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© Saunders Ch., 2013

Célestin Razafimbelo. Madagascar, cinquante ans d’indépendance

Introduction

La colonisation française a duré soixante-cinq ans. Qu’elle soit mal perçue et considére comme une partie sombre de l’histoire de Madagascar, rien de plus normal: un asservissement a l’autorité des colonisateurs, un pillage des richesses nationales, un blocage des initiatives et de toute promotion des individualités, la grande frustration d’être dépouillé de ses droits dans son propre pays. Bref, dans la représentation de ce que le commun des Malgaches se fait de la colonisation, il s’agit d’un temps d’arrêt dans la marche vers le progrès social et économique. Durant la période coloniale, cette vision se trouve amplifée par le succès que rencontrent les idéologies de gauche parmi les rares intellectuels: idéologie de libération, d’émancipation mais aussi de progrès afrmant que l’indépendance ouvrait la porte vers la prospérité. Autour de cette problématique s’est tissée la nation malgache, une et indivisible dans l’avenir, comme c’était le cas, devant la colonisation.

Chez certains groupes politiques, on appréhendait le retour de l’hégémonie merina, une fois l’indépendance acquise: la marche de l’histoire aura montré que le problème résidait ailleurs. Après les cinquante années d’indépendance, la grande île est toujours à la recherche d’une voie vers la stabilité politique et le développement.

1. Philibert tsiranana et la Première République

1.1. Une transition vers l’Indépendance

Madagascar a connu durant la colonisation plusieurs sursauts de nationalisme dont l’insurrection de 1947 représente le temps fort. Après, ni la répression politique, ni la suppression du parti MDRM, ni l’entretien d’une clientèle politique favorable à l’ordre colonial n’auront pas arrêté la marche de l’histoire. Le peuple malgache, consulté lors du référendum du 28 septembre 1958, choisit l’autodétermination au sein de la Communauté en votant «oui». Philibert Tsiranana concrétise sa volonté d’accéder à l’indépendance en faisant adopter par le Congrès des As-semblées provinciales la formation d’un état républicain le 14 octobre 1958. La République malgache est proclamée. Il s’ensuit la mise en place d’un gouvernement provisoire et d’une Assemblée Constituante. Madagascar a son drapeau (16 octobre 1958), son hymne national (27 avril 1959). Philibert Tsiranana, à la tête d’une délégation malgache, négocie pour accéder à une indépendance efective (février – avril 1960). Le général de Gaulle y est largement favorable. Le 9 avril 1960, la délégation revient au pays en rapportant l’indépendance. Ainsi, Philibert Tsiranana, devient le «Père de l’Indépendance».

Le 26 juin 1960, l’indépendance est solennellement proclamée à Mahamasina. La jeune République malgache est dotée d’une constitution et d’une organisation administrative, centralisatrice, s’inspirant de l’exemple français. Philibert Tsiranana, dont «le premier souci est l’unité nationale», veille à préserver l’image de rassembleur et de ray aman-dreny[773]. Ainsi il ramène avec lui de l’exil ses anciens adversaires politiques, les trois députés de 1947, Ravoahangy, Raseta et Rabemananjara, le 19 juillet 1960. Il obtient le ralliement de nombreux ex-MDRM (dont Ravoahangy et Rabemananjara) et, sans difcultés, son parti, le Parti Social Démocrate (PSD) prend une assise nationale et gagne les premières élections des députés pour l’Assemblée nationale (104 sièges sur 107).

Le deuxième souci du «Père de l’Indépendance» est de conserver les bonnes relations avec la France. Les accords de coopération, paraphés en avril, sont signés le 27 juin 1960. Ils touchent plusieurs domaines: politique étrangère, défense, politique monétaire, économie et fnances, justice, enseignement, transport, télécommunication. Force est de reconnaître qu’ils ont eu une résultante positive et sont à l’origine de cette prospérité, toute relative certes, de la première République. Certains domaines seront décriés, dénoncés par l’opposition: la présence militaire de l’ancienne métropole, l’éducation soupçonnée d’impérialisme culturel, la politique monétaire, économique et fnancière…

Ce qui est à l’origine du troisième souci du président Philibert Tsiranana: la lutte contre le communisme russe et chinois. Argument de poids pour diaboliser les deux partis d’opposition: le MONIMA (Mouvement National pour l’Indépendance de Madagascar) de Monja Jaona et l’AKFM (Antokon’ny Kongresin’ny Fahaleovantenan’i Madagascar) du pasteur Richard Andriamanjato, maire de Tananarive.

