Notes
Au sujet de l’impossibilité où sont les classes pauvres de jouir du bénéfice des lois civiles, nous avons reçu de nouvelles réclamations et quelques documents curieux, les uns de Hollande, les autres d’Italie; nous donnons ces renseignements ci-après, en exprimant toute notre gratitude aux personnes qui nous ont fait l’honneur de nous les adresser.
Plusieurs officiers judiciaires ont bien voulu nous faire observer que, dans beaucoup de circonstances, la chambre des avoués de Paris a instrumenté officieusement et sans frais, lorsque les parties faisaient preuve d’indigence.
Rien de plus honorable, de plus louable, de plus charitable assurément que cette aumône judiciaire. Mais ceci est un DON, un OCTROI VOLONTAIRE, par conséquent VARIABLE, RÉVOCABLE, et non pas une INSTITUTION, un FAIT LÉGAL et acquis virtuellement aux classes pauvres.
Ce n’est pas une AUMÔNE que nous demandons pour elles, c’est un DROIT RECONNU; car il nous semble que l’indigence a aussi ses droits.
Il est au moins étrange que la France, qui devrait marcher à la tête de la civilisation, ne fasse point jouir les classes les plus nombreuses et les plus laborieuses de la société des charitables avantages qui leur sont acquis chez presque toutes les nations de l’Europe.
En Hollande, en Sardaigne, dans presque toutes les légations d’Italie, les pauvres, ainsi qu’on va le voir, sont mille fois mieux traités qu’en France sous ce rapport.
Le document suivant, traduit du Code hollandais, vient de nous être communiqué par l’un des avocats les plus distingués d’Amsterdam. On ne peut qu’admirer une telle législation.
Extrait du Code de procédure civile néerlandais relatif aux classes pauvres.
«Art. 855. Toutes personnes, soit demandeurs, soit défendeurs, en fournissant la preuve qu’elles sont hors d’état de payer les frais d’un procès, peuvent obtenir du juge qui doit connaître de l’objet du procès l’autorisation de plaider SANS FRAIS.
«Art. 856. Cette autorisation se demande par requête écrite sur papier NON TIMBRÉ; et, si la requête est adressée à une cour ou à un tribunal d’arrondissement, elle est signée par un avoué désigné à cet effet au besoin, par le président.
«Art. 857. Cette requête contiendra le résumé des faits et une indication sommaire des arguments sur lesquels est fondée la demande ou la défense de l’exposant.
«Art. 858. Cette requête sera accompagnée d’un certificat de l’indigence de l’exposant, délivré par le chef de l’administration du lieu de son domicile.
«Art. 859. La cour ou le tribunal ordonne, par simple disposition la citation de la partie adverse devant deux juges-commissaires, et désigne, selon l’importance de la cause, un avoué, ou bien un avocat et un avoué, pour l’assister à l’audience.
«Art. 860. La demande, ainsi que l’ordonnance du juge, seront, à la requête de l’exposant, signifiées par huissier et SANS FRAIS à la personne ou au domicile de la partie adverse. Cet exploit sera enregistré GRATIS ET EXEMPT DE DROIT DE TIMBRE.
«Art. 861. Si la partie adverse ne comparait pas devant les commissaires, la cour ou le tribunal, sur le rapport de ces commissaires, examinera si l’exposant a suffisamment prouvé son indigence; elle accorde, dans ce cas, l’autorisation demandée, à moins que le juge ne considère la demande ou la défense au fond dénuée de tout fondement.
«Art. 862. Si la partie adverse comparaît, elle peut s’opposer à ce que l’autorisation soit accordée en prouvant que les assertions de l’exposant sont sans fondement. Ces preuves doivent se faire, quant aux faits, par des documents concluants, et, quant au droit, par une disposition expresse de la loi.
«Art. 863. La partie adverse peut également fonder son opposition sur le manque ou sur l’insuffisance du certificat d’indigence, ou bien sur l’indication des moyens pécuniaires suffisants de la part de l’exposant.
