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– Nous voilà propres! Nous voilà propres! répétait Pold.

– Gagnons Dainville à pied, fit Lawrence.

Mais la pluie se mit alors à tomber plus dru. La proposition devenait impossible à suivre.

Ce fut alors qu’un second éclair vint illuminer le paysage. Le coup de tonnerre survint immédiatement.

Les voyageurs en furent secoués. Lily, épouvantée, se réfugia dans la voiture.

Mais à la lueur de cet éclair, Pold découvrit un nouvel arrivant.

– Un cavalier sur la route! s’écria-t-il.

La nuit était redevenue plus obscure. Cependant, suivant les indications de Pold, les voyageurs perçurent une ombre qui venait à eux et les rejoignait, venant de Paris.

L’ombre grandit. C’était bien un cavalier qui arrivait au galop. Il fut près de la voiture. À la lueur des lanternes, on essaya de le dévisager, mais il était couvert si hermétiquement de son manteau et d’un capuchon, qu’il était impossible de distinguer ses traits. Il arrêta court son cheval, sauta en bas de sa monture avec une grande légèreté et se dirigea vers l’équipage en détresse, sans plus s’occuper de l’animal.

Pold courut à la bête et voulut la prendre aux rênes. Mais le cheval ne l’attendit point, et, au moment où Pold avançait la main, il fit un bond de côté et disparut dans la nuit, à un galop vertigineux.

– Votre cheval! votre cheval! cria Pold à l’étranger, qui ne lui répondit point, qui ne sembla même pas l’avoir entendu.

L’étranger s’était déjà mis à la besogne. Il se pencha vers l’attelage, se redressa, secouant les bêtes, et, sans aucune aide, sans un cri, d’un effort prodigieux, il les dressa sur les sabots de devant. Les chevaux furent debout tout de suite.

Ceux qui assistaient à cette scène n’en pouvaient croire leurs yeux.

Sans plus prêter attention aux gens qui l’entouraient, l’étranger s’occupait maintenant des harnais. Il arrachait, brisait, attachait. Il dit:

– Une corde!

Le cocher lui tendit la corde demandée. L’étranger en usa avec une telle adresse que les chevaux, vaille que vaille, se trouvèrent à nouveau en mesure de traîner le landau.

Lawrence et sa femme allèrent à l’inconnu et voulurent le remercier. Pold répétait:

– Mais votre monture, monsieur! Votre monture!… Elle est loin maintenant!… C’est pas un cheval: c’est un lièvre!…

L’homme ne répondit point. Mais il porta quelque chose à ses lèvres, et un coup de sifflet étrangement modulé retentit dans la campagne.

On entendit bientôt le galop d’un cheval. La bête arriva fumante, et stoppa à deux pas de l’inconnu, qui bondit en selle, salua de la tête et disparut, mystérieux cavalier sur la route.

Tout le monde était stupéfait. Lawrence, Adrienne, Pold en oubliaient de se mettre à l’abri de la pluie.

Pold frappa d’une large claque le ventre du cocher, qui suffoquait d’admiration.

– Le vieux serviteur est épaté! s’écria-t-il.

Sur ce, toute la famille remonta dans la voiture, qui repartit au petit trot.

Quant au cavalier, il était déjà loin. Il avait dépassé Dainville. Les éclairs, qui se succédaient maintenant avec rapidité, lui firent voir une croix.

Cette croix sembla lui indiquer le chemin. Il découvrit un petit sentier qui allait rejoindre la route de Picardie. Il le prit. Le cavalier avait à sa droite la rivière du Grand-Morin. Le cheval reprit le galop. La pluie avait redoublé. Malgré la montée très rude, le cheval n’avait pas ralenti son allure.

L’inconnu était entré dans le bois depuis un quart d’heure environ quand sa monture s’arrêta devant une masure que l’on distinguait à peine dans la nuit. Des arbres en cachaient la façade. Le cavalier sauta à terre et frappa à la porte.

La porte s’ouvrit. Dans le cadre de lumière que fit cette porte en s’ouvrant apparut la haute stature de Joe.

Joe s’inclina profondément.

– Bonsoir, monseigneur! fit-il, et soyez le bienvenu à l’auberge Rouge!

XIV UNE TERRIBLE EXPLICATION

Le voyageur entra et laissa tomber son manteau aux mains de Joe. Ce voyageur, c’était le prince Agra.

– Occupe-toi de Kali, dit-il à Joe.

Joe sortit et conduisit le cheval dans une sorte de grange. Il fut quelques minutes absent. Quand il revint, le prince Agra était installé au coin de l’âtre, et paraissait plongé dans des réflexions profondes.

Joe n’eut garde de l’en tirer.

Un quart d’heure ainsi s’écoula. Le prince promenait vaguement son regard sur les murs de cette étrange bâtisse.

Ils étaient décrépits, mangés d’humidité.

Le plafond était bas, mais magnifique avec ses poutres énormes, enfumées par la fumée de l’âtre.

Un bahut dans un coin; une table massive en chêne au centre de la pièce. Au-dessus de la cheminée, pendu au mur, un fusil qui paraissait en excellent état.

Joe devait braconner.

Telle qu’elle était, Joe se montrait très fier de son auberge. Il l’entretenait en propreté absolue et tenait à ce que ses chambres, qui étaient au nombre de trois, au premier étage, fussent toujours prêtes à recevoir décemment le voyageur égaré dans ces parages.

Nous savons que cette aubaine lui arrivait peu souvent, car l’hospitalité de Joe ne pouvait être que tout à fait primitive, soit que l’aspect de cette auberge, isolée au fond des bois, ne lui «revînt pas». L’aspect était, en effet, quelque peu sinistre. L’auberge Rouge semblait s’être embusquée derrière les arbres du bois de Misère pour faire un mauvais coup.

Et puis cette auberge avait un nom qui faisait penser tout de suite à des drames où le sang coule à flots: l’auberge Rouge!

Ce nom lui venait évidemment de ce que ses murs, à l’extérieur, étaient badigeonnés de rouge. Cette auberge, qui était rouge, avait encore ceci contre elle: d’être gardée par un homme, qui était noir. Cette opposition de couleurs, que l’on rencontre rarement dans les auberges, ne paraissait guère naturelle, et il fallait la belle naïveté et la grande bonne foi de Mme Martinet pour accepter ou demander l’hospitalité dans des conditions pareilles.

Mais revenons au prince, qui n’était pas sorti de ses réflexions. Il regardait le feu et paraissait fort occupé par la combustion d’une puissante bûche qui tenait tout le foyer.

Soudain, la porte qui faisait communiquer la grande pièce du rez-de-chaussée avec l’escalier conduisant au premier étage s’ouvrit. Un homme en redingote noire, qui paraissait une cinquantaine d’années, entra, alla jusqu’au prince Agra, le salua fort respectueusement, et dit:

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