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On l’avait vu dans sa position critique. On accourut à son secours. Mais les gens ne savaient pas comment le tirer de là. Certains se penchèrent, hésitèrent à le prendre au poignet, craignant d’occasionner, définitivement, sa chute. C’était, au moins, une jambe cassée.

C’est alors que le prince et Diane arrivèrent. Le prince écarta le groupe affolé, se pencha, prit dans sa main le poignet de Martinet et, développant une force insoupçonnée, le tira à lui.

Martinet vint. Ce fut d’abord son bras, puis sa tête, puis son torse. Et le prince, l’ayant saisi alors sous les aisselles, l’enleva, le déposa sur les marches, sans effort.

Comme on applaudissait, le prince continua son chemin. Diane était très heureuse que son beau-frère s’en fût tiré à pareil compte, mais très vexée qu’il se fût mis dans une telle posture. Elle ne voulait point laisser paraître aux yeux du prince qu’elle portait un intérêt quelconque à ce pochard.

Le directeur des Variétés-Parisiennes se trouvant à côté du jeune compagnon de Diane, celui-ci lui dit:

– Monsieur, conduisez donc Martinet à un cocher qui le ramènera chez lui.

– Mais j’ignore son adresse, fit le directeur.

– Je vais vous la dire: 25 bis, rue du Sentier.

Le directeur s’éloigna.

– Vous connaissez l’adresse de… cet homme? demanda Diane, stupéfaite.

– Oui, répondit négligemment le prince. Je m’intéresse à votre beau-frère.

Diane rougit et ne dit plus rien.

Ils étaient dans le vestibule. On y avait élevé une sorte de cabine de toile éclairée à l’électricité et dans laquelle des groupes se faisaient photographier.

– Je voudrais avoir un portrait de vous, madame, dit le prince en conduisant la jeune femme à cette cabine.

Diane alla prendre position dans la cabine.

Elle vit passer le directeur, avec Martinet, celui-ci se défendant, ne voulant pas s’en aller.

Le directeur resta sourd aux plaintes de Martinet, descendit celui-ci sur le trottoir, héla un fiacre, mit l’homme dedans et donna l’adresse au cocher.

La voiture n’avait pas fait dix mètres que la tête de Martinet passait à la portière.

– Eh! bourgeois! criait Martinet au cocher, arrête-toi au troquet du coin. À cette heure, il doit être… «rouvert»!

– Y en a qui ferment jamais!… répliqua le cocher. On y va, mon frangin!…

Il était cinq heures quand le prince Agra et Diane quittèrent les Variétés-Parisiennes. Diane n’avait plus de volonté, plus de caprices, plus de désirs… Au bras du prince, elle se laissait mener, elle s’abandonnait.

Après la séance de photographie dans la cabine de toile, elle redevint la chose du prince. Elle ne montrait même plus d’orgueil; sa joie ne lui venait plus de son triomphe, de l’envie des autres; elle s’annihilait dans le bonheur immense d’avoir ce jeune homme à elle, à côté d’elle. Diane marchait dans un rêve…

– Cette voiture est la vôtre, madame, disait Agra. Elle vous conduira chez vous. Il faut nous quitter.

– Que votre volonté soit faite, répondit Diane. Mais, dites-moi, quand aurai-je la grande joie de vous revoir?

– Chez vous, madame, à vos «tableaux vivants», dans quinze jours.

Quelqu’un ferma la portière. Le carrosse reprit sa route, suivi de sa cavalerie, et Diane resta sur la place à le voir s’éloigner, descendre l’avenue de la Grande-Armée, disparaître…

Elle se tourna enfin vers son cocher, qui, sur le siège du coupé, attendait.

– Jean, dit-elle, qui donc vous avait donné l’ordre de venir m’attendre ici? Je vous attendais à la sortie des Variétés-Parisiennes, comme il était convenu. Vous n’y étiez point, et heureusement pour moi que j’eus l’équipage du prince…

Jean répondit:

– Qui m’a donné cet ordre? Mais c’est vous, madame!

– Moi? Et comment l’entendez-vous, Jean?

– Je n’ai fait qu’exécuter les instructions que vous m’avez envoyées dans cette lettre, fit Jean en lui tendant un papier qu’il sortit de sa houppelande.

– Une lettre de moi? Quand l’avez-vous reçue?

– Cette nuit, à deux heures, madame. On m’a même réveillé pour me la remettre.

Diane prit le papier et l’approcha de la lanterne. Elle lut:

«Soyez cette nuit, à cinq heures, au coin de l’avenue Friedland et de la rue de Tilsit, avec le coupé. Vous verrez, à cinq heures et demie, arriver un équipage qui se rangera près de l’Arc de Triomphe. Vous rejoindrez cet équipage.

«Diane.»

– Cela tient du prodige s’écria Diane après avoir lu. Voilà bien une lettre de moi et voilà bien ma signature! Et, cependant, je n’ai point écrit et je n’ai point signé!

– Regardez, madame, reprit le cocher. Ce n’est point seulement votre écriture et votre signature…

– Oui, oui, continua Diane, c’est encore mon chiffre…

– Et votre papier…

– Et mon papier…

Diane releva la tête et regarda encore du côté de l’avenue de la Grande-Armée…

– Ah! mon Dieu! dit-elle, prise d’une véritable terreur, que veut dire tout ceci?…

Elle monta dans son coupé et cria:

– Et, maintenant, avenue Raphaël!…

VI LES AVENTURES DE POLD

Quand le carrosse du prince, quelques minutes auparavant, s’était arrêté à l’Arc de Triomphe, Diane avait demandé:

– Que nous arrive-t-il?

– Oh! rien, madame, avait fait le prince, il nous arrive simplement qu’il faut nous quitter.

Diane releva sa tête qu’elle avait posée sur l’épaule du prince. Elle ne pouvait en croire ses oreilles. Quitter celui qu’elle considérait déjà comme son royal amant… Le quitter, et pourquoi?

Depuis leur départ des Variétés, aucune parole n’avait été échangée entre eux, aucune. Diane s’était réfugiée en lui. Depuis qu’il lui était apparu, la splendeur de cette apparition et les divers événements qui avaient suivi l’avaient plongée dans une admiration et dans un trouble inconnus. Il lui était apparu adorable et redoutable!

Aussi, quand il lui avait dit: Il faut nous quitter!… elle avait été douloureusement surprise, mais elle n’avait point protesté.

Mais quand elle fut toute seule dans son coupé, elle se dit: «Je l’aime et il ne m’aime pas.»

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