et votre promesse. N’est-ce point suffisant?

– Je vais vous faire comprendre. Ces dix mille francs, ce n’ai pas moi qui vous les donne.

– Et qui donc, monsieur? demanda Pold, étonné.

– Et pour qui donc avez-vous travaillé? Est-ce pour moi ou pour le prince Agra?

– C’est pour le prince Agra.

– Alors, pourquoi voulez-vous que ce soit moi qui vous donne les dix mille francs?

– C’est juste! Ces dix mille francs sont donc au prince Agra?

– Vous l’avez dit. Et, en les acceptant, vous lui rendrez encore service, puisqu’ils vous serviront à éloigner Diane de lui.

– Et il veut un reçu?

– Non pas lui, mais moi.

– Vous?

– Il faut bien que je justifie de ces dix mille francs vis-à-vis de lui. Aussi je vous demande de signer ce billet, qui est ainsi libellé: «Reçu de M. Arnoldson dix mille francs pour les lettres soustraites dans le secrétaire de Diane.»

Pold, d’un geste décidé, signa.

– Vous voyez, monsieur, que je n’y mets aucune difficulté.

– C’est trop naturel.

– Je n’y mets aucune difficulté, car, au besoin, ce reçu ne pourrait me desservir qu’auprès de Diane, à laquelle vous aurez l’occasion d’apprendre que je lui ai soustrait les lettres du prince Agra. Or, ceci m’est parfaitement indifférent, car je suis bien décidé, dès que je verrai Diane, à lui dire moi-même le nom de son voleur. Quand elle saura quelles étaient vos intentions, et le danger qu’elle courait, et les motifs qui m’ont fait agir, j’espère bien qu’elle me pardonnera.

– Je le crois aussi, fit Arnoldson.

– Et si elle ne me pardonne pas, continua Pold avec un certain accent de fierté, j’aurai encore ma conscience pour moi!

– Ce vous sera évidemment une consolation. Mais vous n’en aurez pas besoin.

– Pourquoi?

– Parce qu’elle vous pardonnera.

– Puissiez-vous dire vrai, monsieur! J’aime Diane de toute mon âme.

Pold serra dans les poches de son veston les dix mille francs, et Arnoldson prit le reçu.

Puis l’Homme de la nuit se leva et accompagna Pold jusqu’à la porte de son cabinet.

– Au revoir, monsieur Pold, dit-il, et ayez foi en moi. Vous vous rappelez mes paroles?

– Je serai demain soir dans ma garçonnière de la rue de Moscou!

– Si vous n’y êtes pas, Diane y sera.

Pold se retourna une dernière fois vers Arnoldson:

– J’ai fait tout ce que vous m’avez ordonné pour ce rendez-vous, monsieur. Croyez bien que je n’y manquerai pas.

Pold s’éloigna, et Arnoldson rentra chez lui.

Le jeune homme n’eut pas plus tôt quitté la villa des Pavots qu’il s’assit, tout pensif, dans l’herbe. Des pensées assez incohérentes l’occupaient.

Maintenant qu’il avait livré les lettres et qu’il avait les dix mille francs, il regrettait presque sa conduite. Il se disait:

– Ce n’est pas honnête, ce que j’ai fait là.

Puis il expliquait vis-à-vis de lui-même son cambriolage:

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