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Arnoldson, quand tout fut terminé, voulut récompenser Harrison et lui proposa cinq millions. Harrison les accepta; mais, quand Arnoldson lui dit qu’il pouvait s’éloigner de lui, qu’il reconquérait toute sa liberté et qu’il ne lui demandait plus que le secret le plus absolu sur son existence, Harrison dit: «Je reste!»

Et c’est alors qu’il lui fit l’aveu que lui aussi avait aimé miss Mary d’un amour que nul au monde n’avait soupçonné et que sa plus douce joie serait de joindre sa vengeance à celle de Jonathan.

– Il te suffira de servir la mienne! fit Arnoldson. Tu attendras tant que je te dirai d’attendre. Tu n’agiras que lorsque je te dirai d’agir.

– Je vous le jure, maître.

Alors, Arnoldson se souvint de son fils. Il emmena ses serviteurs à La Nouvelle-Orléans. Joe s’en fut frapper à la porte de la family house et apprit que le petit William s’était échappé depuis deux mois, mais qu’on l’avait vu errant sur le port. Il en retrouva la trace. Il remonta derrière lui la rive du Mississippi et le rejoignit à Little Rock. Là, il reçut l’ordre de ne plus le perdre de vue mais de le laisser abandonné à lui-même et de ne le secourir en quoi que ce fût.

Arnoldson, ayant réussi du côté de son fils, songea alors à savoir où avaient pu se réfugier Charley et Mary. Il partit avec Harrison et l’Aigle pour le Colorado. Arrivé à Denver, il alla demander à l’hôtel d’Albany Mr Wallace. Celui-ci ne reconnut point Jonathan Smith. Arnoldson prononça ces mots: The queen city of the plains. Mr Wallace lui répondit: «Monsieur, je devais remettre à la personne qui m’aborderait ainsi un pli qui me fut jadis confié par le roi de l’huile. Or vous êtes le second qui venez me trouver avec cette phrase. Je n’ai plus le pli. Le premier fut un jeune homme blond qui ne fit que passer à l’hôtel d’Albany quelques jours avant que le bruit de la mort de mon malheureux ami ne se fût répandu jusqu’à nous. J’ai souvent songé à cette visite, qui me parut louche en de telles circonstances, et je donnai le signalement du voyageur à la police, qui ne le retrouva naturellement pas.»

Ce disant, Mr Wallace salua Arnoldson. Quand il releva la tête, il fut stupéfait de voir qu’Arnoldson était déjà loin.

– Bizarre individu! fit-il.

Et il se remit à ses affaires.

Arnoldson savait tout ce qu’il désirait savoir. Charley était venu chercher le secret de l’ingénieur. Il le retrouverait quand il lui plairait. Car Charley, avec une invention pareille dans les mains, ne manquerait point de tenter la fortune.

Alors, Arnoldson revint à La Nouvelle-Orléans, où il resta de longs mois. Joe venait l’y voir souvent et lui donnait des nouvelles de son fils, qu’il lui dépeignait dans la misère la plus extrême. Arnoldson, alors, riait d’un rire sinistre et disait à Harrison qui le suppliait de venir en aide au petit:

– Attendons, mon cher, attendons. Plus il tombera, plus je l’élèverai, et plus il me sera reconnaissant.

Quelquefois, Harrison questionnait Arnoldson sur ses projets de vengeance. Alors, très sombre, le roi de l’huile disait:

– Tu verras… Tu verras… Je te ferai assister à quelque chose de vraiment bien. Mais il te faut de la patience… beaucoup de patience… Des années… Dix années peut-être!… Que sais-je?… Vingt années!…

– Vous attendrez trop longtemps… Votre vengeance vous échappera…

– Pauvre fou!… J’attendrai qu’ils aient perdu même mon souvenir… J’attendrai qu’ils soient riches et pleins de quiétude. J’attendrai qu’ils aient des enfants, de beaux enfants, Harrison, de beaux enfants…

Et Arnoldson riait atrocement.

– J’attendrai aussi que je ne l’aime plus… car mon cœur est encore plein de mon amour, vois-tu… et je ne veux pas avoir d’hésitation à l’heure du châtiment… Il faut savoir attendre… Si tu es las déjà, va-t’en!…

Mais Harrison restait. Il avait donné sa parole au roi de l’huile et il était ainsi fait qu’il ne la reprendrait jamais.

Quand Arnoldson se décida à sauver son fils, il n’était vraiment que temps. William n’eût pu résister encore à quelques semaines de misère. La constitution du petit, qui était d’une robustesse peu commune, prit bientôt le dessus, et William fut debout et bien portant un mois à peine après qu’Arnoldson l’eut ramassé sur la paillasse de la taverne de Boston.

Dire la reconnaissance de l’enfant et l’amour qu’il voua à celui qui le traitait alors comme le plus chéri des fils serait impossible.

Ce fut alors qu’Arnoldson passa avec William ce qu’il appelait son contrat. Il lui promit tout ce qu’il lui donna plus tard, à la condition que le petit obéît en tout et toujours, et qu’il se montrât son élève soumis. Arnoldson apparaissait à William comme un dieu bienfaisant. Il se donna à ce dieu sans hésitation.

Immédiatement commença l’éducation spéciale dont il fut déjà parlé et qui fit de William l’être unique qu’avait rêvé Arnoldson. On voyagea beaucoup, toujours avec Joe et l’Aigle et les professeurs du moment. On restait deux ans dans une contrée, et, William s’étant familiarisé avec la langue de cette contrée, on passait à une autre. Arnoldson parcourut ainsi la terre, certain qu’il retrouverait, un jour, Charley et Mary exploitant l’invention qu’ils tenaient de Mr Wallace. Et, en effet, il les retrouva finalement au Siam, où ils vivaient sous les noms de M. et Mme Lawrence, se faisant passer pour des Français d’origine anglaise. Ils avaient, à cette époque, deux enfants, et semblaient en train de faire fortune avec l’exploitation du minerai d’or.

Ce fut Harrison qui fut chargé de contrôler tous ces renseignements, et, quand il en eut reconnu l’exactitude, Arnoldson déclara qu’il fallait bien se garder de troubler Charley et Mary dans leurs travaux. Il ne voulut point les voir et fit tout pour les éviter. Enfin, s’étant assuré que, s’ils quittaient le pays, il en serait tout de suite averti, il revint en Europe.

Arnoldson, quand il ne s’occupait pas de son fils, s’occupait de sa fortune. Au bout de vingt ans, cette fortune, tant par les opérations heureuses auxquelles il se livra que par l’amoncellement des capitaux et des intérêts, avait dépassé de beaucoup le milliard.

Arnoldson était l’un des maîtres de la terre. C’est alors qu’il produisit son œuvre, ce prince Agra, auquel il venait d’acheter des terrains immenses dans les Indes anglaises, et dont l’apparition devait causer tant de drames dans les sociétés du vieux monde.

Enfin, trois années avant l’époque où se passent les événements qui nous occupent, Lawrence, sa femme et ses enfants étaient venus s’installer à Paris. Joe fut chargé de les surveiller et d’organiser autour d’eux cette surveillance, pendant qu’Arnoldson préparait tout pour une vengeance qu’il avait annoncée très proche.

Joe avait donc, depuis trois ans, acquis, à deux pas de la villa de Lawrence, l’auberge Rouge, dans laquelle nous avons vu entrer cette famille dont l’Homme de la nuit avait juré la perte!

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