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2. La Révolution Nationale Démocratique de Didier Ratsiraka: un autre socialisme (1975–1992)

2.1. L’organisation du pouvoir personnel

Un régime présidentiel

De juin à décembre 1975, Didier Ratsiraka prépara son entrée pour une occupation durable du pouvoir: il choisit une option socialiste révolutionnaire qui transformerait radicalement la société et l’économie. Ses idées sont résumées dans la «Charte de la révolution nationale socialiste», ouvrage qu’il appellera par la suite «Boky mena» («Livre rouge») pour confrmer son engagement révolutionnaire et socialiste.

Il soumit le «Boky mena», ainsi qu’une nouvelle constitution et sa candidature à la présidence, à un plébiscite le 21 décembre 1975. La République Démocratique de Madagascar (RDM) fut alors solennellement proclamée le 30 décembre et en même temps, Didier Ratsiraka prêtait serment en tant que président de la République.

La mise en place des institutions se ft progressivement. Le régime est présidentiel. Le président Ratsiraka détient des pouvoirs immenses: élu pour sept ans, il nomme les membres du Conseil Suprême de la Révolution, organe purement consultatif et honorifque qui regroupe les chefs de parti. Le Premier ministre, les membres du gouvernement, les hauts fonctionnaires, les ofciers de commandement sont désignés par lui. Seuls les partis membres du Front National pour la Défense de la Révolution (FNDR) sont autorisés.

Renaissance des fokonolona: centralisme démocratique

On procède à une décentralisation territoriale. Le fokonolona renaît et devient la cellule de base de l’administration. Les fraisana (les cantons) remplacent les communes, les fvondronana (les sous-préfectures) et les faritany (les provinces). Des personnalités élues issues du FNDR (majoritairement de l’AREMA), président ces collectivités décentralisées. Cette décentralisation territoriale basée sur le fokonolona a trouvé des échos favorables parmi la population. Ces dénominations sont restées et ont résisté à toutes les reformes antérieures.

Plutôt l’est que l’ouest: les équivoques du non-alignement

Le régime se distingue de la première République par ses relations extérieures: Didier Ratsiraka préconise une diplomatie tous azimuts et un non-alignement qui se traduit par un alignement sur les pays progressistes, et le bloc de l’est. La République Démocratique entretient des relations privilégiées avec la Corée du Nord, Cuba, ainsi que l’URSS et ses satellites. Le choix politique est, à priori, clair; Selon Didier Ratsiraka:

«Toute notre politique doit tendre vers la création d’une base et des conditions favorables à l’édifcation socialiste (sans provoquer pour autant un efondrement de notre économie, générateur de troubles sociaux) c’est-à-dire à l’édifcation d’une société nouvelle fondée sur les principes socialistes:

une démocratie véritable impliquant la suppression et l’exploitation de l’homme par l’homme;

une juste répartition des richesses et facteurs de production;

une répartition égale de la culture;

l’appropriation par l’État et par le peuple des principaux moyens de production;

la suppression de toute discrimination fondée sur la race ou la religion;

la liberté de religions et l’existence de la propriété privée si cellesci ne sont pas contraires au programme et aux objectifs de la révolution.

Le programme qui sera défni ici trace un cadre d’actions, une ligne générale qui doit être claire pour tout le monde:

un État nouveau;

des structures socio-économiques nouvelles;

une mentalité nouvelle»

(Ratsiraka D. Charte de la Révolution Socialiste Malagasy.Р.21)

2.2. Orientations économiques et culturelles du socialisme révolutionnaire

Nationalisations, expropriations, décolonisation de l’économie (1975–1980)

En 1979, sur 358 entreprises, 279 appartenaient à des étrangers et 61 seulement à des nationaux. C’est ce qui a amené le régime vers la nationalisation de toutes les banques, les assurances ainsi que des entreprises importantes (EEM, Shell, Esso, Agip, COROI, Compagnie Marseillaise de Madagascar…). Didier Ratsiraka pensait en adoptant le capitalisme d’État (c’est-à-dire l’appropriation collective des moyens de production), redistribuer les profts (les bénéfces) vers le peuple. Un grand nombre de propriétés coloniales furent nationalisées.

Ces mesures furent acclamées par la population. Les intellectuels saluèrent et participèrent à la mise en place de cette Révolution Nationale Démocratique (RND) qui exprimait la ferté nationale, la souveraineté et l’indépendance réelle tant attendue. Enfn, «fers d’être malgaches, libres et indépendants»!

Quand l’état devient entrepreneur et investit à outrance

Vers la fn des années soixante dix, le contexte économique était favorable: excédent de la balance commerciale grâce à un cours élevé du prix du café, cours favorable de la vanille… De 1977 à 1981, Madagascar avait donc de l’argent et adopta une politique d’investissements à outrance, investissements improductifs réalisés sans études sérieuses préalables. Les plus signifcatifs parmi ces mésaventures fnancières sont: l’usine d’engrais chimique ZEREN, les unités mécaniques TOLY, l’usine de café soluble KAFEMA… La détérioration des termes de l’échange, aggravée par le second choc pétrolier provoqua un endettement et un accroissement de l’infation. Pendant cette période, Madagascar était encore rejetée par les institutions fnancières internationales.

Le bilan mitigé de la politique éducative. Malgachisation et démocratisation

Dans la Charte de la révolution socialiste, l’éducation constituait un élément central dans la marche vers le progrès. L’intention de donner les mêmes chances à l’accès au savoir est, certes, louable mais démocratiser l’enseignement ne fut guère une tâche facile: l’objectif fut de doter chaque fokontany[780] d’une école primaire, chaque fraisana d’un collège d’enseignement général et chaque fvondronana d’un lycée. A défaut de budget, chaque collectivité devait, suivant ses possibilités et ses motivations, construire les locaux. Au niveau supérieur, on créa un Centre Universitaire Régional (CUR) pour chaque faritany. La scolarisation connut alors un développement spectaculaire. Mais les moyens manquaient sur tous les plans: fnancier, technique ou humain. Ce qui ne fut pas sans conséquences sur la qualité et le niveau. Un efort fut fait pour malgachiser l’enseignement: adapter le contenu aux réalités de la Révolution nationale, malgachiser la langue d’enseignement, enfn malgachiser les diplômes.

Il semble que l’on ait trop vite attribué à la malgachisation les carences du système éducatif actuel. Il s’agit plus d’un problème de moyens et de volonté que d’un choix linguistique.

2.3. L’échec du socialisme révolutionnaire

La fn des grandes illusions du paradis socialiste (1982–1989)

Malgré tout cela, Didier Ratsiraka fut réélu sans problèmes en 1982, puis en 1989. Il est indéniable que pendant cette période, le pays marquait une période de souveraineté réelle et une indépendance politique efective. Mais, la voie adoptée, malgré des intentions louables, avait engendré d’autres problèmes: boycott des institutions fnancières, aggravation de la pauvreté, détérioration du service public miné par la corruption, défciences des services de santé et déchéance de l’éducation.

La pauvreté rampante et les pénuries ont eu comme conséquences, l’amplifcation de l’insécurité, le développement du grand banditisme et la banalisation de la corruption. Refus de crédit, paupérisation et pénurie, ont contraint le régime à négocier avec le FMI et à abandonner progressivement ses principes idéologiques. Madagascar fut amenée à solliciter l’adhésion au Programme d’Ajustement Structurel (PAS) dès 1983, elle sera efective en 1984, mais les efets ne se feront sentir que deux années après. Ce qui a valu à Didier Ratsiraka d’être réélu pour un troisième septennat en 1989.

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Assise géographique du fokonolona.

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