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– C’était tout indiqué!

– La besogne n’en sera que plus facile!

C’était Gringaille qui avait prononcé cette dernière phrase. Elle eut le don d’éveiller le soupçon dans l’esprit de Concini, prompt à se méfier.

– Pourquoi plus facile? fit-il en le regardant fixement. J’aurais cru le contraire.

Gringaille haussa irrévérencieusement les épaules et, avec un dédain à peine voilé:

– On voit bien que vous êtes gentilhomme, monseigneur, dit-il.

– Le pôvre, il ne sait pas organiser une petite trahison de rien du tout.

– Il aurait besoin de nos leçons.

Ils avaient des trognes hilares, une rondeur de manières, une bonhomie qui eussent endormi les défiances les plus robustes: Concini ne les soupçonnait pas, en ce moment du moins. Mais il avait hâte de les voir franchir le seuil de cette porte et de les tenir tous sous clé. Ce fut donc avec une certaine impatience qu’il dit:

– Parlez plus clairement… et soyez brefs. Gringaille expliqua:

– Tous trois, ici présents, nous sommes de bons amis à vous, des amis en qui vous avez toute confiance…

– Simple supposition, eh! Gringaille!… Tu ne voudrais pas être un ami de monseigneur?

L’interruption venait d’Escargasse. La phrase pouvait paraître louche. Elle fit froncer le sourcil à Concini. Mais Escargasse avait un air naïf, respectueux, qui éloignait le soupçon. Puis, quoi? on ne pouvait pas exiger de ce truand les phrases alambiquées d’un mignon de cour! D’ailleurs, Gringaille continuait déjà:

– Supposition, comme de juste. Nous venons vous visiter. Nous déposons nos dagues et nos épées… sur ce meuble (effectivement ils déposaient leurs armes) à seule fin d’endormir vos soupçons, au cas où vous en auriez. Ceci fait, Escargasse et moi nous venons à vous la main loyalement tendue.

– Et nous vous disons; «Adieu, eh! cher ami!» Autrement, comment va? fit Escargasse.

– Naturellement, reprit Gringaille, vous nous donnez une main à chacun… comme ceci, justement. (Concini n’avait pas donné sa main. Il avait eu un mouvement de recul, au contraire.) Nous la prenons et… nous vous tenons.

– Alors, moi, Carcagne, je vous serre dextrement les poignets avec cette solide cordelette.

Et Carcagne, en effet, enroulait prestement une ficelle autour des poignets de Concini, qui se débattait, vociférait, écumait, sans aucun succès d’ailleurs. À partir de ce moment, la démonstration continua, ponctuée par des gestes bien réels, hélas! Et les trois débridés, riant, pouffant, se bourrant, s’envoyaient malicieusement la réplique sans demeurer inactifs pour cela.

– Parfait, Carcagne!

– Ne vous démenez donc pas ainsi…

– C’est pour vous faire voir comment nous nous y prendrons.

– Ensuite, nous passons aux bras…

– Eh là, doucement! Ne ruez donc pas ainsi, que diable!

– Puisqu’on vous dit que c’est pour vous faire voir.

– Est-il obstiné!…

– Ensuite nous passons aux jambes… Là, maintenant vous ne pouvez plus ruer!… Ensuite nous vous roulons dans ce manteau que nous attachons solidement pour plus de sûreté.

– Vé! il crie, il crie comme un cochon qu’on égorge.

– Alors, nous vous mettons ce mignon bâillon.

– Là! au moins on s’entend un peu maintenant.

– Ensuite nous vous enlevons délicatement (ils auraient dû dire: rudement). Nous ouvrons cette porte (ils l’ouvraient, pénétraient dans la chambre en se bousculant, tiraillant dans tous les sens le malheureux Concini réduit à l’impuissance, riant à gorge déployée, heureux comme des écoliers qui viennent de jouer un méchant tour, et Gringaille continuant seul): Nous vous déposons doucement sur ce lit (ils le jetaient brutalement) et nous disons (ils s’alignaient devant Jehan):

– Messire Jehan, voici congrûment roulé et ficelé, tel un énorme saucisson, le signor Concini… lequel avait une furieuse envie de nous tenir enfermés ici avec vous… Ce qu’il n’aurait pas manqué de faire… si nous n’étions de plus rusés renards que lui!

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