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Manuscrit de Liancourt

[1] L'enfance nous suit dans tous les temps de la vie; si quelqu'un paraît sage, c'est seulement parce que ses folies sont proportionnées à son âge et à sa fortune (max. 207, I 219).

[2] L'orgueil a bien plus de part que la charité aux remontrances que nous faisons à ceux qui commettent des fautes, et nous les en reprenons bien moins pour les en corriger que pour persuader que nous en sommes exempts (max. 37, I 41).

[3] Nous sommes préoccupés de telle sorte en notre faveur que ce que nous prenons le plus souvent pour des vertus ne sont en effet que des vices qui leur ressemblent et que l'orgueil et l'amour-propre nous ont déguisés (épigraphe de 1678, I 181).

[4] Nous promettons selon nos espérances, et nous tenons selon nos craintes (max. 38. I 42).

[5] Nous avons tous assez de force pour supporter les maux d'autrui (max. 19, I 22).

[6] Ce qui rend nos amitiés si légères et si changeantes, c'est qu'il est aisé de connaître les qualités de l'esprit, et difficile de connaître celles de l'âme (max. 80, I 93).

[7] Nous nous persuadons souvent d'aimer les gens plus puissants que nous; l'intérêt seul produit notre amitié, et nous ne leur promettons pas selon ce que nous leur voulons donner, mais selon ce que nous voulons qu'ils nous donnent (max 85, I 98).

[8] Les Français ne sont pas seulement sujets, comme la plupart des hommes, à perdre également le souvenir des bienfaits et des injures, mais ils haïssent ceux qui les ont obligés; l'orgueil et l'intérêt produit partout l'ingratitude; l'application à récompenser le bien et à se venger du mal leur paraît une servitude à laquelle ils ont peine de s'assujettir (max. 14, I 14).

[9] Les faux honnêtes gens sont ceux qui déguisent la corruption de leur cœur aux autres et à eux-mêmes; les vrais honnêtes gens sont ceux qui la connaissent parfaitement et la confessent aux autres (max. 202, I 214).

[10] On est au désespoir d'être trompé par ses ennemis et trahi par ses amis, et on est toujours satisfait de l'être par soi-même (max. 114, I 119).

[11] Les plus sages le sont dans les choses indifférentes, mais ils ne le sont presque jamais dans leurs plus sérieuses affaires (MS 22, I 132).

[12] L'amour-propre est plus habile que le plus habile homme du monde (max. 4, I 4).

[13] Il est aussi aisé de se tromper soi-même sans s'en apercevoir qu'il est difficile de tromper les autres sans qu'ils s'en aperçoivent (max. 115, I 120).

[14] Rien n'est impossible de soi; il y a des voies qui conduisent à toutes choses, et si nous avions assez de volonté, nous aurions toujours assez de moyens (max. 243, I 265 et 272 1er état).

[15] L'intérêt fait jouer toute sorte de personnages, et même celui de désintéressé (max. 39, I 43).

[16] La constance des sages n'est qu'un art avec lequel ils savent enfermer dans leur cœur leur agitation (max. 20, I 23).

[17] Quelque prétexte que nous donnions à nos afflictions, ce n'est que l'intérêt et la vanité qui les causent (max. 232, I 246).

[18] C'est plutôt par l'estime de nos sentiments que nous exagérons les bonnes qualités des autres que par leur mérite, et nous nous louons en effet lorsqu'il semble que nous leur donnons des louanges (max. 143, I 146).

[19] L'homme est conduit lorsqu'il croit se conduire, et pendant que par son esprit il vise à un endroit, son cœur l'achemine insensiblement à un autre (max. 43, I 47).

[20] La modestie, qui semble refuser les louanges, n'est en effet qu'un désir d'en avoir de plus délicates (MS 27, I 147).

[21] L'orgueil se dédommage toujours, et il ne perd rien lors même qu'il renonce à la vanité (max. 33, I 36).

[22] L'amitié la plus sainte et la plus sacrée n'est qu'un trafic où nous croyons toujours gagner quelque chose (max. 83, I 94).

[23] La félicité est dans le goût, et non pas dans les choses, et c'est par avoir ce qu'on aime qu'on est heureux, et non pas par avoir ce que les autres trouvent aimable (max. 48, I 54).

[24] Quand on ne trouve point son repos en soi-même, il est inutile de le chercher ailleurs (MS 61, I 55).

[25] On ne fait point de distinction dans la colère, bien qu'il y en ait une légère et quasi innocente, qui vient de l'ardeur de la complexion, et une autre très criminelle, qui est à proprement parler la fureur de l'orgueil et de l'amour-propre (MS 30, I 159).

[26] Quoique toutes les passions se dussent cacher, elles ne craignent pas néanmoins le jour; la seule envie est une passion timide et honteuse qu'on ne peut jamais avouer (max. 27, I 30).

[27] La jalousie est raisonnable en quelque manière puisqu'elle ne cherche qu'à conserver un bien qui nous appartient, ou que nous croyons nous devoir appartenir, au lieu que l'envie est une fureur qui nous fait toujours souhaiter la ruine du bien des autres (max. 28, I 31).

[28] Quelque différence qu'il y ait entre les fortunes, il y a pourtant une certaine proportion de biens et de maux qui les rend égales (max. 52, I 61).

[29] On n'aime point à louer, et on ne loue jamais personne sans intérêt; la louange est une flatterie habile, cachée et délicate qui satisfait différemment celui qui la donne et celui qui la reçoit. L'un la prend comme la récompense de son mérite, l'autre la donne pour faire remarquer son équité et son discernement Nous choisissons souvent des louanges empoisonnées qui découvrent par contre-coup des défauts en nos amis, que nous n'osons divulguer. Nous élevons même la gloire des uns pour abaisser par là celle des autres, et on louerait moins Monsieur le Prince et Monsieur de Turenne si on ne voulait pas les blâmer tous les deux (max. 144, 145 et 198, I 148 et 149, 2e état).

[30] Il est malaisé de définir l'amour, et tout ce qu'on en peut dire c'est que dans l'âme c'est une passion de régner, dans les esprits c'est une sympathie, et dans le corps ce n'est qu'une envie cachée et délicate de jouir de ce que l'on aime après beaucoup de mystères (max. 68, I 78).

[31] Quelques grands avantages que la nature donne, ce n'est pas elle, mais la fortune, qui fait les héros (max. 53, I 62).

[32] Il n'y a point de libéralité et ce n'est que la vanité de donner que nous aimons mieux que ce que nous donnons (max. 263, I 286).

[33] L'amour de la gloire et plus encore la crainte de la honte, le dessein de faire fortune, le désir de rendre notre vie commode et agréable et l'envie d'abaisser les autres font cette valeur qui est si célèbre parmi les hommes (max. 213. I 226).

[34] On pourrait dire qu'il n'y a point d'heureux ni de malheureux accidents parce que les habiles gens savent profiter des mauvais, et que les imprudents tournent bien souvent les plus avantageux à leur préjudice (max. 59. I 68).

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