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– Non, nous ne lui avons rien fait… et, il y a trois mois, en effet, nous ne le connaissions pas…

– Alors?

– Alors, depuis trois mois, Arnoldson a osé lever les yeux sur ta mère!

Pold se leva et regarda Adrienne, épouvanté.

– Comprends bien, mon Pold, qu’il faut que je te dise tout et que l’heure est venue où il faut que tu saches tout!… Je n’ai plus personne pour me protéger que toi.

Pold dit:

– Malheur à ce misérable… si vous ne me retenez pas, je le tuerai.

– C’est bien, mon fils, c’est bien!

– J’ai soif de nous venger tous!

– Je te dis ceci, fit Adrienne, je te dis que ta mère, demain soir, ira racheter sa fille…

Elle exhala, la voix à peine audible:

– Pold, je vais revoir cette homme, je vais le revoir demain.

– Où allez-vous le revoir, ma mère?

– À l’auberge Rouge… où il m’a donné rendez-vous…

– Et vous allez au rendez-vous de cet homme, ma mère? s’écria Pold.

– J’y vais, Pold.

– Et pourquoi?

– Parce qu’il le veut!

– Et pourquoi faites-vous ce qu’il veut?

– Parce que, mon fils, déclara Adrienne d’une voix lente, il y va de la vie et de l’honneur de ta sœur!…

Pold se passa les mains sur le front.

– … Que voulez-vous dire?… Ne m’avez-vous pas annoncé, pendant ma maladie, que Lily était en ce moment au sein d’une famille amie… et qu’elle reviendrait bientôt… et qu’on s’efforçait là-bas de la consoler… de la distraire un peu de la douleur qu’elle a ressentie de la mort de mon père?…

– Lily ignore sans doute que son père n’est plus de ce monde, Pold!

– Que me dites-vous là?

– Je te dis que Lily, dans cette nuit terrible où le même drame nous faisait, à tous, fuir le bois de Misère, je te dis que Lily nous a été ravie ici, volée!…

– Volée!… s’exclama Pold.

– Oui, mon fils. Et sais-tu dans quelles mains elle se trouve?… Sais-tu dans quels bras elle va tomber peut-être?…

– Parlez!

– Dans les bras du prince Agra!… Et sais-tu qui est le prince Agra?… Le fils d’Arnoldson!… Il n’attend qu’un mot de son père pour abuser de mon enfant…

– Horreur!… s’écria Pold.

– Et sais-tu, continua Adrienne, sais-tu quand ce mot doit être prononcé?… Il doit l’être demain soir si ta mère ne va point l’étouffer sur les lèvres de l’Homme de la nuit! Tu vois bien qu’il faut que j’y aille, à l’auberge Rouge!

– Ah! ce mot! fit le jeune homme avec un éclat sauvage, ce mot, toi ou moi, nous le lui ferons rentrer dans la bouche à coups de poignard!

– Hélas! comprends donc, que nous ne pouvons rien contre cet homme qui peut tout contre Lily… Si nous frappons Arnoldson, nous donnons nous-mêmes le signal de la perte de Lily… Il m’en a prévenue… Il a tout prévu… tout…

– Alors, que faisons-nous? Et que voulez-vous de moi?…

– Je te dis ceci, fit Adrienne. Je te dis que ta mère, demain soir, ira racheter sa fille… quel que soit le prix qu’on lui en demande… mais, quand elle l’aura, quand sa fille n’aura plus rien à redouter de ce monstre… alors, toi, tu le tueras!… Je n’ai plus rien à te dire, Pold.

– Ma mère, fit Pold, combien simple et facile m’apparaît l’accomplissement de ce terrible devoir… à côté de la tâche que vous allez entreprendre!…

– Allons, fit-elle, du courage et prions jusqu’à l’heure où j’irai à l’auberge Rouge…

Mais la porte du salon s’ouvrit alors, et une voix éclata:

– Vous n’irez pas, madame! Vous n’irez pas à l’auberge Rouge!

Pold et Adrienne se retournèrent vers la porte, épouvantés par la puissance de ces paroles.

– Le prince Agra! s’écria Pold en bondissant sur lui.

Le prince fit un pas à sa rencontre et dit:

– Oui! le prince Agra!… qui vous ramène Lily!…

Et il n’avait pas plus tôt terminé ces paroles que Lily faisait irruption dans le salon, avec des cris joyeux, et se précipitait dans les bras de sa mère et de Pold.

VI SÉPARATION

Lily, tenant toujours sa mère embrassée, lui dit tout bas:

– Parlez-moi, ma mère… Vous ne me demandez rien, et moi j’ai tant de choses à vous dire, tant de choses!…

Agra assistait, muet et les bras croisés, à cette scène. Pold regardait tour à tour le prince, sa mère et sa sœur, et il avait un pli de colère au front.

Lily ajoutait:

– Oui, c’est lui qui m’a ramenée, c’est grâce à lui que je vous revois, mère… Voulez-vous qu’il soit votre fils? Vous ne me répondez point… Pourquoi ces yeux de colère? Et pourquoi Pold le regarde-t-il avec tant de haine?

Elle continua sur un ton désolé:

– N’est-ce pas que vous allez lui dire de rester près de nous, de rester avec nous!… N’est-ce pas que vous n’allez pas le chasser?… Il disait, lui… oui, il disait qu’il faudrait nous séparer et que nous ne nous reverrions jamais plus, parce qu’il était certain que vous le chasseriez pour toujours… Mais moi, je connais toute votre bonté, ma mère, et je lui répondais qu’il avait des pensées de fou…

Enfin, elle s’écria, s’adressant au prince:

– Ils ne disent rien, monseigneur… faites qu’ils parlent… Vous voilà muet… Vous voyez bien que l’on va vous chasser… Je devine cela au visage de ma mère et de mon frère… Défendez-vous, et défendez-moi!…

Mais Adrienne dit au prince, d’une voix dure de commandement:

– Je sais qui vous êtes, monsieur. De quel droit m’avez-vous enlevé mon enfant, la nuit, comme un voleur?

Agra s’avança jusqu’au milieu du salon. Il dit:

– Madame, j’ai accompli le crime de vous avoir ravi votre enfant. Mais oubliez-vous que c’est moi qui l’ai ramenée, aussi pure… qu’à l’heure où je l’emportai!

– Monsieur, fit Adrienne, il y a une chose que je n’oublierai point: c’est que vous êtes le fils d’un misérable!

Le prince Agra fit un pas en arrière, et il devint plus pâle encore.

Lily poussa un cri…

– Que dites-vous ma mère?

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