«Art. 864. Sur le rapport des juges-commissaires, la demande de l’exposant est accueillie ou refusée. Si elle est accueillie, on désigne pour l’ASSISTER GRATIS un avoué, ou un avocat et un avoué, si déjà il n’y a été pourvu.
«Art. 865. Si celui qui a obtenu de plaider sans frais a succombé en première instance, il ne pourra plaider sans frais en appel ou en cassation sans y être autorisé de nouveau. S’il a gagné son procès en première instance, il n’a pas besoin de nouvelle autorisation pour plaider sans frais en appel ou en cassation. Sur sa requête, il lui sera seulement désigné un nouvel avocat et un nouvel avoué.
«Art. 866. Tous exploits devront se faire par un huissier domicilié dans le canton, ou, à son défaut, par l’huissier d’un canton voisin.
«Art. 867. Le jugement qui accueille la demande de plaider sans frais et tous les actes qui l’ont précédé SONT EXEMPTS DE TIMBRE ET SERONT ENREGISTRÉS GRATIS. AUCUN SALAIRE D’HUISSIER, D’AVOUÉ ET D’AVOCAT NE POURRA JAMAIS DE CE CHEF ÊTRE PORTÉ EN COMPTE NI À L’EXPOSANT NI À LA PARTIE ADVERSE.
«Art. 868. Si la demande de plaider sans frais est accueillie, tous les actes produits par le plaideur sans frais seront visés pour timbre et enregistrés en DÉBET, tous droits de greffe et d’amendes judiciaires, dus de ce chef, seront également mis en DÉBET, et le plaideur sans frais ne SERA JAMAIS TENU DE PAYER aucun salaire aux avocat, avoué et huissier qui lui auront été adjoints.
«Art. 872. Lorsque les indigents, en dehors d’un procès proprement dit, ont besoin d’une autorisation judiciaire, d’une approbation ou de toute autre ordonnance sur requête, ils peuvent adresser leur requête écrite sur papier NON TIMBRÉ, en y joignant un certificat d’indigence. Dans ce cas, la réponse ou l’ordonnance leur sera délivrée LIBRE DE TIMBRE, DE DROIT D’ENREGISTREMENT ET SANS AUCUNS FRAIS.
«Art. 873. Dans ce cas, et si les indigents ne sont pas munis d’avoué, il leur en sera désigné un par le président.
«Art. 874. Les bureaux de bienfaisance, les administrations d’institutions charitables et des églises des divers cultes peuvent également, et de la même manière, obtenir de plaider sans frais, sans être tenus de produire des certificats d’indigence.
«Art. 875. Les décisions des cours, tribunaux et justices de canton (de paix), relativement à l’admission de plaider sans frais, ne sont pas sujettes à appel.»
Le document suivant est relatif aux institutions de certains États d’Italie:
«Dans les États du duché de Modène et dans les légations des États romains, où toutes les lois civiles et criminelles protègent et favorisent les riches et les nobles, il y a cependant une institution fort belle.
«Il arrive très-fréquemment que des pauvres ont besoin de faire valoir leurs droits, et se trouveraient dans la nécessité de les abandonner faute de moyens pécuniaires, s’ils devaient payer les taxes prescrites, les rétributions aux avocats et les dépenses du papier timbré.
«Il y a, dans lesdits États, une institution très-charitable, c’est-à-dire qu’il existe auprès des tribunaux des avocats reconnus, qu’on appelle AVOCATS DES PAUVRES, lesquels sont autorisés à faire les actes sur PAPIER LIBRE, avec EXEMPTION DE TOUTE TAXE, et obligés d’agir SANS RECEVOIR AUCUNE RÉTRIBUTION. Les places d’avocats des pauvres sont très-recherchées, particulièrement par les jeunes avocats qui commencent leur carrière.