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C'est une femme debout, nue jusqu'à la ceinture, écrivant sur des tablettes, et qui réunit en elle toutes les beautés de la forme humaine. Les deux bras et les tablettes venaient d'être brisés. Les Pénates d'or et d'argent, je les ai transportés, la nuit, à Antioche et je les ai montrés en secret à des envoyés du Roi de Perse Sapor qui s'avance en suivant de près la retraite désespérée de Jovien. Ils m'offrent un marché sur lequel je gagnerais environ vingt talents d'or, c'est-à-dire 3 420 000 békas. Cela pourrait reconstruire une bonne partie du saint Temple de Salomon.

Ainsi, grâce à notre persévérance, notre sainte nation creuse sous les pieds de toutes les nations de la terre une mine remplie d'or où elles s'enseveliront, deviendront nos esclaves avilies et reconnaîtront notre puissance impérissable. Loué soit le Dieu d'Israël!

Fin de Daphné

La nuit commençait à s'effacer du ciel et sa couleur noire devenait fade et blanchâtre. Les deux inséparables ennemis ouvrirent la fenêtre. Ce qu'ils virent était immonde.

La grande foule se ruait toujours dans les rues, traînant ses pieds dans les ruisseaux et s'y noircissant jusqu'aux genoux. Cette foule courait avec ivresse à la suite de quelques hommes masqués et déguisés, couverts de paillettes d'or et tachés de vin. Partout ces hommes étaient accueillis avec de grands cris de joie et avec des injures plus sales que les ruisseaux. Un cortège païen arriva au moment où le jour et la pluie paraissaient. C'était le cortège d'un boeuf, suivi de ses bouchers et traînant des filles enivrées dont les joues étaient couvertes de fard rouge et blanc. Les fenêtres s'ouvraient partout sur le chemin du boeuf et on lui battait des mains. Bientôt des femmes couvertes de rubans et traînées dans des voitures magnifiques se mirent gaiement à la suite du boeuf. Elles élevaient leurs enfants dans leurs bras pour le saluer à son passage.

Tous deux suivirent cette marche triomphale sur de longs boulevards bordés de grands arbres, et le long des rues et au milieu des places publiques où s'arrêtait le boeuf, quand ses bouchers buvaient.

Ils arrivèrent avec la foule du boeuf devant une église contre laquelle une autre foule était irritée. Une longue corde était attachée à la croix de cette église et le peuple tirait la corde avec de grands cris. La croix chancela et tomba tout à coup au milieu des huées, et avec elle une partie des murs de la vieille église. Les gardes venus pour protéger l'église se prirent à rire et se partagèrent les ornements du lieu saint sans seulement penser qu'ils eussent été saints. Les deux foules se réunirent à la suite du boeuf et le boeuf marcha sur la croix et toutes les foules après lui.

Le Peuple allait le long de la rivière en se réjouissant de la gaieté des garçons bouchers, et l'on voyait flotter sur l'eau un nombre infini de livres grands et petits. Des rouleaux de papyrus antique, des parchemins du moyen âge et des feuilles hébraïques se heurtaient comme des coquilles de noix abandonnées, et cette vue réjouissait les petits enfants qui jouaient sur le bord.

Le Docteur Noir et Stello s'approchèrent du fleuve et achetèrent d'un enfant l'un de ces grands livres. A peine eurent-ils jeté les yeux dessus qu'ils reconnurent une plainte touchante du savant Grégoire Bar Hebraeus Abulfarage, sur la perte de la Bibliothèque d'Alexandrie brûlée par les Barbares.

Le noir Docteur sourit, Stello soupira.

Tous deux lurent avidement ces belles paroles écrites dans le XIIIe siècle sur l'événement des Barbares du VIIe. Mais ils ne lurent pas plus avant, parce que trois cents pages qui suivaient avaient été déchirées par les Barbares de Paris du XIXe siècle où nous sommes tombés aujourd'hui.

Tous deux continuèrent leur chemin à la suite du boeuf et des bouchers, des masques et du Peuple de Paris, et ils arrivèrent au palais de l'Archevêque. Les hommes et les enfants jetaient le toit par terre et les meubles par les fenêtres, et les troupes les regardaient faire et riaient et empêchaient les livres d'être retirés de la rivière.

