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– Tu trouveras en bas tes serviteurs, que mes hommes ont ligotés. Tu les détacheras, si tu veux.

Il regardait Concini en disant ses mots. Il fut tout étonné de voir que le visage de celui-ci exprimait un sentiment de pitié. Il l’entendit même murmurer:

– Pauvres diables!… J’y vais tout de suite.

Sans plus s’en occuper, Jehan sortit. En lui-même, il se disait:

«Les quelques heures qu’il vient de passer ficelé comme un saucisson l’ont rendu plus sensible au malheur des autres.»

C’était peut-être vrai, car Concini sortit sur ses talons. Il arriva sur le palier au moment où Jehan s’engageait dans l’escalier. Il s’arrêta là, comme s’il avait voulu lui laisser le temps de gagner la sortie.

Puis, soudain, il appuya sa main sur le mur…

Une petite porte invisible démasqua un petit réduit, guère plus grand qu’un placard, Concini y entra d’un bond, et sans se donner le temps de refermer la porte, il saisit un bouton de métal à pleine main et tira fortement à lui. Nul bruit perceptible ne trahit la manœuvre qu’il venait d’exécuter.

Il sortit la tête hors du trou et écouta. Et ses yeux, à ce moment, brillaient d’un éclat sauvage.

Au même instant, il entendit un cri, suivi du bruit d’une chute. D’un coup de poing il repoussa le bouton qu’il n’avait pas lâché et gronda dans une explosion de haine satisfaite:

– C’est fait!…

Il écouta encore une seconde et n’entendit plus rien. Il ferma la porte secrète et descendit l’escalier à son tour. Sur la dernière marche, il tâta le sol du bout du pied, avant de la quitter, comme pour s’assurer de sa solidité. Le sol résista. Alors il pénétra dans le vestibule.

Il s’en fut droit à un énorme coffre qui paraissait scellé dans le mur. Il pressa sur un bouton et le coffre se déplaça, découvrant un trou grillagé d’environ un pied de long. Il ne se donna pas la peine de regarder, sachant que ses yeux ne parviendraient pas à percer les ténèbres opaques qui régnaient sous le trou. Mais il écouta. Et il entendit distinctement la voix de Jehan le Brave qui hurlait en italien, comme s’il avait voulu se faire mieux comprendre de l’Italien Concini, à qui elles s’adressaient, les menaces les plus terribles, les injures les plus sanglantes.

Concini se redressa, un sourire livide aux lèvres. Il remit le coffre en place. Et alors, il n’entendit plus rien. Et il dit tout haut, comme s’il avait voulu être entendu de sa victime et en réponse à ses menaces:

– Bon!… en attendant, crève là-dedans!

Et tranquillement, posément, il se mit à la recherche de ses serviteurs qu’il découvrit dans la cuisine où ils étaient enfermés. Il en détacha un à qui il commanda de délier les autres et se dirigea d’un pas rapide vers son logis de la rue Saint-Honoré, dans l’espoir d’y arriver avant que Léonora Galigaï ne fût rentrée elle-même du Louvre, où elle avait passé la nuit.

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