Les retombées tardives du PAS et le réveil des Forces Vives (1989–1990)
En 1990, on observe une amélioration de la situation économique. Mais les retombées sur le petit peuple restèrent faibles. Un discours politique maladroit et inadapté, ne tenant pas compte de l’évolution de l’opinion a contribué à discréditer défnitivement le régime. A défaut de parti d’opposition, tous les mécontents se sont exprimés à travers les églises, les syndicats et les diverses associations qui sont les Forces Vives de la nation liguées contre l’État AREMA. Une concertation nationale des Forces Vives regroupant syndicats, associations professionnelles et religieuses ainsi que quelques partis politiques eut lieu à Antananarivo du 16 au 19 août 1990. L’AREMA fut invité, mais encore assuré de sa force, méprisa les assises. La concertation réclama une nouvelle constitution pour une Troisième République et la mise en place d’un gouvernement de transition.
Les évènements de 1991–1992
A partir du mois de mai 1991, les Forces Vives organisèrent des manifestations quotidiennes sur la place du 13 mai et entreprirent une campagne de désobéissance civile. Ils parvinrent à déclencher une grève générale en juin. Et la place du 13 mai devint le siège quotidien d’imposantes manifestations où le peuple réclame révision de la constitution, nouvelles élections législatives et gouvernement de transition. Face au silence du pouvoir qui pensait encore que le temps jouait pour lui, les Forces Vives installèrent un gouvernement insurrectionnel et un chef d’État le 24 juillet 1991; cette tendance dure, représentée par Albert Zafy, Andriamanjato Richard et le général Rakotoarison, trouve l’adhésion de la majorité écrasante des manifestants (Forces Vives Rasalama). Autant les forces vives étaient déterminées à en fnir avec la RDM, autant Ratsiraka se réfugiait dans sa légitimité et pensait encore pouvoir tout préserver en usant de ses talents de politicien et de stratège hors pair.
Le 10 août 1991, les Forces Vives Rasalama décidèrent de marcher sur le palais présidentiel d’Iavoloha pour forcer la main au président Didier Ratsiraka. La sécurité de la présidence réagit en tirant sur la foule et ft 31 morts et 230 blessés parmi les manifestants. Il s’ensuivit alors une période d’incertitudes, mais il est devenu évident que les positions des uns et des autres étaient inconciliables. Didier Ratsiraka refusait d’avoir comme interlocuteurs les manifestants du 13 mai qu’il méprisait. Il renvoya le Premier ministre Victor Ramahatra et désigna Guy Willy Razanamasy, une fgure bien connue dans la capitale, à sa place.
La mission de Guy Willy Razanamasy était alors de mener les négociations avec les Forces Vives. Une convention dite «Convention de Panorama» fut signée le 31 octobre 1991. Cette convention prévoyait la mise en place d’un gouvernement de transition pour 18 mois, la création d’une Haute Autorité de l’Etat (HAE), l’élaboration d’une nouvelle constitution et la dissolution de l’Assemblée nationale et du Conseil Suprême de la Révolution (CSR). Didier Ratsiraka devait rester en place comme chef d’État, Guy Willy Razanamasy dirigeait le gouvernement de transition et Albert Zafy fut nommé à la tête de la HAE. A l’issue du forum national (23–30 mars 1992), un projet de constitution fut rédigé. Cette constitution fut approuvée sans difcultés par le référendum du 19 août 1992.
3. La Troisième Republique (de 1992 à nos jours)
3.1. La constitution de la Troisième Republique: première version (août 1992)
La nouvelle constitution traduit une volonté de se démarquer complètement du régime présidentiel et personnel de Didier Ratsiraka. Elle est très démocratique et traduit une volonté d’éviter tout pouvoir personnel: le pouvoir du président est considérablement diminué, celui du Premier ministre accru, l’Assemblée nationale ne sera plus croupion et aura pouvoir de contrôler l’exécutif, de sanctionner le Premier ministre et de déposer le président. Ainsi, les trois entités: Assemblée nationale, gouvernement et président de la République se partagent le pouvoir. Le principal danger n’était plus le pouvoir personnel, mais l’instabilité.
3.2. Les forces vives au pouvoir (1993–1996)
Albert Zafy fut élu président de la République le 10 février 1993. Les élections législatives du 16 juin 1993 donne une Assemblée nationale à majorité de circonstances, disparate et fuctuante du fait de l’inconsistance des partis politiques et de la disparition d’une base de diférentiation et d’engagement entre les partis.
La Troisième République, à ses débuts, a du mal à défnir une ligne et à s’engager dans une orientation économique claire. L’existence de tendances contradictoires, l’inexpérience et la méconnaissance des pratiques élémentaires du système économique et fnancier, la simplicité naïve de certains responsables aboutissent au rejet des négociations avec la Banque Mondiale: refus d’honorer les services de la dette, mirage des fnancements parallèles, décisions contradictoires des institutions, autant de signes visibles des contradictions internes du pouvoir annonciateurs de la gabégie qui s’installe.
3.3. L’empêchement d’Albert Zafy (juillet – septembre 1996)
Le bilan économique et social est tristement décevant, voire malheureux: disparition des mesures socialistes réglementant les prix de quelques produits de première nécessité, infation galopante, dépréciation de la santé publique, dégradation du système éducatif, généralisation de la corruption, goût amer de la gabégie et de l’irresponsabilité des dirigeants.
Ce bilan malheureux a entraîné déception et désillusion précoce du peuple qui a déchiré ses fonds de culotte sur le trottoir de la contestation. La nouvelle classe politique adopte des comportements pires que l’ancienne. De 1993 à 1996, les confits sont permanents entre le président de la République, l’Assemblée nationale et le gouvernement.
Conscient des lacunes de la constitution, le président de la République soumet des amendements accroissant ses pouvoirs par référendum, amendements dont Didier Ratsiraka sera le premier bénéfciaire, car le 26 juillet 1996 une motion d’empêchement est adoptée par l’Assemblée nationale contre Albert Zafy. Elle est entérinée par la cour constitutionnelle le 3 septembre 1996.
3.4. Le retour de Didier Ratsiraka (1996–2001)
Des élections anticipées sont annoncées pour le 3 novembre 1996. De suite, Didier Ratsiraka annonce sa candidature et retourne à Madagascar. Il gagne les élections au second tour contre Albert Zafy le 29 décembre 1996. Et il annonce l’avènement d’une «République humaniste et écologique». En 1997, il organise un référendum constitutionnel, amendant la Constitution pour la troisième fois afn de mettre fn à l’instabilité du régime et mettre en place les provinces autonomes et toutes les chances de son côté.
Le second passage de Didier Ratsiraka à la présidence de la République, par rapport à la gabégie laissée par ses prédécesseurs semble avoir eu un bilan meilleur: taux de croissance de 6,5 % en 2000, diminution de la pauvreté en milieu urbain, amélioration sensible du système éducatif, reprise des négociations et amélioration des rapports avec les institutions fnancières internationales (les bailleurs de fonds). De nouveau, face à la carence des autres partis politiques dont il connaît très bien les dirigeants, il n’a pas eu beaucoup de mal à rétablir l’hégémonie de son parti (qui change de dénomination et non de sigle!). La mise en place des provinces autonomes et les déclarations traditionnelles d’allégeance qui s’en suivirent semblaient présager une installation durable du régime. Il faudrait voir dans l’institution des provinces autonomes une volonté de la présidence de la République à disposer d’un soutien solide et efcace, pour préserver une dépendance à une Assemblée nationale désormais peu sûre.