Comme ils regardaient cela, ils virent passer un groupe d'hommes sans masque, vêtus singulièrement. Ceux-ci étaient jeunes et beaux, ils avaient leur nom sur la poitrine; ils adoraient un homme appelé Saint-Simon et prêchaient une foi nouvelle, essayant de fonder une société nouvelle.

La Foule leur jetait des pierres et riait.

Ce ne fut pas tout. Ce qu'ils virent de plus lugubre, ce fut un prêtre qui vint et les suivit en disant:»Je vous servirai et je vous imiterai."

"Les rois boivent du sang dans des crâne, les prêtres sont gorgés de biens, d'honneurs et de puissance, il faut que le Peuple les détruise et que les armées secondent les Peuples.

J'écrirai pour vous une Apocalypse saint-simonienne qui sera une oeuvre de haine."

La Foule l'écoutait et riait.

Alors ils rentrèrent tous deux remplis d'une tristesse profonde.

Stello regarda tristement le grand Christ d'ivoire.

Le Docteur Noir dit avec une gravité froide:

TOUT EST CONSOMME.

Ils regardèrent la statue de Julien. A ses pieds était Luther, et plus bas Voltaire qui riait.

De plusieurs choses judicieuses que dit le juif

Je ne puis comprendre, messieurs les Chrétiens, comment vous avez encore l'assurance de continuer le jeu muet du dédain à l'aspect d'une créature de notre nation, et comment vous osez nous refuser vos femmes lorsque vous nous donnez vos âmes. L'esprit du gain n'est-il pas tout ce qui vous enflamme aujourd'hui? De quel autre enthousiasme êtes-vous saisis que de l'admiration pour la richesse? Vous, si disposés à tout vendre, comment vous étonnez-vous que nous le soyons à tout acheter?

Je ne vois pas quel droit aurait un fidèle ou un croyant à faire le difficile pour me recevoir, quand le Pape m'a familièrement admis à lui baiser la main, et que le Grand-Seigneur m'a fait une réception magnifique. Je suis chevalier de l'ordre d'Isabelle la Catholique en Espagne, et l'Espagnol, l'Italien et le Turc ont été flattés de me voir agréer de bonne grâce leurs distinctions. – Ne savent-ils pas bien tous trois, à la seule forme de mon nom, que je suis un impur et un maudit?

Me suis-je caché de ma race? Ne l'ai-je pas au contraire fièrement avouée? N'ai-je pas écrit Israël sur ma maison? Ne suis-je pas exact au Sabbat plus que vous tous à la Communion? Ne vais-je pas mettre à l'enchère la clé du Lévitique en payant plus cher que nul de mes frères? Il faut donc que les chefs de votre foi sentent le prix de ma poitrine et de mes épaules qu'ils chargent de brimborions d'or faux et de mauvais émail. Et que peut valoir, je vous prie, ma poitrine? Comment ont-ils jugé le coeur qui bat en elle? Savent-ils si c'est celui d'un père, d'un citoyen, d'un amant ou d'un bourreau? Se sont-ils enquis si j'avais une âme et s'il sortait de cette âme des paroles dignes d'admiration? Non assurément, et aucun d'eux ne dirait sérieusement qu'il s'inquiète de mon affection ou de mes pensées. J'en conclus que s'ils attachent leurs fariboles d'épaulettes et de cordons sur ma poitrine, c'est qu'ils la savent faite d'or, et que l'or pur vaut mieux que les galons dorés.

Il était arrivé au plus grand enivrement de lui-même.

– Ah! que je voudrais connaître celui qui osera nier ma puissance! Je voudrais le voir pour lui demander qui en sait plus que moi dans la philosophie, la politique, et même les arts dont vous parlez quelquefois?

– Mon jugement est toujours le bon. Qui oserait avoir un autre avis?

– Et que deviendraient mes dîners pour lui? Ces dîners qui attendrissent les coeurs? – Ce qu'un dîner donne d'attendrissement à certains yeux n'est pas capable…

Et les voix des élections, à qui pensez-vous qu'on les donne si ce n'est à moi quand je le voudrai? Croyez-vous que ce soit à ce vieux noble qui vit et écrit dans son château? De quoi sert-il? A ce riche industriel maître de six grandes fabriques? Il les fait travailler, mais le travail est toujours la peine et la fatigue, c'est l'ennui par conséquent. Est-ce à ce bon vénérable fermier, aristocrate nouveau qui donne l'exemple grossier de l'ordre et d'une vie sévère?

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