Les hautes fonctions administratives furent progressivement occupées par des Malgaches, formés suivant les traditions centralisatrices, tatillonnes et rigoureuses du système français: ce qui contribue à l’efcacité certaine de l’administration de la première République.

1.2. Le socialisme malgache de Philibert Tsiranana

Ayant été membre de la SFIO, Tsiranana créa un parti, le Parti Social Démocrate (PSD), militant pour «un socialisme pratique et humain» qui travaillera «sans se préoccuper des grandes théories souvent dépassées par les évènements». Il n’aime pas les grands discours: pour lui il faut agir, et travailler sans les longues discussions qui se font souvent dans les partis politiques: «Asa fa tsy kabary»[774]. Avec la France, le parti garde des relations privilégiées et ne touche ni aux entreprises, ni aux propriétés coloniales qui maintiennent la mainmise sur l’économie. Le socialisme se cantonne à une promotion (sans beaucoup de résultats) du mouvement coopératif. Quelques tentatives pour lancer des fermes d’État furent réalisées. Les restes du FIDES avaient permis de fnancer les travaux au ras du sol dont l’impact sur la population était palpable.

Le Parti Social Démocrate (PSD) est l’appareil politique du régime. Il se confond avec l’État et toute l’administration est à son service, ainsi a-t-on parlé d’État PSD. Cette période a fxé pour beaucoup de Malgaches, la représentation du parti et de sa place et rôle dans la vie politique: pour réussir, socialement et économiquement, il faut adhérer au parti du plus fort, moyen rapide d’ascension sociale. Le PSD est membre de la IIIème Internationale. Il entretient de très bonnes relations avec la Sociale Démocratie allemande et le Parti Travailliste israélien.

L’opposition représentée par l’AKFM du pasteur Richard Andriamanjato et le MONIMA de Monja Jaona, n’a qu’une audience régionale et, est réduite à servir de caution démocratique au régime. La presse est muselée et reste soumise à la censure.

Sur le plan économique, le contexte fut favorable durant les cinq premières années d’indépendance; mais suite à la chute du cours du café et à la fermeture du canal de Suez après la guerre des Six Jours, il se détériora à la fn des années 60. Des eforts sérieux furent fournis pour lancer la production rizicole dans le sens de l’intensifcation et de l’aménagement de grands périmètres irrigués (Alaotra, plaine de Marovoay, Bas-Mangoky, Dabaraha).

Le montage de deux grandes unités textiles à Antsirabe et Majunga relança la culture de coton. La première République avait esquissé un début d’industrialisation par la mise en place d’unités industrielles comme la rafnerie de Toamasina, la papeterie d’Ambohimanambola ou l’usine d’allumettes de Moramanga…

La première décennie du régime est caractérisée par un progrès économique régulier et efectif. Il faudra toutefois remarquer que le monde rural reste pauvre. L’efort industriel demeure le fait soit de l’État, soit des étrangers. Les Français conservent le contrôle d’une grande partie de l’économie malgache. Le Code des Investissements de 1962 les favorise et les investissements privés français sont relativement importants. Mais une grande partie du proft (sinon la totalité!) est rapatriée.Une bourgeoisie nationale existe; elle est particulièrement dynamique dans la spéculation immobilière et le commerce. La présence d’une population d’expatriée importante de Vazaha[775], de Karana[776] et de Chinois stimule la production et la consommation.

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773

Père et mère (litt), parents.

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774

Du travail et non des discours.

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775

Européen, étranger.

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776

Indien ou Pakistanais.

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